Savannah m'a parlé dans un centre de bien-être qui vient d’ouvrir à Sercena, c’est exactement ce qu’il manquait à la ville. Un endroit où il est permis et fortement conseillé de mettre ses problèmes de côtés dans l’optique de se relaxer. Ce n’est pas dans la politique de la ville, puisque les Cobalt ont toujours imposé un idéalisme dans le travail. Les habitants ne sont pas du genre à prendre des jours de repos ou à privilégier leurs loisirs. Le propriétaire de centre appelé Le Havre n’a pas choisi la bonne ville pour s’implanter, mais croisons les doigts pour que son offre réussisse. Dans le monde actuel, la moindre parcelle de déconnexion est précieuse.
Je me suis donc mis en disponibilité pendant quelques jours. Les cours officiels sont terminés et l’affluence à la Cage est moindre pendant cette période. C’est le moment parfait pour inaugurer les bassins et les massages ! Mon corps en a besoin, mon esprit aussi. Bien que la pression de ces derniers jours se soit déjà amenui, je me sens encore tendu. Beaucoup de choses se sont passées dans ma vie dernièrement et la cassure officielle avec ma mère et la famille Cobalt en est le point d’honneur. Les médias en parlent déjà et l’histoire fait les premières pages des journaux : “Implosion au sein des Cobalt”. Au début, cela m’aurait gêné. Maintenant, je suis content. La région doit ouvrir les yeux sur la véritable personne qu’est la grande Lilith Cobalt. Une femme avide de pouvoir et cruelle, capable des pires atrocités pour parvenir à ses fins. Si la maladie n’avait pas eu raison de mon père, il serait décédé des mains de son épouse. Kali est encore trop jeune pour comprendre tous les enjeux et pour ouvrir les yeux, bien qu’elle risque de suivre les mêmes traces. Parfois, je me dis qu’elle a raison. Rester dans les bonnes grâces de notre génitrice pour ne pas subir ses foudres. C’est malin. Mais l’épée de Damoclès reste toujours en suspens au-dessus de nos têtes, menaçant de s’abattre à tout moment. Je ne supporte plus de vivre avec cette crainte qui nous tord le ventre. La roue tournera, je ferai en sorte qu’elle le fasse. Ma mère doit payer pour les crimes qu’elle a commis, je dois simplement trouver un moyen de le faire intelligemment sans me mettre les autres Famille à dos. Et j’ai une interlocutrice parfaite pour ça : Dora.
Ma cousine ne porte pas sa tante dans son cœur, alors autant en profiter.
Ces pensées me viennent alors que je traîne ma valise, les roulettes tapant contre les pavés. Le bruit pourrait être infernal, mais le vent qui s’engouffre dans les vieilles rues est tellement puissant, qu’il le rend inaudible. C’est pratique dans un sens. Cependant, à Sercena, nous ne connaissant pas le silence. Certains voyageurs pensent parfois que la ville est hantée par des Pokémon Spectres. Ce qui n’est pas totalement faux.
Après quelques bonnes minutes de marche, j’arrive devant l’entrée de l’infrastructure. L’entrée annonce déjà le programme et me rend encore plus enthousiaste. La grille est entrouverte, je me permets d’entrée. Le lieu est étrangement calme, même pour un centre de détente. Je sors mon téléphone pour vérifier le SMS de Savannah et la date, je ne me suis pourtant pas trompé de jour. À tous les coups, c’est elle qui a fait l’erreur… Bref, je vais quand même voir à l’accueil, qui est effectivement fermé. Je frappe à la porte, dans un dernier espoir.
L’administration d’un centre de bien-être, bien ironiquement, inclue son lot d’épuisement. C’est pourquoi nous nous offrons un instant de répit le lundi matin, de toute manière bien peu achalandé. Ainsi j’ai pris l’habitude d’ouvrir le Havre à 13 heures tapantes ces journées-là et proposer plutôt une programmation d’après-midi et de soirée qui ravissent mes clients occupés de jour. Cela m’offre l’occasion de me détendre moi aussi; même si l’endroit est ouvert depuis plusieurs mois déjà, bon nombre de détails restent à fignoler et un équilibre à se former. Ainsi je travaille souvent plus que ce que je ne le devrais, avec une stagiaire en plus à l’énergie débordante… Disons que cet instant matinal m’apporte le plus grand bien malgré la culpabilité qui, comme à son habitude, ne manque pas de m’étreindre. Ce matin toutefois, j’ai enfin réussi à dormir convenablement, protégé des cauchemars et autres pensées négatives par la présence rassurante de Paix contre mon oreiller. Depuis son évolution, la Mushana a refusé de se départir de cette habitude et envahit convenablement mon espace. Néanmoins je me suis fait à l’idée de dormir le visage contre elle. Ce matin ne fait pas exception à la règle et nous roupillons joyeusement tous les deux, sans le moindre dérangement.
