Une silhouette crépusculaire se faufilait à travers les arbres, un quadrupède à la crinière solide. Le genre de quadrupède que Vanda n’aurait pas aimé croiser à l’état sauvage. La Raikar garée en  lisière lui permit toutefois d’écarter cette éventualité : n’en déplaise aux partisans de la libération des monstres, ce Lougaroc appartenait à quelqu’un.
D’ailleurs la bête ne s’était même pas arrêtée. Elle connaissait déjà le parfum de la Jolas, et l’odeur iodée du mollusque accroché à ses épaules. Celui-ci avait déjà levé la tête, préparé à faire feu.

- Range-moi cet Octazooka tout de suite, petit fou furieux. On est pas là pour ça.

La tête raide, Howard tarda à s’exécuter, moins animé par une peur primaire que par l’envie de se mesurer à un monstre aux poils de roche. L’enquêtrice, quant à elle, n’avait pas spécialement l’ambition de se mesurer à Viridis, ni à ses poils. Même si leurs échanges ne rentraient pas tout à fait dans la sphère professionnelle, la diplomatie était de rigueur… ainsi qu’une certaine distance de sécurité.

En écartant les branches d’un buisson d’Oran pour entrer dans la clairière, Vanda se surprit à se laisser bercer par l’énergie apaisée du lieu. La présence paisible des deux bichettes non loin de Luciano n’y était pas pour rien. Pour un peu, on aurait pu croire à une mise en scène, destinée à faire oublier à Jolas qu’elle allait s’adresser à un des humains les plus influents du continent. « Oh, regardez ! Des Vivaldaims. Ne sont-ils pas mignons ? Après tout, peu importe qu’on vive ou non dans une dictature Pokémoniste régie par les armes et des substances chimiques douteuses ! La vie n’est-elle pas belle et simple quand on sait prendre mesure de la richesse des cadeaux de Shaymin ? Faites comme moi, Jolas, mettez vos mains dans vos poches et savourez la douce brise du temps qui passe. »

- Mouais, marmonna-t-elle pour elle-même avant d’être à portée de voix, en écartant cette possibilité stupide. Du peu qu’elle le connaissait, Viridis n’était ni du genre à manufacturer une mise en scène, ni à se répandre en métaphores.

En se rapprochant d’un pas lent mais assuré, elle imposa inévitablement sa présence aux deux bébés de la forêt qui, bien que pas spécialement rassurés, se contentèrent de s’écarter plutôt que de fuir à toutes pattes. Luciano n’aurait pas besoin de se retourner pour savoir qu’il n’était plus seul.

- Sympa votre char, insinua-t-elle pour toute salutation.

Pas franchement inspirée par l’idée de se vautrer dans l’herbe pour bavarder en contemplant les nuages, elle se rendit à ses côtés pour lui adresser un regard amusé et complice, avant de continuer sa marche en l’invitant à se mettre en mouvement, Vivaldaim ou non. Bien que les arbres n'aient pas d'oreilles - pas tous -, une certaine déformation professionnelle l'incitait à rester mobile en toutes circonstances pendant ce genre d'échange.

- Merci pour votre disponibilité. J’ai croisé votre familier dans les bois. Il a fallu que je négocie avec le mien pour le dissuader de lui tirer dessus, mais j'ai l'habitude. Comme vous le savez je fais ça régulièrement avec les recrues les plus fougueuses de la Guarda.

Toujours accroché à elle, son Octillery n'avait pas loupé un mot de cette comparaison discutable. Il fit mine de n'avoir rien entendu.

HRP:

Infos & Redevances

Tout vient avec un prix, même ce qui n'en a pas.

L’arrivée de l’enquêtrice fit relever la tête aux deux Vivaldaims, qui ne se gênèrent pas pour la dévisager pendant un long moment. Un coup d’œil derrière-lui conforta l’intendant de la présence de Jolas dans les parages … c’était ce qu’il aimait chez elle : l’inspectrice avait toujours été ponctuelle, ne lui avait jamais fait défaut. Pouvait-on vraiment espérer croire pouvoir offrir autre chose à Luciano Viridis ? Pas vraiment : le puîné Viridis n’était pas connu pour être enclin à la médiocrité. L’excellence, voilà tout ce dont se contentait l’intendant de Borao, du moins lorsqu’il s’agissait d’entrer à son service. Vanda Jolas l’était-elle ? Pour faire simple, oui. En réalité ? C’était plus compliqué que cela.

