Quelle curieuse invitation que celle reçue par Monsieur S. Du genre que l’on ne peut véritablement refuser, puisqu’elle s’est drapée d’un mystère qui nécessairement m’a interpelée. Convaincue finalement par mon ami, patron et avocat, Alexis Sitan, j’ai accepté de m’y rendre en profitant de l’occasion pour revêtir une robe d’un bleu-vert profond, à la jupe frivole et au dos plongeant. J’ai tout de même couvert mes cicatrices, désormais peu visibles, des sévisses vécus auprès de mon ex-mari, par un maquillage léger qui devrait me permettre de garder mon passé pour moi. Il est plutôt rare que je m’autorise à dénuder mes épaules et mes bras ainsi, mais une certaine excitation m’a gagnée et avec elle une humeur festive. Du moins était-ce le cas jusqu’à que je me retrouve coincée derrière un épais grillage avec pour partenaire d’aventure une jeune femme aussi séduisante qu’antipathique. Un de ces visages de Cinza que je ne peux supporter et dont la vue seule suffit à me renverser l’estomac pour tout ce qu’elle peut représenter.
Si son personnage excentrique et bruyant aurait suffi à me convaincre de m’en tenir loin, ses principes politiques ont fini de créer chez moi un certain mépris pour cette gradée de la Guarda. Je n’ai jamais eu la malchance de me mesurer à elle dans une joute verbale (car peut-on considérer un échange entre nous deux d’une autre manière que conflictuelle?), sauf que je l’ai croisée lors de nombreux procès impliquant ma compagnie et son équipe juridique, Craboss. Me jumeler à elle pour cette petite expérience cruelle de la part de cet étonnant Monsieur S me crispe déjà. La perspective d’être enfermée anime mon cœur de soubresauts inquiets. C’est d’un geste presque désespéré que j’attrape la balle de mon fier compagnon Aetius, pour me rassurer. Tant que le dragon se trouvera à mes côtés, je n’aurai pas à m’inquiéter. À moins que… Et si tout ceci était un piège orchestré par la Guarda ? Je fais volte-face pour considérer ma partenaire d’infortune. Je n’ai absolument pas confiance en elle et ne prévoie pas travailler avec elle. Je suis certaine de pouvoir me sortir de ce bazar seule.
«Je suppose que nous n’avons d’autres choix que d’accepter les termes de ce fameux Monsieur S. Un des vôtres celui-là ? J’imagine que c’est le cas, s’il possède des secrets sur tout le monde. Un trait caractéristique du gouvernement que d’espionner ses honnêtes citoyens qui n’ont rien demandé.»
Je lui adresse un sourire tout aussi angélique que provocateur. J’ai besoin d’un verre et vite. J’ignore d’où proviennent les informations de notre hôte, mais je préfère éviter que mes secrets ne soient révélés, puisqu’ils sont nombreux. Pudique concernant ma vie privée, je refuse de rester les bras croisés et de risquer que celle-ci ne se trouve étalée… surtout si c’est au prix de la liberté de Corvus ou de la mienne. Je marche donc en direction opposée de la grille, en direction de Giuseppina Visconti.
«Faites ce que vous voulez, moi je vais par là.»
Puis elle, elle peut bien se perdre dans le labyrinthe quelques heures. Ou bien quelques mois. Ou pour toujours. Ce ne serait pas une bien grosse perte après tout.
Je ne m’attendais pas à devoir franchir un labyrinthe pour rejoindre la réception à laquelle j’ai été invité. Il est vrai que toute récompense a un prix. Qui est ce Monsieur S ? Je ne sais pas et je vais le découvrir. S’il connaît tous les secrets des personnes présentes aujourd’hui, il y a trois solutions possibles : il bluff, il fait parmi des hauts placés du gouvernement ou c’est un rebelle qui cherche à créer la discorde. Quoi qu’il en soit, je veux en avoir le cœur net. C'est donc vêtu d’une combinaison noire et élégante, que je prends connaissance de mon acolyte. Il fallait que ça tombe sur elle, je n’aime pas trop le sens de l’humour de notre hôte. Notre duo est loin d’être anodin. Qu’espère-t-il en faisant ça, que l’on s’entretue ? Je lève les yeux au ciel et commence à soupirer lorsque la fameuse Léonie m’accuse d’être l’instigatrice de ce jeu.