Ou du moins le croyais-je, puisque j’ai entendu, il me semble, quelqu’un toquer à la porte. Je me redresse un peu brusquement, interrompu à la moitié d’un rêve sans queue ni tête, émergeant difficilement du sommeil. Sur le coup, je ne suis pas certain d’avoir bien entendu et m’empresse d’enfoncer ma tête dans l’oreiller à nouveau, quand une nouvelle série de coups viennent confirmer mon hypothèse : quelqu’un vient bel et bien de frapper à la porte et nécessairement me recherche, puisque je suis le seul ici. Sautant brutalement du lit, je cherche à tâtons un t-shirt que j’enfile en dégringolant l’escalier, scandant « J’arrive, j’arrive ! » au passage. En traversant l’accueil, je trébuche sur je ne sais quoi et arrive finalement à la porte, le t-shirt à moitié enfilé, toujours dans mes boxers et mes yeux collés. J’ouvre à la volée, désorienté et hagard, observant le jeune homme me faisant face. Sur le coup, je le considère d’un air bête sans comprendre la raison de sa présence. Mon cerveau cherche à le reconnaître, s’attendant à trouver là un employé, mais c’est plutôt un client qui me fait face, ou du moins c’est ce que je pense. Finissant de mettre mon chandail, j’émets un bruit à peine humain avant de parvenir à articuler d’une voix qui trahit mon endormissement :
« J’peux faire quelque chose pour vous monsieur ? »
Je me frotte les yeux pour tenter d’en chasser le sommeil. L’homme alors m’apparaît plus clairement. Je me fais d’abord la réflexion qu’il s’agit d’une très belle personne; bien faite, un grand gaillard aux yeux d’un bleu perçant. Un peu confus, je replace ma chevelure en bataille, le détaillant dans un même temps. Il se dégage de lui une assurance peu commune, mais aussi ce que je peux repérer comme étant de bien lourdes épaules, de celles qui ont largement besoin de nos services. Puis, tandis que mes neurones finalement s’enclenchent, je réalise qui me fait face. Difficile de le reconnaître en personne, pourtant il ne fait aucun doute : l’homme me faisant face n’est nul autre qu’Adonis Cobalt, un des héritiers de la prestigieuse famille de Sercena. Un frisson de nervosité vient me traverser; ma dernière expérience avec un membre de Famille ne s’est guère bien terminée et je ne peux repenser à Luciano Viridis qu’en en ressentant une grande anxiété. Anxiété qui me manifeste à l’instant tandis que je déglutis. Qu’est-ce qui a motivé le Cobalt à s’aventurer au Havre de si bonne heure ? A-t-il l’intention de faire fermer mon centre ? Peut-être que le Havre ne lui convient pas, pour lui et pour sa ville ? Oh Arceus, qu’est-ce que je vais faire moi… Et moi qui parais sans pantalon devant lui ! C’est un cauchemar, oui. Ce doit être un cauchemar.
« Pardonnez-moi, monsieur Cobalt, je ne vous avais pas reconnu. Le centre est présentement fermé aux visiteurs, ce qui explique m-mon piètre accueil. J-je vous en prie entrez. »
Je m’écarte de l’entrée pour le laisser pénétrer dans l’accueil. Je remarque la valise qu’il traîne à sa suite… Qu’y a-t-il là-dedans ? J’allume les lumières et invite le riche jeune homme à prendre place parmi un des fauteuils.
« Je euh… Aimeriez-vous un peu thé ou du café peut-être ? »
Au bord de la panique, je cherche désespérément une issue à cette rencontre, incapable de réfléchir convenablement. Je suppose que ce rêve devait s’achever tôt ou tard… à moins que je ne sois en train de rêver maintenant, un cauchemar assurément.
Lorsque le propriétaire ouvre la porte et je comprends, en voyant son accoutrement, que Savannah s’est trompée. Le centre n’est pas encore ouvert ! Je soupire intérieurement, décidément pour une personne qui travaille à la radio, elle n’est pas très douée pour transmettre des informations. Ou alors, c’est une ruse de sa part. Elle en serait bien capable. Pour me coller la honte. Je l’imagine très bien en train de se marrer sur son canapé. La prochaine fois que je la croise, je ne vais pas la louper.
