Enfin, il n'était pas trop tôt ! Je suis chez moi dans le somptueux manoir des Cobalts et, je dois le dire, je trépigne d'impatience. C'est que mon nouveau fils, soit une gigantesque peluche d'Ectoplasma, revient enfin de chez le nettoyer. Je ne l'ai obtenu que récemment après tout suite à mon mémorable passage à la fête foraine et il était hors de question qu'il partage mon lit sans avoir été lavé au préalable. Le truc doit m'arriver à peu près aux épaules lorsque je suis debout et son gros ventre rond est si volumineux que je peine à en faire le tour complet avec mes petits bras. Il pourrait pratiquement me servir de matelas si je n'avais pas peur d'en tomber au milieu de la nuit. Je lui avais d'ailleurs enfin trouvé un nom : Hades. Peut-être était-ce un peu gros quand même comme référence, la métaphore étant un peu trop on the nose comme on le dit. Mais bon, tant que ma Déméter n'était pas au courant je supposais pouvoir m'en tirer à bon compte. Je l'espérais en tout cas.
Tout se passait si bien jusque là. J'étais si contente. Et puis là je remarque une grande silhouette connue aux cheveux blancs et ça n'a pas le mérite d'être la plus commode des deux. Il va se poser des questions, il va me poser des questions et il va trouver les réponses d'une façon ou d'une autre. C'est quand même un avocat, c'est son job et il ne le prend jamais plus sérieusement que lorsque ça me concerne. Je m'empresse donc de pousser dans le dos du majordome qui peine à faire passer ma peluche dans le cadre de la porte. Alleeeeeer. Disparaaaaît avant que Nyx ne nous remarque !! C'est peut-être trop tard, réalistiquement parlant, mais ça ne m'empêche pas d'y ajouter un coup d'épaule pour que finalement le duo parvienne à franchir le seuil. Nickel ! Je me dépêche de refermer la porte et de faire l'innocente pour quand il arrivera à ma hauteur, mais il y a un bémol...
Je porte encore les blessures de mon altercation nocture qui a eu lieu il y a quelques jours à peine. J'ai donc encore la lèvre inférieure fendue et la joue un peu enflée. Mes autres blessures, au moins, sont dissimulées par les longues manches de ma robe et par ma paire de collants opaques. Je n'ai qu'à faire attention pour qu'il ne remarque ma démarche inégale et ça devrait aller pour ça. Dans l'immédiat c'est vraiment les blessures au visage qui me posent problème alors je me dépêche de fouiller dans mon sac pour en sortir l'un de mes nombreux manuels scolaires et faire mine d'étudier, devant ma chambre, pour cacher le bas de mon visage. L'illusion serait à peu près parfaite si, dans ma hâte, je n'avais pas eu la maladresse de tenir mon livre à l'envers.
« Oh bonjour Nyxon, je ne t'avais pas vu arriver ! »
Et, surtout, pas question de croiser son regard alors que je retourne le livre à l'endroit devant lui, gênée.
