Chaque 24 de chaque mois, ce n’est pas la peine de chercher Isaïah. Toi, adolescent plein de rêve, tu ne rêves pas seulement d’être un grand dresseur pokémon malgré les lois, ni d’être maitre pokémon. Ce sont tes ambitions professionnelles, et elles guident chacun de tes pas chaque jour. Cependant, tu as un autre rêve aussi. Un rêve plus personnel. Plus difficile à dire adieu. Le retour de ton père. Papa, pirate, grand marin, qui n’est pas revenu sur terre depuis si longtemps. Leysa et toi parliez à peine. Tu l’attends depuis toujours. On ne t’a jamais vraiment expliqué que ton père, en étant porté disparue depuis si longtemps, et surtout en mer, est présumé mort. Ton père n’a jamais été un sujet de discussion avec toi. Personne ne t’en a jamais parlé et tu as jamais osé en parler à qui que ce soit. Alors, tu sais qu’il est disparu. Mais, au fond de toi, tu sais qu’il est vivant. Et chaque 24, sans savoir pourquoi cette date précise, comme si ton inconscient savait que c’était un jour dramatique. L bateau de ton père aurait coulé le 24 aout, il va de soit que tu en sais rien, même la discussion des rangers avec ta mère et tes aînés tu étais trop petit pour t’en souvenir, et surtout… vous dormiez. Mais, c’est pourtant chaque 24 du mois que tu te trouves sur cette plage, assise à trifouiller le sable, Thor à tes côtés. Tamlin te répète constamment de ne pas y aller seul, cet endroit reste une zone sauvage, mais tu n’obéis pas. Tu n’obéis pratiquement jamais pour ainsi dire. Oh, tu aimes ton frère aîné. Tu as conscient qu’il a été important dans ton éducation et dans celle de Leysa. On ne peut pas en dire autant de votre mère. Mais, c’est plus fort que toi. Tu viens ici, et fixes l’horizon pendant des heures. Tu pars tôt le matin. Tu reviens en début de soirée. Quand tu pars, c’est plein d’espoir. Quand tu reviens, tu files dans ta chambre et personne te voit de la soirée, désespéré et attristé de ne pas voir le retour de ton père. Pourquoi s’attacher à un retour d’un homme que tu as à peine connu ? Tu n’en sais rien, tu voudrais juste vivre une vie normale, avec deux parents qui vont bien, un frère aîné qui à sa place de frère, un sœur aînée pas si paumée… Et Leysa aussi mérite ça. Aujourd’hui, tu as encore oublié ton panier avec de quoi manger en bord de plage en partant ce matin. Tu t’en es rendu compte une fois sur place et tu n’as pas eu envie de rentrer chez toi pour récupérer le panier et manquer un bateau en vue. Ça aurait été terrible. Alors, que midi est passé et que ton estomac cri famine, tu restes assis tachant d’ignorer ton estomac. Thor a coté de toi, s’est assis et te regarde d’un air grave et te mets des coups de nez sur ton bras. « Non. Ça attendra ce soir. » Dis-tu à Thor qui roule des yeux en te fixant. C’est alors que tu entends des pas derrière toi, dans le sable. Lorsque tu te retournes vivement, surpris, tu te détends en voyant ton frère. « Oh… Tam. » Panier à la main… Frère aîné toujours présent. Promesse toujours tenue. Quoiqu’il en coute. « J’sais que j’devrais pas être là. » Dis-tu simplement en haussant les épaules, anticipant les réprimandes de ton frère.
Il sait. Avant même d’ouvrir les yeux, avant même de voir le panier oublié sur la table de la cuisine, il sait. Ce n’est pas la peine d’espérer voir son petit-frère à la maison de la journée. La veille, Tamlin a jeté un coup d’œil au calendrier et lorsqu’il a vu qu’ils seraient le vingt-quatre ce jour-ci, il a compris. Tous les mois, à ce chiffre précis, son jeune frère Isaïah rejoint les côtes sauvages jusqu’au coucher du soleil. Et quand il rentre, c’est pour s’enfermer dans sa chambre pour n’en ressortir que le lendemain. Si Tamlin voit bien pourquoi il fait ça, il n’a pourtant jamais évoqué le sujet avec son cadet. Les seules fois où ça a été abordé, il lui a seulement demandé de ne pas s’y rendre seul ou pas sans prévenir quelqu’un. Il est vrai qu’il est en compagnie de Thor mais il suffit parfois d’un simple accident ou d’une attaque un peu trop virulente d’un Pokémon sauvage. Tam connaît son jeune frère par cœur et il a parfaitement conscience qu’Isaïah peut facilement manquer de prudence. Alors cette fois, il décide de le rejoindre. La panier de nourriture délesté sur la table lui offrant une excuse parfaite pour se rendre à la Praia Azul. Il est hors de question que son petit-frère ne mange pas. Attrapant le repas d’une main, Tamlin fait signe à Ladon de le suivre ; laissant la maison aux bons soins de Feyre. Quand enfin il arrive au niveau des plages, il ne lui faut pas bien longtemps pour repérer le jeune garçon. Les gens s’aventurent beaucoup moins en ces lieux depuis que les Pokémon y ont repris leurs marques, pour ainsi dire. Isaïah est là, son fidèle Wattouat avec lui pendant qu’il est assis sur le sable. Tamlin le devine les yeux perdus sur la mer, à l’affût de la moindre apparition de la proue d’un navire susceptible d’être… celui de leur père. Sans rien dire mais sans chercher à se cacher non plus, le brun s’avance jusqu’à ce que le plus jeune l’entende et tourne la tête dans sa direction, le reconnaissant immédiatement.
