Cela faisait bien une demi-heure voire plus qu’Elsa-Mina tournait en rond dans le salon, son téléphone collé à l’oreille. Valka lui lançait des regards curieux depuis le canapé, visiblement imperturbable. Très honnêtement, la Viridis aurait mis fin à cet appel il y a de cela un quart d’heure. On ne lui avait malheureusement pas laissé cette option. Son interlocutrice semblait obstinée à la convaincre de la tragédie qui s’était abattue sur sa petite famille et visiblement Elsa-Mina était la personne la mieux placée pour l’aider. Ce qui n’était clairement pas le cas mais qui était-elle pour contredire Sylvie Beaufort. La patience de la scientifique commençait à couler à sec.

« Je comprends bien, Sylvie mais vous comprenez que- … Oui évidemment … Bien sûr c’est terrible, je n’ose imaginer le désarroi de votre fille. » Elle leva les yeux vers l’horloge, le désespoir s’empara d’elle. « Des affiches, oui absolument, je les ferais mettre dans nos locaux. »

Valka s’étira avec paresse sautant du canapé pour rejoindre sa dresseuse. Elle lui envoyait des images rassurantes. Visiblement elle avait senti l’agacement qui menaçait de faire tourner le ton de la conversation. Tendant ses oreilles, la mentali porta un peu plus attention à ce qui se disait depuis l’autre bout du fil.

« Vous devez nous comprendre Elsa-Mina, vous aussi vous avez perdu votre fils, mettez-vous à notre place. Odette est dévastée par la perte de Ciboulette. Ce Pichu est tout pour elle ! » expliquait la femme, on pouvait entendre dans le fond des pleurs sonores.

« En effet, je vois bien dans quel état peut être votre fille. » répondit Elsa-Mina les dents serrées.

La dénommée Sylvie ne semblait pas se soucier ou même avoir remarqué le ton glacial de la Viridis. Elle continuait déjà dans un débit de paroles trop rapide pour pouvoir l’arrêter.

« Nous avons déjà contacté un comportementaliste pokémon, il devrait pouvoir identifier ou est parti notre petit chéri. J’ai entendu qu’il était très doué dans son métier ! C’est Maude, vous savez la femme d'Auguste, qui me l’a recommandé. Noah Mihokawa, vous connaissez ? Ah probablement pas. »

Sylvie prit une inspiration, elle avait tout dit d’une traite. Elsa-Mina sauta sur l’occasion.

« Non, je ne le connais pas, mais ce serait un plaisir de me joindre à ses recherches, je ne peux pas décemment rester ici lorsque la pauvre petite chose est perdue dehors. »

« Oh ! Qu’elle bonté, Arceus vous bénisse, Elsa-Mina ! » s’exclama la femme avant de se faire couper.

« Je pars immédiatement ! Chaque minute compte, n'est-ce pas ? Vous savez où votre comportementaliste va commencer ses recherches ? » s'empressa de dire la scientifique.

Elle nota rapidement le lieu sur un Post-it, faisant de son mieux pour couper à court l’appel. Le téléphone revenu sur son écran d’accueil, Elsa-Mina se permit enfin de soupirer, s’étalant mollement sur le canapé en cuir. Elle attrapa un coussin pour étouffer un cri dedans. Valka se glissa à ses côtés, elle avait entendu ce qui avait causé cette réaction.

« Comparer Aro à ce… ce Pichu ! »

La Viridis écrasa une nouvelle fois sa tête dans le cousin, avant de rester inerte quelques secondes. Sa mentali frotta sa joue contre la sienne en guise d'encouragement et Elsa-Mina se tourna pour la regarder, tendant la main pour caresser doucement son pelage violet.

« Parfois je me demande, si la compassion n’est pas juste un mythe ? » Elle se redressa, résignée. « Enfin, les choses sont ce qu’elles sont. Le Pichu n’y est pour rien dans cette histoire. Je sais qu’Allanon a redoublé d’effort mais on ne sait jamais, les rues de Borao ne sont pas aussi sûres qu’avant. Encore moins pour un pokémon solitaire. »

Et puis, Sylvie avait touché un point sensible. Elsa-Mina aussi était vraiment inquiète pour le pichu. Valka sur ses talons, la scientifique alla attraper une veste pour se couvrir les épaules. Le printemps était là mais à l’ombre la température restait frileuse et elle n’avait aucun doute qu’il faille parcourir moultes ruelles avant de trouver la petite souris jaune. Avant de partir, elle fit attention à vérifier que Gariguette avait tout ce qu’il lui fallait dans son terrarium. La caractroc lui adressa un sourire en mâchonnant un morceau de baie fraive qu’elle avait trouvé on ne sait où. Elsa-Mina lança un regard à sa mentali qui fit mine de ne pas la voire. Il faudra qu’elle dise à Luciano de faire attention au stock, ce n’était pas une porte, ni même un tiroir qui allait arrêter un pokémon de type psy.