Je reporte mon attention sur l’homme en face de moi, très séduisant. Sur mon visage, se lit une expression extrêmement navrée, moi qui déteste déranger les autres. J’ai tout gagné aujourd’hui. Le pauvre, je l’ai extirpé du lit. Le stress qu’il a ressenti s’entend dans sa voix lorsqu’il me salue. Je m’empresse donc de m’excuser.
- Pardonnez-moi, on m’avait dit que le centre était ouvert… J’aurai dû vérifier afin de m’en assurer. Je ne voulais vraiment pas vous déranger. Ce n’est pas à vous de vous excuser, c’est moi le fautif.
J’hésite un instant à entrer, je n’ai aucune envie de m’imposer et de tirer sur la corde. Je peux très bien faire demi-tour et revenir plus tard. Mais il m’invite et je l’aurai fait lever pour rien. Complètement perdu, je reste quelques secondes devant la porte. Arrête de réfléchir ! Je m’avance alors dans l’accueil, sans trop d’assurance. L’endroit est décoré avec soin. L’hôte semble être un homme de goût.
Je réponds avec un sourire, dans l’espoir de détendre un peu l’atmosphère. Le malaise s’installe doucement et je n’ai pas très envie de lui laisser un souvenir aussi mauvais. Je m’installe alors sur l’un des fauteuils, ma valise à côté. Très confortable. Je lève les yeux lorsqu’il me propose gentiment une boisson. C’est à moment que je remarque le manque de pantalon, dont l’absence ne m’avait pas sauté aux yeux tout à l’heure. Le rouge me monte aux joues et je détourne le regard. Qu’est-ce qu’il m’arrive. J’ai déjà vu des hommes dénudés, pourquoi, c’est différent cette fois. Ce sentiment d’un retour à l’adolescence.
Je tente de reprendre mes esprits et regarde une nouvelle fois la silhouette, loin d’être déplaisante.
- Je ne veux vraiment pas abuser de votre hospitalité. Une amie m’a parlé de votre centre, j’ai besoin de me détendre. Alors je suis venu pour quelques jours, pour déconnecter. Une oasis dans le désert. Je m’en veux de vous avoir importuné, alors que vous devriez avoir besoin de vous reposer également.
Je tapote le haut de ma valise. Étrangement, je me sens plus détendu que tout à l’heure. Cependant, j’aimerais me faire pardonner de mon impolitesse. Je ne sais pas encore comment, mais je trouverai bien une idée. Après tout, je suis là pour plusieurs jours. Et puis, avec une personne aussi charmante… Cela ne sera pas difficile à trouver. Contre toute attente, je réponds à sa question.
- Je suis plutôt thé.
J’ai toujours entendu que les plus belles relations débutent de manière peu conventionnelle.
C’est ce qu’on appelle un réveil brutal, c’est le moindre qu’on puisse dire. Pourquoi fallait-il qu’un des princes de Cinza atterrisse au seuil de ma porte aujourd’hui ? Rien ne m’y préparait et maintenant l’angoisse me déchire les tripes à la manière d’une sourde panique. Je me confondrais de milliers d’excuses, je me montrerais parfaitement docile si cela peut m’empêcher de vivre une autre expérience désagréable avec un membre des puissantes Famille. Je commence sérieusement à me dire que je suis doté d’une malchance exemplaire pour vivre non seulement une, mais deux rencontres de ce type. Tout de même, je dois laisser la chance au jeune homme à la chevelure argentée de s’expliquer et si je peux de répondre à ses demandes le plus rapidement possible.
En personne, Adonis Cobalt me paraît bien plus grand que ce à quoi je m’attendais. Séduisant, doté de prunelles qui brillent à la manière de perles pâles, il semble tout aussi confus et mal à l’aise que je puis l’être. Sa propre confusion me rend d’autant plus perplexe : peut-être a-t-il simplement la mauvaise adresse ? Mes suppositions n’en finissent plus de faire grimper mon anxiété, qui atteindra des sommets malsains si je n’agis pas pour me détendre. Qui l’eut cru ? Le propriétaire d’un centre de bien-être, incapable de se relaxer lui-même ! C’est bien l’ironie de ma vie, oui, je le concède.