« C’est bien que tu le saches mais maintenant, il va falloir passer des paroles à l’acte. », dit-il sur un ton parfaitement calme et complètement dénué de reproche ou d’hostilité. Il n’est absolument pas en train de faire la morale au jeune garçon parce que quelque part, il comprend son geste. Et même s’il aimerait parfois que son frère soit un peu plus discipliné, Tamlin sait très bien que ce n’est pas en s’énervant contre lui qu’il obtiendra des résultats de sa part. Au contraire, ce serait là le meilleur moyen pour bloquer toute possibilité d’échange avec lui. Or, ce n’est pas l’objectif recherché. Plus qu’un frère, plus qu’un parent de substitution, Tamlin a toujours voulu que ses jeunes frères et sœurs sachent qu’il est là pour eux, toujours prêt à être une oreille attentive. Il préfère ça, il veut qu’ils lui parlent des souffrances qu’ils peuvent porter en eux plutôt que de les enfouir en prenant le risque que ça ressorte de la pire des manières. Tamlin peut encaisser, il l’a toujours fait. Et tant pis pour la charge mentale supplémentaire, il s’agit de sa famille et il a promis à tout le monde – eux, leur père – qu’il serait toujours là pour les épauler, qu’importe la teneur des problèmes. Parce qu’il est l’aîné. « Je suis venu t’apporter ça. Ce serait bête de survivre à des Pokémon sauvages mais pas à ton ventre qui gargouille. », ajoute Tamlin en déposant le panier à côté d’Isaïah pendant qu’il en profite pour s’asseoir à son niveau. Les yeux à son tour rivés sur l’horizon, le plus grand des Bracstor laisse passer quelques secondes de silence avant de parler. « Il serait bon d’en parler un jour, tu crois pas ? », laisse Tam sans quitter l’océan du regard. Aucune précision, son petit-frère est suffisamment intelligent pour capter le sens de ses paroles.
[...] quoi qu’il arrive, vous devrez vous soutenir. Toujours. C’est son rôle, sa promesse, la condition qui incombe à son statut d’aîné.
Tu hoches la tête timidement à la réprimande gentille de ton frère. Il est vrai que tu pourrais faire l’effort de ne plus y venir. Mais, tu as ce truc en toi, où tu veux venir, tu te rends pas forcément compte de la date répétitive de cela. Mais, après tout, tu as Thor avec toi, qu’est-ce qu’il pourrait t’arriver ? Cela dit, l’inquiétude de te savoir dans le coin de Tamlin est légitime pour plein de raison, et notamment dû au fait qu’il n’est pas au courant que le mouton est entraîné. Et que le but et qu’il ne le sache jamais. Puis, ton frère aîné, le protecteur de la famille Bracstor dépose ton déjeuner à côté de toi et tu souris en coin. « Tu as eu peur que je mange ta part ce soir, c’est tout. » Tu lui tires alors la langue. Taquinerie fraternelle dévoilant un amour fraternel fort. Puis, ton frère lance un sujet difficile. Un sujet qu’on a jamais vraiment osé aborder avec toi. Tu sais de quoi il s’agit mais tu fais le benêt, l’histoire de détendre l’atmosphère déjà tendu. « Parler de ? » Tu souris en coin. « Je te l’aurai laissé ton assiette tu sais. » Tu le bouscule de ton épaule en souriant amusé. Ton frère, c’est tout pour toi, mais si vous êtes pas forcément toujours d’accord. Tamlin peut te reprocher ton manque d’empathie envers ta mère, ton comportement à l’école, les bagarres, les disputes avec Feyre, ta chambre non rangée, Thor qui court dans la maison en jouant avec toi, etc. Tu trouves toujours une bonne raison de contrer les réprimandes de Tam. Ta mère qui n’a jamais su se relever pour ses enfants et qui pour toi, n’est plus ta mère. Un avis dur mais qui sert surtout à te protéger émotionnellement. Ton comportement à l’école qui sert à protégé ta soeur jumelle et tes amis des caïds de l’école. Les disputes avec Feyre par le fait que tu ne supportes pas qu’elle enjolive chaque dire et fait du système qui t’empêche de vivre ton rêve, elle veut asseoir son avis politique dans cette famille, et ça t’insupporte. Et enfin Thor qui a besoin de se dépenser en prenant bien soin de préciser qu’il a besoin d’action et que le système l’empêche de donner à Thor ce dont il a besoin. Tu soupires, te résignant à avoir cette discussion avec toutes les mauvaises nouvelles qu’elle peut t’amener. « On a des preuves qu’il est…? » Tu ne diras pas le mot. Non, tu le diras car ça voudrait dire qu’il l’est vraiment et tu le refuses. Tu refuses de te rendre à l’évidence que tu ne rencontreras jamais ton père.