« Tu sais que si tu la nourris trop qu’elle risque de tomber malade… »

La queue de la mentali s’agita légèrement. Elle avait compris. Elle n’en ferait probablement qu’à sa tête. Résignée Elsa-Mina prit l’ascenseur en direction du rez-de-chaussé. Elle-même ne pouvait s’empêcher de donner quelques friandises à la tortue quand elle passait à côté d’elle. Quel mauvais exemple elle montrait.

Le rendez-vous avait été fixé sur la place principale de la ville. Elle espérait qu’Sylvie ait prévenu le jeune homme de son arrivée. Il faut dire que la description, jeune garçon aux cheveux blonds qui est peut-être en réalité une fille, peut-être pas, n’était pas la meilleure assurance pour le retrouver.

La place n’était pas particulièrement bondée. C’était rare, surtout par un aussi beau temps que celui-ci. Les récents évènements avaient dû rendre la population plus discrète. On ne savait pas vraiment à quoi s’attendre. Entre les pokémons sauvages qui envahissaient les villes et les membres de l’underground qui faisaient parler d’eux, des temps incertains allaient colorer Cinza.

Enfin, ce n’était pas pour autant que la place était vide. Tout de même, c’est de Borao que l’on parle ! Attablés sur des restaurants qui encerclaient la place, la majorité des personnes profitaient d’un café ou glace en présence de leurs amis. Quelques musiciens s'étaient installés dans un coin, emplissant l'air d'une douce musique. Des familles venaient admirer la statue du pokémon légendaire qui trônait au centre de la place. Viridium, le symbole de la famille Viridis. Il posait fièrement, le regard tourné vers le futur.

Elsa-Mina décida que le meilleur moyen de trouver le médecin était de se mettre bien en vue et alla s’installer sur les marches au pied de la statue, observant par la même occasion les passants avec attention à la recherche du dénommé « Noah ». Elle lui demanderait peut-être de jeter un œil à Syndra aussi. La Togekiss s’était faite discrète ces derniers jours, elle qui avait l’habitude d’aller et venir dehors passait beaucoup de temps dans un nid qu’elle s’était confectionnée avec quelques serviettes et des branches au grand damn des Viridis. Elle n’était pas blessée ni malade, ils avaient vérifié.

Valka remarqua la première la petite tête blonde qui arriva sur la place. D’un bond, elle ouvrit la marche vers celui qu’elle avait identifié comme étant le comportementaliste pokémon. Il sentait bon, elle l’aimait bien. Elsa-Mina suivit son pokémon d'un pas nonchalant, prenant le temps d'observer le garçon. Il était plus jeune que ce à quoi elle s'attendait, .

« Excusez-moi ? Êtes-vous Noah Mihowaka, le comportementaliste pokémon ? Je m’appelle Elsa-Mina Viridis, je viens de la part de Sylvie Beaufort pour vous aider à retrouver le Pichu. » se présenta-t-elle avec un sourire. « Et voici ma partenaire, Valka. »

La mentali fit une légère révérence avant de s’asseoir avec grâce.

Le jeune homme semblait légèrement surpris par son arrivée, comme elle l’avait supposée, Sylvie n’avait pas jugé nécessaire de le prévenir. Heureusement Norah -Sylvie s’était aussi trompée sur son nom- avait pris la nouvelle avec un sourire. Il avait aussi su gagner les faveurs de Valka en un temps record. Il semblait posséder un lien instinctif avec les pokémons.

D’un geste machinal, Norah invoqua son compagnon, un libégon qui ne semblait pas particulièrement enclin à la compagnie. La queue enroulée autour de son dresseur, il faisait le gros dos. Elsa-Mina aurait menti si elle ne se disait pas légèrement intimidée. Les explications du médecin ne la mirent pas plus à l’aise mais son côté désinvolte vis-à-vis de la situation sous-entendais que ça arrivait souvent. Elle n’avait pas encore eu le déplaisir de lire dans les journaux qu’un civil s’était fait gobbé le visage pour avoir trop regardé le dresseur d’un libégon, donc elle supposait que tout allait bien se passer.

Norah n’avait pas sorti son compagnon pour impressionner les foules, bien que c’eut cet effet là aussi, mais pour offrir une vision aérienne. Une initiative qu’Elsa-Mina apprécia fortement. Elle était entrain de se demander comment ils allaient retrouver un petit pichu dans l’immensité de la ville. Elle regarda Zéphyr s’envoler avec grâce, happée un court instant par la beauté du pokémon, ses ailes semblaient à peine caresser l’air, avant d’être ramenée au présent par le dresseur du libégon.