Loin de se soucis de la présence de la nouvelle venue, les Vivaldaims reprirent finalement leur activité, non sans s’écarter de quelques mètres où, visiblement, l’herbe semblait plus verte. S’approchant, la remarque de la jeune femme fit naître un sourire furtif sur le visage de l’intendant … non, son char n’était jamais passé inaperçu et aujourd’hui n’avait pas fait exception à la règle : à l’image de son propriétaire, la voiture de Luciano Viridis attirait les regards et même garée au fin fond de la forêt, la manquer relevait d’une inattention maladive dont Vanda Jolas n’était – il le savait – pas dotée. Par la suite, elle le remercia de sa présence et lui glissa l’air de rien l’anecdote de sa rencontre avec Gara, sa Lougaroc qui depuis longtemps avait fait de la Forêt Ucaya son territoire. Les bois n’étaient-ils pas le domaine des loups après tout ? De nouveau, un sourire s’esquissa sur le coin de ses lèvres … la Lougaroc pouvait se montrer impressionnante parfois, pour ne pas dire menaçante. N’importe qui, n'importe quoi se serait senti en danger à son approche brusque. Naturellement, les Lougarocs restaient des prédateurs que seuls les idiots sous-estimaient, pourtant cela n’empêcha pas Luciano de titiller l’inspectrice concernant la réaction de son compagnon à ventouse.

« — Votre poulpe aurait-il la gâchette facile ? » lui demanda Luciano, qui s’était retourné pour lui faire face. Sa question n’appelait à aucune réponse bien sûr, aussi l’intendant poursuivit-il « Je serai toujours disponible pour les gens comme vous, Jolas. Je sais que vous n’êtes pas de ceux qui perdre inutilement votre temps » affirma-t-il.

Luciano ne faisait pas non plus partie de ces gens-là et tous deux le savaient très bien. Leur temps à l’un comme l’autre leur était précieux et aucun des deux partis ne l’ignorait. Toujours les mains dans les poches, l’intendant fit un pas en direction de l’enquêtrice, réduisant de ce fait l’espace qui les séparait.

« — Tâchons de ne pas ternir nos réputations à ce sujet » déclara-t-il. Tourner autour du pot n’était pas dans sa nature. Après tout, ce n’était certainement pas pour ses beaux yeux que Jolas l’avait fait venir et Luciano ne la payait pas pour parler du beau temps « Dites-moi ce que je peux faire pour vous, Vanda » poursuivit-il.

Ou peut-être bien était-ce elle qui pouvait faire quelque chose pour lui ? Après tout, Luciano la payait pour lui rapporter des informations … peut-être en avait-elle, fraichement acquises ? L’intendant tâchait de ne pas se perdre à espérer trop hâtivement. Comme à beaucoup d’autres, la déception était une chose qui lui seyait peu.

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Spoiler:

En phase avec son employeur sur les questions de gestion du temps, Vanda s’aligna silencieusement sur ses propos en profitant de ses incompressibles politesses pour mettre le feu à une de ses cigarettes, ainsi qu’à une partie de la poésie du lieu dont les Vivaldaims étaient les émissaires. Quand Viridis lui offrit la parole, les quadrupèdes étaient déjà loin, et elle expulsait la première bouffée de fumée – la plus enivrante de toutes.

- Bien, je vais être concise. La semaine dernière nos hommes ont mis un coup de filet d’envergure dans un entrepôt d’El Fandango, dans la banlieue Sud de la capitale. Des crapules de Zekrom étaient impliquées. Trafic de poisson à chair estimée, pour l’essentiel.