Rapidement, le jeune homme vient faire taire mon hypothèse : c’est bel et bien le Havre qu’il cherchait mais s’est fourvoyé quant aux heures d’ouverture. Je ne le jugerai certainement pas pour cette raison; d’autant plus qu’il semble sincère. Il ne s’agit pas d’un caprice d’homme riche habitué que les choses aillent à son sens. Plutôt une bête erreur comme il m’en arrive bien trop souvent vu mon déficit de l’attention, celui que j’appelle affectueusement « mon idiot » et qui me fait oublier tous les détails importants, comme jeter un œil sur les heures d’ouverture d’un lieu que je visite. L’évidente gêne dont il fait preuve me permet de respirer un peu mieux. Il a l’air plus humain, plus accessible que mon ancien patron. Il se présente d’ailleurs, après une longue hésitation, sous son prénom. Définitivement plus gentil que le Viridis pour lequel j’ai travaillé. Tandis qu’il prend place sur un fauteuil, je le suis, prêt à recevoir sa commande. Je remarque ses yeux sur moi et voit son regard se détourner non sans culpabilité. Je ne voulais certainement pas le gêner… Et maintenant qu’il l’est je me sens tout aussi timide, sentant le rouge me monter aux joues.
« J-je… ne soyez pas désolé, mons… euh je veux dire Adonis. En réalité, je suis le premier à oublier tout un tas de trucs, il ne faut pas vous en vouloir pour ça. Puis vous êtes un invité bien spécial pour notre établissement, ne vous inquiétez pas, nous sommes honorés de vous avoir. »
Bon, maintenant que cela est mis au clair, je dois réfléchir à ce que je vais faire de ce riche héritier privilégié. Je ne peux certainement pas le renvoyer chez lui… Il a dit avoir besoin de se détendre et au vu de son statut social, je ne suis pas en position de le refuser. Je m’excuse un instant pour aller préparer le thé et en profite pour monter à l’étage pour me changer, revêtant des vêtements qui correspondent bien à l’hiver à Sercena : un pantalon de toile ainsi qu’une chemise à carreaux par-dessus un t-shirt décontracté. Je reviens au bout de quelques minutes avec une tasse fumante pour mon invité surprise et un plan plus ou moins précis à lui proposer.
« Écoutez, maintenant que vous êtes ici, je n’ai pas l’intention de vous retourner à la maison. Que diriez-vous d’une tournée privée du centre ? Je peux rendre accessible n’importe quelle attraction pour vous, il n’y a qu’à demander. Si vous désirez un cours, un massage, ou de l’aromathérapie, je m’en chargerai personnellement puisque je n’ai pas d’employés encore aujourd’hui. Qu’en dites-vous ? Si vous aimez l’expérience, vous pourrez peut-être nous faire un peu de publicité, nous débutons tout juste en aurons bien besoin ! »
En vérité je n’attends rien de sa part, seulement de ne pas me retrouver dans la mouise. Mais ce plan donnant-donnant me plaît bien, même si je ne suis pas certain d’être en mesure d’être à l’aise tout de suite en sa compagnie.
- Oh, je ne suis plus si spécial que ça, vous savez. Les choses ont bien changé.
Je sais qu’il n’est pas au courant, car personne ne l’est. Ma mère ne prendrait pas le risque de créer une énième polémique autour de la famille Cobalt, alors elle fait ce qu’elle sait faire de bien. Jouer avec les apparences et tromper les habitants. Publiquement, la famille est soudée. Mais lorsque les portes se ferment… Sauf que cette fois, je quitte la partie. Je refuse de manger ce pain-là une énième fois. Même si pour me détacher pleinement, il me faudrait changer de nom, ce que je ne souhaite pas. C’est le nom de mon père. Je sais que je suis une tête d’affiche intéressante, il faudrait que j’apprenne à l’accepter. Je souris lorsque mon hôte évoque sa fâcheuse tendance à oublier les choses, nous avons un point en commun.
L’homme s’absente quelques instants, me laissant un laps de temps pour observer la décoration de l’endroit. Sobre et élégante, très cosy. Ça me plaît. Il ne faut pas en faire trop. Mon esprit se met à vagabonder et s’arrête sur le visage d’Ely. Très séduisant et d’une amabilité sans failles, il n’aura aucun mal à trouver des fidèles. Surtout ici, où les habitants ont cruellement besoin de se détendre. Ils se tuent au travail, pensant que c’est la seule voie respectable pour trouver bonheur et grâce. C’est ridicule. Mais à quoi bon les juger, la plupart ont grandi avec cette idée. Ely revient, habillé d’un style qui lui va à merveille. Les tasses de thé en mains, je le décharge de la mienne et le remercie sincèrement. La fumée s’élève doucement et les effluves viennent chatouiller mes narines. Une odeur des plus réconfortantes. En prenant une gorgée du breuvage encore chaud, j’écoute sa proposition. Je suis encore mal à l’aise d’avoir imposé ma présence, alors j’acquiesce. En espérant ne pas être un frein pour son ouverture.
