La Isicao, quelques heures avant le Carnaval.La Isicao était en fête et pour cause : le Grand Carnaval était sur le point d’avoir lieu et si la foule brillait encore par son absence, bien des choses étaient déjà prêtes, puisque préparées en amont plusieurs jours auparavant. C’était le cas de la plupart des décorations qui coloraient les rues principales de la capitale, décorations qui avaient dû coûter beaucoup, tant en matière d’argent que de temps. Luciano devait bien l’avouer : l’intendant était bien content de ne pas avoir ça chez lui, à Borao … et puis, il pensait à l’après aussi. Qui ramassait les vestiges de la fête ? Non, vraiment, Luciano voyait ça comme une aubaine.
Bien différentes de la cité végétale, les rues de la capitale avaient peu d’avantages aux yeux de Luciano et plus encore à ceux de Gara, sa Lougaroc, qui goûtait peu à l’urbanisme des grandes villes. Du béton, encore du béton, du béton à n’en plus fini ; du béton, et parfois des odeurs laissés par d’autres pokémons passés avant elle. Laissée libre – un luxe qui lui venait du statut de son maître – la louve orangée arpentait une artère de La Isicao lorsque son attention fut soudainement happée par un endroit, par quelque chose qui la fit s’arrêter. Y attardant son regard, Luciano découvrit un pokémon enfermé dans une cage et les choses auraient pu en rester là si Gara n’avait pas fait le choix de ne pas le quitter. Bavarde, Luciano pouvait entendre la louve geindre, et la créature de la cage s’agiter. Loin de se montrer agressive ou même indifférente, Gara s’attardait à renifler le pokémon prisonnier, qui attira à son tour l’attention de l’intendant. En y regardant de plus près, Luciano découvrit un chien au pelage bleu et jaune, un Elecsprint plutôt mal en point qui, déjà, semblait faire ami-ami avec la Lougaroc. Gara elle-même appréciait visiblement cette rencontre, à en croire sa queue battante. Que faisait-il là ? Qu’avait-il fait pour mériter ainsi la geôle ? Luciano fut coupé dans son examen par l’arrivée d’un homme qui s’interrogea sur sa présence … avant de reconnaître en lui le sang et la manière des Viridis. L’homme le gratifia alors de ronds de jambes et autres belles paroles à n’en plus finir. La base.
« — Pourquoi est-il là ? » questionna finalement Luciano en désignant d’un signe de tête d’Elecsprint.
L’homme eu un sourire, s’esclaffa à moitié.
« — Ah ! Vous n’êtes vraiment pas d’ici vous, n’est-ce pas ? » assura le gardien
« C’est l’Elecsprint qui fait courir la Guarda, celui qui rend soi-disant justice dans les rues. C’est un héro aux yeux de certains au sein de la population … mais il met un sacré bazar ! Les hautes autorités de La Isicao nous ont demandé de le capturer à l’approche du Carnaval, histoire qu’il n’y ai pas de problèmes au moment des festivités » raconta-t-il.
De nouveau, le regard de Luciano se porta en direction du pokémon. Un chien abandonné, hein ? L’intendant peinait à y croire, pourtant le puîné Viridis était bien obligé de se contenter de la version du gérant de ce qui s’apparentait finalement à une fourrière. Loin de se laisser intimider, l’Elecsprint leva les yeux vers l’intendant, sans vaciller.
« — Et qu’est-ce que vous allez faire de lui ? » demanda Luciano.
Le culot de ce chien attisait son intérêt : non content d’importuner la Guarda pour il ne savait quelle raison, l’animal avait la fierté de rester droit alors qu’il se trouvait prisonnier. Loin de s’avouer vaincu, il gardait en lui une étincelle, éternel indompté. Quelle était son histoire, pour avoir fait naître en lui une telle ténacité, une telle combativité ? Sans doute Luciano ne le saurait-il jamais.
« — Pour ne rien vous cacher, je ne sais pas trop » répondit l’homme
« On nous a demandé de lui trouver un maître mais … bah ! disons que ce n’est pas le plus docile des chiens. Et puis, les gens préfèrent les chiots, vous voyez » expliqua-t-il.
Oui, Luciano voyait très bien. Les bébés pokémons suscitaient toujours l’émois au début, puis beaucoup moins une fois qu’ils devenaient grands et évoluaient. Etaient-ce qui était arrivé à cet Elecsprint, avait-il été abandonné six mois après Noël ? C’était plus que probable, mais d’où lui venait cet élan d’héroïsme politiquement incorrecte alors ? Là encore, la question se posait.
« — Personne n’est venu le réclamer ? » s’étonna l’intendant.
« — Bah, non, personne ! Vous pensez-bien, avec tous les dégâts et les ennuis qu’il a causé, son propriétaire ne viendra jamais le récupérer. Vous imaginez la facture ? » déclara-t-il.
Gara avait fini par rejoindre l’intendant, mais son regard n’avait pas quitté l’Elecsprint, resté couché dans sa cage. S’approchant davantage de son maître, la Lougaroc donna un coup de nez dans le bras de l’intendant, le fixa d’un air décidé.
Qu’est-ce qui le fit, lui, se décider ? Luciano n’aurait su le dire. L’histoire du pokémon, peut-être ? Sa ténacité ? Le destin assuré qui l’attendait s’il restait dans cette cage ? Quelque part, Luciano avait le désir d’en apprendre davantage sur cet Elecsprint et sur tout ce qui avait fait ce qu’il était aujourd’hui.
« — Appelez votre responsable. Je vais vous le prendre » affirma l’intendant.
La surprise gagna l’homme, qui n’était pas tout à fait certain d’avoir bien entendu. Luciano Viridis, avec ce clochard d’Elecsprint ?
« — Beuh … vous êtes sûr ? Un homme comme vous, avec un chien comme ça ? » lui demanda l’homme.
« — Appelez votre responsable » répéta Luciano.
Perde son temps n’était pas dans les habitudes de Luciano Viridis.
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