Howard, dont la tête oscillait toujours au gré des pas de Vanda, s’en souvenait très bien. Même s’il n’avait pas été impliqué directement dans le cœur de l’action, il avait fait la connaissance d’une Scalpion un peu trop curieuse pour son propre bien… et qu’il avait pris un sérieux plaisir à écraser contre un mur à coup d’Octazooka après l’avoir distraite le temps des premières arrestations. La "gâchette facile" avait malgré tout le sens des priorités.

- L’opération a failli mal tourner, reconnut-elle en soupirant une nouvelle vague de tabac. Les malfaiteurs ont opposé une résistance farouche: nos agents ont notamment essuyé une déferlante de flashs aveuglants avant de pouvoir dégainer. Les bandits en ont profité pour les désarmer et détruire leur fusils Pérola à coup de SonicBoom, mais la plupart se sont enfuis avant de contre-attaquer. Les derniers ont eu droit aux menottes… et quelques baffes au passage.

La Jolas en parlait comme si elle avait pu en distribuer elle-même, et ce n’était qu’à moitié faux. Théoriquement en dernière ligne pour récolter des preuves après le grabuge, elle n’avait pas hésité à se positionner en soutien armé aux forces de l’ordre, ni à procéder à quelques interrogatoires sauvages avant la fin des festivités.

- Parmi les malfaiteurs, on a récupéré un jeunot visiblement assez loin de chez lui, beaucoup plus réactifs aux questions. Evidemment le môme n’avait aucun papier sur lui, mais on a vite compris que ce n’était pas un Zek : pas la carrure, ni le panache, ni la moindre Pokéball à la ceinture. Du coup je l’ai cuisiné pendant toute une nuit, et il a fini par cracher des choses… intéressantes.

Elle coinça sa cigarette entre ses lèvres pour ouvrir sa sacoche, afin d’en extraire son petit dictaphone-Chuchmur qu’elle avait pris soin de rembobiner au moment adéquat. Lorsqu’elle appuya sur l’oreille rose correspondant au bouton PLAY, on pouvait entendre une voix de garçon pleine de rage et de défi qui s’entrelaçait avec celle de Jolas dans ce qui semblait être une petite salle. Il niait en bloc tout ce qu’elle voulait lui faire avouer, à commencer par l’identité des autres malfaiteurs de la soirée.

- Réglo, le bonhomme : il n’a pas balancé le moindre de ses confrères. J’ai pourtant réussi à lui arracher un nom, dit-elle avec un brin de fierté mal placée dans le sourcil. Ecoutez plutôt.

Elle appuya sur l'œil en croix du Chuchmur de plastique pour monter le volume. Dans l'enregistrement, il était question des petits camarades du suspect les moins téméraires, ceux qui s’étaient enfuis les premiers, au moment où les éclairs lumineux s’étaient abattus sur les yeux de la Guarda impuissante.

« Vu ta posture actuelle, tu aurais sûrement mieux fait de te joindre à eux, tu ne crois pas ? »

« Pour rien au monde. Hercule vous a bien mis la misère, pas moyen que je rate ça ! »

« Ah tiens ? Et on peut savoir qui c’est, Hercule ?»

Silence gêné du prisonnier.

Luciano, tout comme Vanda, avait dû tiquer au moment où le nom avait été prononcé. Elle reprit une bouffée de cigarette en mettant son dictaphone sur pause, guettant la réaction de Viridis. Et si cet Hercule avait été l'artisan de ces flashs aveuglants en série ? Des Sonicbooms qui avaient désarmé la Guarda ?

- Je n’ai pas pu m’empêcher de faire le rapprochement, mais les planètes n’étaient pas encore alignées pour que je me mette à vraiment y croire. Pour ça, il a fallu attendre que le département informatique fasse son job et finisse par trouver l’identité du gars.

Le regard vagabond, elle se para alors de ce petit sourire dont elle avait le secret, teinté de malice et d’ironie.

- Il s’appelle Gilberto Novar. Ça vous dit un truc ?

Des singeries. Evidemment que ça lui disait quelque chose. Viridis avait évoqué ce nom parmi bien d’autres lors de leurs premiers entretiens. Et comme Vanda avait refusé de les enregistrer pour éviter tout désagrément, elle le lui avait fait répéter plusieurs fois pour bien s’en souvenir.