Communiquer avec Isaïah n’a jamais été simple. Il a fallu du temps à Tamlin pour qu’il comprenne les mots et les gestes à adopter afin qu’ils puissent se comprendre. Aujourd’hui, si quelques lacunes existent toujours, ils arrivent beaucoup mieux à échanger. Comme maintenant, alors que Tamlin affiche un léger sourire lorsque son jeune frère ose à peine hocher la tête suite à sa remarque. Isaïah ne pense pas à mal, ça, son frère en a conscience. Seulement, en se rendant sans rien dire dans des zones désormais si dangereuses, c’est toute la famille qu’il inquiète – y compris Feyre même si elle le lui dirait de manière bien plus virulente. De plus, le problème n’est pas qu’il soit parti mais plutôt qu’il n’ait prévenu personne. Néanmoins, Tamlin ne tient pas à en rajouter une couche car il ne fait aucun doute que l’adolescent a compris ce qui lui déplaisait. Qu’il veuille venir, c’est une chose ; c’est plus fort que le jeune homme mais il doit penser à couvrir ses arrières. La seule compagnie de Thor ne peut pas suffire pour repousser les Pokémon sauvages et souvent violents. Alors oui, le Bractsor aimerait que son jeune frère prenne la peine de prévenir quelqu’un qui ait les moyens de lui venir en aide en cas de nécessité. « Ose seulement toucher à mon assiette et tu verras ma fureur. », dit-il en ricanant pendant que son frère tire la langue. Le fait est qu’il s’inquiète sincèrement qu’Isaïah n’ait rien dans son ventre. C’est pour ça qu’il a emmené le panier – et aussi pour le voir, il est vrai. Pour parler de ce qu’il fait là… Tamlin aime beaucoup plaisanter avec son frère et le taquiner mais il est temps qu’ils fassent tous les deux preuve de courage et qu’ils abordent ce sujet ensemble. C’est une conversation qu’ils auraient dû avoir depuis un moment déjà mais jusque-là, Tam n’avait jamais voulu prendre la peine de brusquer son frère. Désormais, il est temps de crever l’abcès pour de bon.
À la question d’Isaïah, l’aîné tourne les yeux dans sa direction sans pour autant piper le moindre mot. Il sait parfaitement de quoi Tam parle, ça ne fait aucun doute. Un silence plane quelques secondes avant qu’Isa’ précise qu’il aurait laissé l’assiette de son frère, le bousculant légèrement au passage. Mais Tamlin n’a plus cette étincelle rieuse dans les yeux. Ça va être dur, sans aucun doute mais ils doivent absolument avoir cet échange. Pour que le jeune garçon se libère d’un poids qu’il n’a pas à porter sur ses épaules. Tamlin tient énormément à son petit-frère. Son bien-être est incontestablement l’une de ses priorités et là, il faudrait être aveugle pour ne pas constater que ça ne va pas. Peut-être qu’il ne s’en rend pas compte parce qu’il se fait beaucoup réprimander sur pas mal de sujets mais ses aînés agissent ainsi avec lui pour l’aider. Et l’un comme l’autre, ils préféreraient ne pas avoir à le faire. Et même si Tamlin comprend le fond des disputes entre Isaïah et Feyre – lui-même n’étant pas spécialement d’accord avec ses prises de positions politiques –, il estime qu’il ne devrait pas répondre de cette façon. Comme chacun d’entre eux, elle a souffert de leur passé et elle ne mérite pas certains propos durs qu’Isa’ a pu avoir envers elle. Il faudra qu’ils aient une discussion là-dessus également mais pas aujourd’hui. Ils doivent en priorité parler d’un mal qui ronge le garçon depuis bien trop d’années. Et quand il soupire, Tamlin comprend comprend que son frère accepte. « C’est compliqué… Parfois, les épaves peuvent rester au fond de l’eau pendant des années même si les recherches se font avec du matériel adéquat. », il a deviné sa question sans même que la phrase ne soit terminée. C’est trop dur à prononcer pour Isaïah et il le conçoit. « Mais notre père, tu sais, il… Il nous aurait jamais abandonnés. Il nous aimait, tous. », il serait revenu, s’il avait pu, c’est une certitude. Même après toutes ces années, même en sachant ce qu’il en est, ces vérités restent très dures à prononcer pour Tam. Mais il ne doit pas craquer, il doit être fort parce que personne ne le sera à sa place. « Il reviendra pas, Isa. », des mots aussi durs à dire qu’à entendre mais ça doit être clair. « Papa ne reviendra pas... », finit-il, les yeux brillants et plantés dans ceux de son cadet. Ça doit être dit et entendu malgré la violence de cette affirmation et les souvenirs cruels qu’elle rappelle à chacun...
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