- Il est vrai que vous êtes une honnête citoyenne, d’une exemplarité extrême. Douce comme un Moumouton. Et que vos compatriotes sont des pauvres gens innocents qui veulent le bien de tous. Je vous accorde beaucoup de qualités mademoiselle Valencia, mais je ne vous savais pas de mauvaise foi.
Décidément, cette petite escapade débute sur de merveilleuses bases. Je suis la première à vouloir faire tomber les têtes des hauts placés qui osent jouir du système illégal tout en le condamnant, évidemment, je garde cette opinion pour moi. Mais entendre dire que les rebelles sont innocents et qu’ils cherchent le bien commun, ça me fait doucement sourire. J’essaye de me calmer. Nous sommes enfermées et on ne pourra sortir d’ici qu’à deux.
- Au risque de vous décevoir, je ne connais pas tout le monde parmi les hauts gradés. Eux aussi ont leurs secrets. Et qui me dit que ce n’est pas vous et vos petits copains qui nous tendent un guet-apens, après tout il y a pas mal de cibles intéressantes pour vous : moi, un Cobalt, un Viridis et certainement d’autres.
Je réponds à son sourire en l’imitant sans honte. Si ce Monsieur S dit vrai et qu’il détient les secrets de tous, je n’ai pas réellement envie que les miens servent de spectacle. Et puis je me fiche de connaître ceux des autres, je les percerai bien assez tôt.
Je décide donc de prendre sur moi et de suivre Léonie, en me tenant quelques pas derrière elle. N’ayant aucune envie d’engager la conversation, je laisse un silence pesant s’installer.
Ce labyrinthe est bien plus vaste que je ne l’avais prévu originalement. À vrai dire, la hauteur des haies me fait soudainement hésiter, me forçant à rester auprès de ma partenaire improvisée quelques instants supplémentaires. D’ailleurs, l’infâme membre de la Guarda en profite pour répondre d’une pique tout à fait pathétique.
«Mes copains ? Pour un membre de la Guarda vous êtes bien mal renseignée, madame Visconti. Je ne devrais pas m’en étonner, puisque vous et les vôtres avez tendance à mélanger les choses plus souvent qu’autrement. Effectivement je défends des gens qui n’ont pas eu de chance quand votre gouvernement soi-disant de bonne foi a fait voler en éclats des droits fondamentaux qui vont à l’encontre de notre Charte des Droits. Pas que ces mots vous disent quelque chose, avec les gens dans votre style, il faut parler simplement.»
Un rictus se peint sur mon visage alors que j’emprunte un chemin que je crois, après analyse de la situation, prometteur. Je laisse le silence s’installer entre nous, ruminant sur les membres de son espèce, ceux-là qui tirent profit d’asseoir leur pouvoir sur la population, qui se pensent supérieur ainsi. Je ne regrette absolument rien de la voie professionnelle que j’ai empruntée et aime ardemment mon travail même si celui-ci peut s’avérer exigeant à l’occasion. Je continue à cogiter sur mes paroles à ma vis-à-vis, poursuivant ma marche dans le labyrinthe, m’arrêtant à chaque intersection pour considérer mes options et revoir le schéma mental que je me suis fait de l’endroit. Puis me vient en tête une comptine que chante parfois Aster, et que je reprends ici avec une différence minime.
«Nous sommes de noir vêtus Les ongles trapus Qui rôdons dans la nuit Vos Pokémon, à peine entrevus Disparaissent sans un bruit Seule la lune répond d’un rire tordu Quand tonne le fusil Vous subirez si vous résistez La dérouillée de votre vie~»
Je fais bien sûr référence à mes amis de la Guarda et à leur tendance à voler les Pokémon des autres. Même si un grand sourire s’affiche sur mon visage avec une certaine hilarité, je continue à en avoir bien lourd sur le cœur suite au retrait de mes alliés, il y a de cela plusieurs années. Je lance donc un regard plein de mépris en direction de la femme, entamant la comptine à nouveau.
Premier défi complété !
