Depuis un moment maintenant, les vergers Viridis se faisaient visiter, et parfois même piller. Malgré le nombre grandissant et incalculable de Reguladors qui arpentaient les parcelles, rien ne changeait : toutes les nuits ou presque, les gardiens retrouvaient les grillages éventrés et les clôtures défaites, au grand désarroi des propriétaires et de Luciano, le principal concerné. S’ils avaient depuis longtemps écarté la piste des curieux et des fauteurs de troubles, Luciano et les Reguladors s’étaient finalement entendus sur l’idée qu’il s’agissait d’un ou plusieurs pokémons qui, sans doute affamés, venaient compléter leurs repas dans ce garde-manger à ciel ouvert. Quoi de plus naturel après tout ? La nature et les fruits qu’elle offrait n’appartenaient-ils pas à tout le monde ? C’était la théorie bien sûr, car évidement Luciano et les finances des Viridis ne voyaient pas les choses de la même manière.

Une piste avait fini par les conduire au cœur de la Forêt Ucaya, dans la pénombre de la Cénote de la Luz. Telles avaient été les dires des Reguladors éclaireurs du moins, et malgré son statut de bureaucrate Luciano avait tenu à accompagner ceux qui, vraisemblablement, promettaient de résoudre le mystère de ses visites intempestives. Si l’intendant de Borao n’était pas connu pour être un homme de terrain – à l’instar de son Lougaroc, l’homme semblait peu goûter à l’idée de se salir les mains – la curiosité avait, semblait-il, prévalu sur le reste et puisque nul ne pouvait décemment dire non à un Viridis ni à aucun autre membre d’une des Grandes Familles, il avait été décidé que Luciano accompagnerait les deux Reguladors jusqu’à la cachette présumée de leurs voleurs de baies.

Pour d’autre qu’eux, ce qu’ils s’apprêtaient à faire relevait de l’illégalité, et pourtant leur quête n’était pas sans une certaine légitimité. Luciano avait ce privilège-là, celui d’appartenir à cette classe dominante en tout point de vue : ce qui aurait été refusé à n’importe quel autre producteur ne l’était pas pour lui et dire que l’argent et l’influence n’avaient rien à voir là-dedans relevait du mensonge. L’intendant, cependant, n’était pas animé que par la perte du gain : d’autres craintes attiraient son attention, des craintes qu’il souhaitait vérifier par lui-même plutôt que par l’intermédiaire d’un autre.

Si la traversée de la Forêt Ucaya ne leur avait pas posé de problèmes – ils la connaissaient bien après tout – leur belle assurance s’estompa vite aux abords de la grotte qui, ils le savaient, abritait un lac souterrain rarement visité et que l’absence de dresseurs curieux avait rendu hostile. Accompagné de Gara sa Lougaroc, Luciano pouvait sentir sur lui les regards des innombrables pokémons qui peuplaient le lieu … et en cela, il n’était pas le seul.

« — Prenez garde, Monsieur. Nous ne sommes pas les bienvenus » déclara l’un des Reguladors.

Sans blague.