Elle ne regrettait pas cet effort. C’était d’ailleurs rarement le cas.

Fatalement, l'euphorie de l'enquêtrice trouva chez Viridis une absence de résonance édifiante, comme si le désir de voir enfin cette histoire avancer un peu absorbait toutes les autres émotions alentour. Cela n’empêcha pas Vanda de s’en amuser discrètement, tirant sur sa clope de plus belle à mesure qu’ils longeaient la lisière de la jungle.

- Il y est toujours, oui. Nourri par nos impôts dans une cellule provisoire bien trop grande pour lui. Les charges sont les mêmes que celles qu’il avait aux fesses à l’époque où il avait disparu avec Aro : outrage et violence à agents, incitation à la haine, diffusion de propos conspirationnistes, et tout le bataclan.

Aîné d’Aro de plusieurs années, Novar s’était spécialisé dans l’art de donner de fausses bonnes idées au neveu Viridis, avec qui il était rentré en contact via les réseaux sociaux. De la description que Luciano lui en avait faite, Vanda l’avait catalogué comme l’archétype de l’agitateur charismatique, capable d’emporter n’importe quel paumé dans ses errances les plus illégales, le tout sans se mouiller l’orteil. Trop frileux pour posséder un pokémon lui-même, il aurait passé son temps à encourager Aro à entraîner le sien. Comme par hasard, les deux voyous avaient disparu de l’espace public dans la même période.

- Depuis l’épisode d’El Fandango et les interrogatoires qui ont suivi, vous pouvez aussi rajouter refus d’obtempérer et tentative de corruption sur personne dépositaire de l’autorité publique. Donc rassurez-vous, le relâcher n’a jamais été au programme. Cependant si vous voulez cuisiner le bonhomme, il est tout à vous. Moi je l’ai assez vu, soupira-t-elle d’un air exaspéré en se frottant le front, les yeux en l'air.

A la suite de sa gaffe sur le Pichu, Novar s’était montré plus prudent dans ses déclarations… mais son insolence n’avait pas diminué. La suite des interactions avec lui avaient été éreintantes, autant pour Jolas que pour la « good cop » qui l’avait secondée sur le coup.

- Ce n’est pas tout, reprit-elle en expulsant une petite brume de tabac. A la lumière de cette information, je me suis appliquée à fricasser les autres prisonniers – des Zekrom pour l’essentiel – pour les faire lâcher tout ce qu’ils pouvaient savoir sur Hercule et son éventuel partenaire humain, le tout avec suffisamment de subtilité et d’acrobaties pour ne pas susciter la curiosité de mes collègues de la Guarda. Les plus coopératifs d’entre eux ont fini par confirmer la présence d’un blondinet relativement discret accompagné par cette tanche de Novar, et flanqué d'une petite souris électrique particulièrement vaillante.

Difficile d’esquisser une description moins équivoque. Mais dans le flot d’information, Vanda étouffa toute arrogance cette fois-ci, s’efforçant de rester la plus claire possible :

- Ils étaient présents tous les trois à l’occasion des tractations qui avaient lieu ce soir-là, non pas pour négocier leur part de chair de poisson mais bien pour entrer en contact avec la team Zek, en particulier un de leurs représentants… Le nom de « DJ Lek-Tek » a été évoqué, et croyez-moi, ce n’est une bonne nouvelle pour personne.

Derrière ce pseudonyme au goût douteux ne se cachait pas un simple musicien, mais un baron de la contrebande que les forces de l’ordre de La Isicao ne connaissaient que trop bien.

- Ce tocard de Lek-Tek nous résiste depuis le début. Dans nos bureaux on affiche des cartes du métro désaffecté pour les annoter, et certains couloirs portent carrément son nom. Il a marqué son territoire. Aucun de nos agents n’y pénètre seul, et certainement pas sans une excellente raison de le faire…  Si je veux continuer à enquêter sur votre neveu incognito – sans le soutien armé de mes collègues, donc –, vous comprendrez que je vais commencer à risquer quelques dents. Ce qui nous éloigne um pouco du cadre initial de notre arrangement.