Dur matin, mon beau Nyx. Toi qui es normalement matinal, tu te retrouves avec de beaux cernes sous les yeux. Pourtant Baphomet, lui, est en pleine forme ! Il fait sa marche joyeuse habituelle, après tout, tu lui as promis d’aller dans un coin parsemer d’une rivière, d’un lac ou de l’océan s’il restait calme la veille. Ce qu’il a fait donc tu es maintenant obligé d’y aller sinon Baphomet va te le faire regretter ! En route vers la cuisine, voilà que tu aperçois ta p’tite sœur à quelques mètres de toi. Bon… Qu’est-ce qu’elle est allée encore acheter, te demandes-tu en observant la scène… Alors que ton tiplouf se précipite vers Cali. « Tiplouf ! » Qu’il s’exclame en venant à ses pieds. — Tu peux me dire où tu es allé chercher ce truc géant… Et surtout, qu’est-ce que tu vas faire avec un truc pareil ? demandes-tu en croisant les bras. Tu l’observes de ton œil bleu et rougeâtre… Tu finis pas soupirer. Tu sais… Tu es très mauvaise pour dissimuler quelque chose que tu veux me cacher. Tu croises maintenant les bras contre ton thorax, l’observant, plissant les yeux à la recherche d’un détail qui va la vendre. Il y a tellement de questions sans réponse qui se créent dans ta tête Nyxon. Bientôt, tu vas la saturer de questions au point de potentiellement la remonter contre toi… Ce n’est pas ce que tu veux, mais tu détestes lorsque ta petite sœur te cache quelque chose… Surtout, lorsque son bien-être est en cause ! — Alors jeune fille… que tu reprends pendant que la demoiselle se cache encore derrière son livre, livre que tu lui enlèves des mains. Non d’Arceus ! Qu’est-ce qui t’est arrivé !? Qui t’a fait ça… ? Tu plisses les yeux, fronce les sourcils et ton ton de voix devient plutôt froid et agressif. Je vais les tuer… Conclus-tu avant même d’avoir l’histoire. Bon, elle aurait pu se cogner quelque part, tomber dans les escaliers ou tu ne sais quoi… Mais ayant travaillé sur plusieurs cas de violence conjugale, tu sais reconnaître les signes de coup. Et ça, c’est des signes de coup.. Non ?
Baphomet est si mignon et ce dès tôt le matin. Je m'en veux de ne pas pouvoir le câliner ou au moins caresser le dessus de sa petite tête toute ronde, mais là j'ai d'autres priorités. Je connais Nyx, il va partir au quart de tour et ce sera le drame. Alors pour l'instant je me rattrape comme je peux, désolée pour le pingouin.
« Salut mon petit Baph. Tu es mignon comme tout aujourd'hui. »
Et je n'ai pas le temps de lui taper la discute plus que ça puisque mon aîné et l'oeil de Luxray qui lui reste n'a pas manqué de repérer Hades durant son avancée. Évidemment que j'ai droit à son air inquisiteur et à des questions immédiates telles que la provenance de la peluche et, surtout, ce que je comptais en faire. Je lui jette un air blasé et c'est évidemment hors de question de lui avouer qu'un mec me l'a gagné. Je n'ai comme qui dirait pas envie que Liam se balade avec une cible dans le dos pour les six prochains mois.
« Je sais que t'es un vieux dans l'âme, mais je pensais pas que j'aurais besoin de t'expliquer ce qu'on fait avec une peluche quand même. C'est pour lui faire des câliiins. »
Moi, pas douée pour dissimuler ce que je veux lui cacher ? Je gonfle les joues, prenant un air malcommode de petite soeur chipie. Je trouvais que ma répartie était très bonne pourtant, ça méritait au moins genre 9.5/10, c'est juste lui qui n'avait pas d'humour. Malheureusement pour moi, il a réussi à me distraire avec tout ça et je ne peux que me plaindre avec hargne lorsqu'il m'arrache mon livre des mains.
« Hey j'étais en train de le lire tu vas perdre ma page ! »
C'est trop tard. La panique s'embrase dans son oeil valide, se mélangeant bientôt à une bouffée de colère froide qui émerge d'un coup. Que s'est-il passé ? Qui m'a fait ça ? Déjà la sentence tombe de la bouche de l'avocat devenu juge, juré et bourreau : la mort, rien de moins. Je grimace, gênée et inconfortable de le voir comme ça par ma faute. Puis maintenant je n'aurai pas le choix, je vais devoir lui raconter ce qui s'est passé. Je le crois capable d'essayer de me priver de sortie celui-là, il est bien assez protecteur pour se mêler de mes aller et venue. N'empêche, il y a certains détails qu'il serait mieux d'omettre, genre l'arrivée de Liam qui lui a prémâché le travail en terme de retour de bâton.
« Y'a eu une bagarre dans une soirée. J'ai essayé de les calmer et je me suis pris une claque perdue, c'est rien. Il se sentait trop mal en plus, il s'est excusé plein de fois. Je ne voulais pas que tu voies parce que je savais que tu allais paniquer. »
C'est un mensonge du début à la fin. Est-ce qu'il va marcher ? Je ne peux que croiser les doigts en espérant que mes talents d'apprentie politicienne suffisent à berner mon grand frère inquiet.