Posté le Jeu 5 Mai - 21:34
Système Pérola
JE SUIS : Maître de Jeu INSCRIT LE : 19/10/2021 NOMBRE DE MESSAGES : 1899
Je lève les yeux au ciel, cette personne ne m’intéresse définitivement pas et j’ai hâte de sortir de ce labyrinthe. Je n’ai aucune envie de discuter avec elle et de rentrer dans un débat, je l’entends assez souvent blablater lorsque l’on se rencontre dans le cadre du boulot. J’avance donc dans le dédale, en pensant à la réception qui suit. J’ai un mauvais pressentiment. Si les convives viennent de tous les horizons et de tous les milieux sociaux, la soirée risque de dégénérer et je ne veux certainement pas me retrouver au centre. J’y vais, je prends un verre pour me mêler un peu aux autres et je disparais.
Léonie s’arrête à la prochaine intersection et analyse la situation. Elle va encore mettre une plombe à prendre une décision, personnellement, je préfère suivre mon instinct et ce dernier m’intime de tourner à droite. Je comprends qu’elle me suit lorsque je l’entends chantonner une comptine, qui semble avoir un rapport direct avec moi. Un sourire se dessine sur mon visage, une chanson pour moi et qui parle de moi, voilà qui me rend heureuse. J’applaudis.
- Incroyable, mademoiselle Valencia, vous avez pensé à faire carrière dans la chanson. Si je m’écoutais, je vous inscrirais à l’émission The Voice.
Mon sourire devient narquois. Je me moque ouvertement d’elle, car sa voix n’a clairement rien d’incroyable. Je ne rentrerai pas dans ce petit jeu de provocation, digne d’une cour de récréation. Je soutiens le regard qu’elle me lance, sans sourciller. Je sais qu’à terme cette blonde pourra m’être utile, surtout pour me rapprocher d’une certaine personne. J’ai des projets bien plus grands que d’arrêter toutes les personnes à qui profite l’illégalité. J’ai une mort à venger et je sais que ma cible pourrait me donner des informations essentielles. Le prix d’échange sera élevé, mais je suis prête à tout. Je regarde le ciel et je pense à mon père adoptif.
Je me reprends rapidement, hors de question de montrer un signe de faiblesse. Et je me décide à briser le silence.
- Une chose est sûre, je ne pensais jamais vous voir dans une tenue de la sorte.
Côtoyer des membres de la Guarda fait partie de mon quotidien : entre la surveillance accrue qui s’orchestre à mes portes (et d’autant plus depuis la visite imprévue de deux rebelles…) et la nature de mon métier, j’en ai pris l’habitude. Pourtant rien ne parvient à défaire le nœud que provoque inévitablement leur vue et le rappel beaucoup trop douloureux de la manière dont on m’a arraché mes Pokémon, ma propre famille. Toujours aussi dégoûtée par ce manque d’égards de tous les droits, autant humains que Pokémon, je tâche d’agir avec le plus grand civisme et de m’éviter les confrontations. En un pour un, ainsi solitaires dans ce grand labyrinthe je me permets pourtant une attitude bien différente, parfaitement puérile et je dois dire un peu bienvenue. Lâcher du lest sur quelqu’un après des semaines difficiles à préparer le retour de Corvus parmi nous me fait du bien. La pique de ma vis-à-vis ne fait qu’accentuer mon amusement. Visiblement je ne l’ai pas beaucoup affectée ce qui ne me fait pas grand-chose au final. Cette conversation est purement artificielle, les mots n’y ont aucune importance. Seul le mépris qui en émane est l’intérêt de cette discussion.
«Merci madame Visconti, j’y penserai et espérerai compter sur votre appui. Cependant je vous avoue préférer mes occupations actuelles. Vous voyez il faut bien quelqu’un pour rappeler au gouvernement et à ses chiens de garde que les droits humains, ce n’est pas là pour faire joli.»
Sa prochaine pique me plaît moins; pas que je n’apprécie pas son commentaire, juste qu’il me lasse. J’aurais cru qu’entre femmes nous pouvions éviter ce genre de piques sur le comportement et l’allure. Une pression monstrueuse reporte sur le dos des femmes et sur leur apparence, je suppose qu’en femme de pouvoir elle comprendrait plutôt que d’user des mêmes engrenages sexistes qui nous maintiennent dans l’ombre. Avec un soupir, je décide tout bonnement d’ignorer ses paroles de peur de me lancer dans un long discours féministe. Changeant mon fusil d’épaule, je lui offre un compliment cette fois sincère.