La tête oscillante de Howard se redressa. « Ah, nous y voilà », songeait-il. Il ne comprenait pas vraiment ce qui se jouait dans cette conversation, mais de toute évidence, Vanda convergeait enfin vers la raison réelle de sa présence ici. Elle l'imita et laissa son nez se promener dans les hauteurs nébuleuses du ciel.

- Mon père est Poké-vétérinaire, et il a un dicton qui me faisait beaucoup rire quand j’étais môme. « Qui veut saisir la queue du Pichu enfile des gants en caoutchouc ». Seulement voilà, les gants en caoutchouc, encore faut-il pouvoir se les payer. Et pas la première daube venue au CrocroDealTM du quartier, si vous me permettez la métaphore, ajouta-t-elle avec un sérieux étonnamment implacable.

La Jolas n’avait pas spécialement envie de rire de tout cela. Malgré les apparences, il ne s’agissait pas simplement d’un peu de beurre dans les épinards, mais de sa carrière toute entière, et a fortiori de son intégrité physique.

- Je comprendrais que vous souhaitiez prendre le relais de l’enquête vous-même, Senhor Viridis. Mais dans le cas contraire, si vous attendez vraiment de moi que je mouille davantage ma chaussette dans cette affaire sans un peu de soutien stratégique, je vous demande très humblement un petit pourcentage d’augmentation. A deux chiffres, si possible.

De la grisaille au loin. Il ne fallait pas s’attendre à autre chose.

La cigarette de Jolas était terminée. D’un geste absent, elle égrainait la cendre au bout du mégot, expulsant la dernière douche de fumée pendant que Viridis s’employait à ronchonner, à juste titre. Le malheureux aurait souhaité de vraies bonnes nouvelles ? Si elle lui en avait apportées, elle n’aurait pas eu à lui réclamer quoi que ce soit en retour, puisque cela aurait signifié qu’elle avait achevé son travail.

- Ce qui me motive, lui répondit-elle maussade, c’est de mettre la main sur votre neveu au plus tôt. La suite des opérations va me demander beaucoup d’organisation, sachant que je suis structurellement seule sur le coup et que je fais ça sur mon temps libre.

En supposant qu’elle ait connu un Regulador en qui placer suffisamment de confiance pour l’accompagner dans l’affaire Aro, elle n’aurait pas pu se permettre d’embarquer qui que ce soit là-dedans. Si cela venait à se savoir qu’elle travaillait dans le dos de la Guarda pour remonter la trace d’un rejeton d’une famille si prestigieuse… Trop de choses étaient en jeu.

Les Vivaldaims s’étaient réfugiés dans l’ombre de la jungle, il n’y avait plus l’ombre de leur innocence sur la zone. Pourtant, à travers les troncs, Vanda crut discerner des branches un peu étranges se dessiner çà et là. Les bois dans les bois ?

- Alors non, reprit-elle en détournant les yeux de ce qu’elle pensait être la méfiance des Haydaims, je ne vous demande pas nécessairement de l’argent. Juste un peu de cohérence. Si l’on veut connaître la nature de la connexion entre Aro et les Zekrom, il faut que j’aille chez les Zekrom. Soit vous me laissez une possibilité de le faire sereinement – par exemple en me plaçant sous la protection de quelqu’un de confiance, ou bien en me permettant de poser les congés sans solde nécessaires à une planification digne de ce nom –, soit on s’arrête là pour le moment.

A présent, elle parlait à contrecœur. La situation convoquait le souvenir des  premiers échecs de sa carrière.

- Et croyez-moi, même si c’est l’affaire la plus officieuse de toutes, c’est bien la dernière chose que je souhaite.

Sans s’arrêter de faire tournoyer le mégot tiède entre ses doigts, elle rangea l’autre main dans sa poche et se tourna vers Luciano, affrontant son regard.

- Si je peux l’attraper avant qu’il ne se fourre dans des milieux un peu trop survoltés, tout le monde sera gagnant.

A commencer par elle-même. Pas besoin d’attendre que les Zekrom ne s’amusent à faire d’Aro Viridis un adversaire de taille…