- Tout cela me semble parfait ! Et puis ça nous donnera l’occasion de faire connaissance, il est rare de rencontrer des gens aussi avenants et généreux… Surtout à Sercena. Ne vous méprenez pas, les habitants ont bien d’autres qualités. Et vous pouvez compter sur moi pour vois faire une publicité d’enfer.
Mon large sourire sur le visage, je compte effectivement vanter l’excellence de cet établissement. En commençant par Cali, qui ne pourra qu’aimer. Se faire traiter comme une princesse et se prélasser, elle ne voudra plus jamais quitter cet endroit. Et pourquoi pas faire une publicité auprès de Savannah et de Liam également ? Je suis assailli par des dizaines d’idées, un enthousiasme surprenant me gagne. Et je crois que ça se voit. Tout ça a éveillé ma curiosité et je décide de la mettre à profit.
- Qu’est-ce qui vous a donné envie d’ouvrir un centre de bien-être ? Créer un lieu paradisiaque pour aider les gens à se sentir mieux, c’est une très belle idée.
Pas si spécial, Adonis Cobalt ? À Sercena, personne n’ignore qui sont les trois enfants de cette prestigieuse famille. Au même titre que les Viridis à Borao, ces héritiers ont quelque chose de princier, comme s’ils appartenaient à la monarchie. Donc oui, me trouver en sa présence m’intimide énormément, même si de le voir en personne remet un peu les choses en perspective. Contrairement à Milano et Luciano, Adonis me paraît plus humain, plus affable, voire même modeste. Cela me rassure et me met un peu plus à l’aise. Néanmoins ses réflexions me font sourciller. Qu’est-ce qui a changé chez les Cobalt ? Ai-je loupé un épisode ? À vrai dire je ne suis pas du genre à suivre les nouvelles, donc il est fort possible que quelque chose me soit passé sous le nez. Dans tous les cas, je suppose que si l’homme publique s’est aventuré ici c’est qu’il veut en quelque sorte oublier tout cela, un plan qui me convient parfaitement. Le Havre est exactement ce qu’il suggère : un endroit pour oublier ses tracas et se glisser dans la peau de la simplicité quelques instants.
Je me rends compte, dans tous les cas, qu’Adonis est poli et avenant, bien plus que je n’aurais pu me l’imaginer. Il accepte ma proposition en promettant de me faire une publicité d’enfer, ce qui ne manque pas d’agrandir mon sourire. Nos débuts n’ont pas été fracassants et il faudra un bon moment avant d’être rentables, mais au moins nos chiffres augmentent à chaque mois. Difficile de se lancer en business ! Un coup de pouce d’une des personnes les plus connues de Cinza ne fera certainement pas de mal. À condition bien entendu qu’il apprécie sa visite. Je me promets de lui rendre la visite unique et de le traiter aux petits oignons jusqu’à son départ. Je suis perplexe néanmoins. Je suis supposé le servir et lui veut faire connaissance ? Un peu gêné à cette perspective, je me sens légèrement rougir. Je suis quelqu’un d’extraverti, mais d’étonnamment timide à l’occasion. Une facette que mon interlocuteur découvre.
« J’ai toujours connu des gens sympathiques à Sercena, du temps que j’ai habité ici. M-mais c’est vrai qu’on me dit généreux de ma personne. J’adore faire plaisir aux gens. » j’avoue avec un petit sourire. « C’est pour cette raison que j’ai voulu ouvrir ce centre. À certains moments dans ma vie, j’ai eu besoin d’un coup de main et… je veux redonner la pareille, vous comprenez ? Puis cette installation est dans ma famille depuis des générations, bien qu’elle aille changé de fonction plusieurs fois à travers les années. Mon père en avait fait un élevage Pokémon, ses parents un centre de spa… J’ai décidé de joindre un peu tout ça pour en faire un centre tant pour les humains que leurs compagnons. »
J’ignore pourquoi j’en dévoile tant. J’adore mon métier et peut me montrer un peu volubile quand il s’agit du Havre. J’éclate de rire un peu spontanément, avant de m’adresser à mon interlocuteur très spécial.
« Enfin, je vous ai assez enquiquiné avec mes histoires. Qu’aimeriez-vous faire, monsieur Adonis ? C’est vous qui décidez, disons que c’est un service à la carte ! Quand même, je vous suggère de commencer par les bains, il n’y a rien de mieux pour commencer la détente que le contact avec l’eau chaude ! »
Enthousiasmé, je claque mes mains ensemble, attaquant ce sujet de la détente comme un Tauros. Oui, parfois je suis un peu trop intense. Mais on se traite !