Tu tiques à sa remarque de vieux… Le sang qui bouille à l’intérieur se mélangeant à ton atmosphère froide. Mixture explosive qui risque d’être détoné par l’attitude de la jeune femme. Déjà, le fait qu’elle n’a pas répandu à ta première question : D’où vient la peluche. Tu vas revenir sur cette question plus tard, de toute façon ton attention est sur cette « claque » perdue… Ton œil valide cherche le moindre indicateur des mensonges de ta petite sœur. Après tout… Tu la connais, tu te connais et tu sais qu’elle ferait tout pour éviter ton épée d’Amochés qui lui tomberait sur la tête. — Je rêve ou tu protèges le mec ou la meuf, qui ta claqué ? Tu as du mal à entrer dans son jeu, Nyx. Tu connais Cali, tu connais toutes ses petites manies, que ce soit lorsqu’elle est mal a l’aise, triste, heureuse, et encore plus lorsqu’elle te ment, te cache quelque chose ou tente de te mener en bateau. Tu n’as peut-être qu’un œil, ton sens d’observation reste sans faille. Voyant sa main attraper nerveusement une mèche de sa queue de cheval blanche, tu soupires et tu souris légèrement… — Alors… Tu peux me décrire le mec en question ? La soirée où tu étais, tu peux me dire me décrire les lieux, tu sais… le bar, les couleurs de la tapisserie, la musique qui jouait… Ton ami. e avec qui tu étais ? Tu vas lui tirer les verres du nez ! Elle sait pourtant que jouer avec ta patience comme ça est dangereux. Tu vas trouver la vérité, peu importe. Tu vas trouver la personne qui lui a fait du mal aussi… Et lui ou elle vont le regretter, même si c’est un accident. Baphomet, lui, est toujours au pied de ta sœur, lui tapant sur le molet exigeant sa petite caresse de sa part. "Tiplouf !" s'exclame-t-il en gonflant lui aussi ses joues, affichant un air contrarier.
Si c'était aussi facile de m'en sortir ce ne serait pas Nyx, j'aurais dû m'en douter. Il se fâche, me demande si je ne suis pas en train de protéger le responsable de cette marque sur ma lèvre et ma joue. Je détourne les yeux, ma main se pose sur ma manche qui dissimule les morsures de malosse avec nervosité. Heureusement qu'il ne peut pas voir le reste, heureusement qu'il ne sait pas à quel point ça avait été grave. Qu'il ne sait pas que, chaque nuit depuis, j'ai fait des cauchemars. Ce n'est pas le coupable que je protège, loin de là. Si je n'avais pas peur de le faire paniquer encore plus, et si la situation n'était pas aussi délicate, je me serais sans doute permis de sortir un petit : tu devrais voir l'autre gars. Pas sûr qu'il apprécie la blague. Même quand je suis sérieuse il n'aime pas et repasse à l'assaut de manière franchement démesurée.
« La tapisserie ?? Tu vas faire quoi, aller prendre ses empreintes ? »
Mais je suis interrompue par le mignon pingouin bleu qui attire mon attention sans scrupules. Je soupire avant de me pencher pour le prendre dans mes bras et le câliner pendant que je continue de faire de mon mieux pour survivre à l'ouragan Nyxon.
« Tu essaie de faire le bon flic, c'est ça ? »
Que je dis à Baphomet en lui offrant les caresses dont il rêve tant. Il faut avouer que d'avoir une jolie petite créature dans les bras ça m'aide à me calmer un petit peu, ça m'incite à parler. Ils sont vraiment redoutables ces deux-là. Je ne vais pas me laisser faire aussi facilement, même si je sais que je risque d'en avoir pour longtemps avec lui.
« Si je confesse, t'es tenu au secret professionnel monsieur l'avocat, pas vrai ? »
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