«J’aime bien votre combinaison, elle vous fait joliment.»
Puis me détournant d’elle et de sa toxicité, je tends l’oreille. Il me semble que j’entends des voix, nous ne devons plus être très loin du but.
Je plisse les yeux lorsqu’elle me traite de Rocabot, « prends sur toi Giu, respire et ne lui arrache pas sa vieille tignasse blonde ». Je fulmine et je sers les poings, à deux doigts de lui écraser sur le visage. Mais ça serait me mettre en porte-à-faux. Je n’ai qu’une hâte, sortir d’ici au plus vite et me prendre un verre. Je continue ma route, sans me soucier d’elle ou de ses paroles. Je ne relève même pas le compliment sur ma tenue, qu’il me tarde de retirer. Surtout ces foutus talons, pourquoi n’ai pas prévu des baskets ! Je meurs de chaud, j’ai mal aux pieds et je suis avec l’une des personnes que je supporte le moins. J’espère que la réception et que Monsieur S en valent la peine. N’y tenant plus, je retire mes chaussures et termine le labyrinthe pieds nus.
J’espère sincèrement y voir Corvus, même si je ne pourrai certainement pas m’approcher de lui. Que diraient les convives en voyant une haute gradée de la Guarda et l’homme le plus recherché du pays, discuté ensemble. Pourtant, il me faudra m’entretenir avec lui un jour ou l’autre. J’aurai la peau de l’assassin de mon père adoptif, quitte à y laisser la mienne. La Guarda est une couverture parfaite pour entrer dans les bonnes grâces du gouvernement, mais je me tire une balle dans le pied avec les rebelles. Je vais devoir la jouer fine.
Plus nous avançons et plus des voix s’élèvent, nous sommes bientôt à la sortie ! Je presse le pas, croisant les doigts pour qu’il ne s’agisse pas d’une illusion. Et puis enfin, la liberté. Les haies s’arrêtent et s’ouvrent sur un gigantesque parc, surplombé par la Demeure Togekiss. Des invités semblent déjà profiter de la soirée, sommes-nous les dernières ? Cela ne m’étonnerait pas. Je me tourne alors vers Leonys et lui parle avec franchise, avant de m’éloigner.
Je fronce tout de même les sourcils devant sa manière de se départir de ses souliers. Je trouve le geste abject et grossier puis aussi peu hygiénique… n’a-t-elle pas peur de chopper quelque chose en marchant ainsi dans le labyrinthe ? À sa guise. Dans tous les cas je n’émets plus aucun commentaire, concentrée dans la résolution de ce puzzle qui s’offre à moi. Amusée par les jeux de l’esprit, je dois avouer que le défi que représente celui-ci ne me déplaît pas, à l’exception évidemment de ma partenaire d’infortune. Une foule de questions se bousculent toutefois dans mon esprit tandis que nous approchons de plus en plus de la réception. Quel est l’intérêt réel de ce monsieur S ? Qu’aspire-t-il à faire en se jouant de nous ainsi ? Je doute que cette petite mascarade ne soit légale et entends bien retrouver mon avocat, présent à la soirée, pour lui en glisser un mot ou deux. Pour le moment toutefois je laisse le chemin défiler dans le silence et des réflexions qui, de part et d’autre, demeureront secrètes.
Finalement, la soirée se dévoile à nous, me tirant un soupir de soulagement. Je peux déjà voir quelques têtes connues et j’espère ainsi m’entourer de personnes plus agréables que celle à qui j’ai eu à faire. Néanmoins, l’heure n’est pas à socialiser : je me suis mise en tête d’enquêter sur les mystères que décèle cet endroit. Alexis, malheureusement, n’est pas encore sorti, je devrai faire sans lui pour l’instant. Je sursaute en entendant la voix de madame Visconti à mes côtés, moi qui croyais vainement en être débarrassée… Je suis toutefois surprise de constater qu’elle ne cherche pas à m’attaquer, qu’elle se contente de m’adresser une bonne soirée. Voilà qui m’étonne mais me rassure. Je n’avais pas vraiment envie de relancer les hostilités, ainsi lui adressais-je simplement un geste de la tête avant de me fondre dans la foule, à la recherche d’un allié.
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