« Je suis du même avis. Je vais commencer de ce côté de la place, nous couvrirons plus de monde en nous séparant. » dit-elle en pointant l’est. « Retrouvons-nous ici une fois que nous avons obtenus des informations. N’hésitez pas à me prévenir si Zéphyr trouve une piste avant. »

Sur ces paroles, elle souhaita bonne chance à Norah avant de se diriger vers un café en bord de place. Autant commencer par les locaux. Les serveurs n’avaient rien vu hors de l’ordinaire, les clients non plus. Ce n’était pas forcément surprenant, dans le long monologue de Sylvie, Elsa-Mina avait cru comprendre que Ciboulette le pichu était parti de son plein gré. Il ne voulait pas être retrouvé. Apparemment tout aurait commencé quand le père de famille lui aurait interdit de monter sur le canapé et vexé il serait parti se réfugier dans la salle de bain. La fenêtre avait été laissée ouverte et quand la petite Odette était venue le chercher pour le réconforter elle n’avait pas pu le trouver.

La première fois qu’elle était rentrée chez-elle après la nouvelle de la fugue d’Aro, elle n’avait rien remarqué de changé. Sa chambre était toujours autant en désordre, les gamelles des pokémons avaient été remplies, le repas sur le comptoir emporté. C’était le silence qui avait été le plus frappant. D’habitude elle l’entendait pianoter sur son ordinateur avec un empressement notable, comme si les mots allaient s’échapper s’il ne martelait pas les touches comme des cymbales. Et puis, plus rien. C’était Vibeke qui avait remarqué qu’il n’était pas rentré des cours à l’heure. Ils étaient supposés faire un tournois de Smash ensemble. Aro avait juste disparu d’une manière si banale qu’elle terrifiait Elsa-Mina jusqu’aux os.

Au moins pour le pichu, une petite scène avait été créée. La famille avait aussi l’opportunité de le chercher. Elle enviait leur liberté et jugeait leur paresse. A leur place elle aurait retourné la ville sans dessus dessous de ses propres mains. Ou du moins elle aimait penser ça. La vérité était qu’elle avait encore moins bougé qu’eux. Figée comme un pion dans un échiquier, ce n’était pas à son tour de jouer et même si ça l’avait été, elle n’aurait fait qu’un pas.

La frustration commençait à la gagner, il lui semblait qu’elle avait interrogé au moins la moitié de la place sans succès. Valka s’était essayée auprès des pokémons, avec un peu de chance l’un d’entre eux avait croisé la souris ? Aucun succès de ce côté-là non plus. Personne n’était assez fou pour laisser un pokémon solitaire dehors et s’il y en avait un, l’underground veillerait à ce qu’il se trouve une nouvelle famille, de gré ou de force.

Alors qu’elle allait mettre court à son enquête et attendre Norah au centre de la place, un homme vint l’interpeller.

« Excusez-moi ? Vous cherchez bien un pichu ? »

Elsa-Mina se retourna sur lui comme s’il venait de lui offrir la meilleure des nouvelles. Et c’était presque le cas.

« Oui, c’est cela ! Un jeune pichu mâle du nom de Ciboulette, ses marques sur les joues sont légèrement ovales. »

« Oh, euh, je sais pas pour ce pichu là en particulier, mais ma fille a dit avoir vu un groupe de pichu faire du grabuge du côté du jardin fleurit du quartier nord. C’était le soir en rentrant des cours, ça doit faire une petite semaine ou plus qu’ils sont là. » expliqua-t-il

L’enthousiasme d’Elsa-Mina retomba assez vite. Ciboulette avait disparu ce matin même, ça ne pouvait être lui. Valka vint miauler pour attirer son attention, le regard déterminer de la mentali voulait tout dire. Loin de se décourager, elle trouvait que ça valait le coup d’aller jeter un coup d’œil.

« C’est la seule piste que l’on a. » confirma la scientifique à l’affirmation muette de son pokémon. « Merci, nous allons nous y rendre sur le champ. Votre aide est inespérée. »

Elle salua l’homme avant de faire demi-tour, courant à moitié vers le centre de la place pour y retrouver Norah et lui partager ses trouvailles. Avec un peu de chance il avait pu trouver des réponses lui aussi.

Il ne fallu pas bien longtemps avant que Norah ne revienne, accompagné de son Libégon qui se posa gracieusement sur les marches. Visiblement il était aussi tombé dans une impasse mais ce n’était pas forcément surprenant. Ils étaient après tout entrain de chercher une souris dans la ville la plus peuplée de Cinza, trouver l’aiguille dans la botte de paille aurait été plus facile. Pourtant, ils avaient tout de même réussi à glaner quelques informations. Des rumeurs principalement, mais c’était toujours mieux que rien.

« Le nord ? Quelle coïncidence, je viens justement de croiser un homme qui m’a indiqué avoir vu des pichus près du jardin fleurit. Autant remonter en suivant la piste de Zéphyr, en passant par le jardin si on ne trouve pas Ciboulette avant. » Elle se tourna vers le libégon. « Qu’est-ce que tu en dis ? Tu penses pouvoir nous guider ? »

Elle se recula légèrement pour laisser le dragon prendre les devants. Avec un peu de chance, ils passeraient devant une boulangerie en chemin, un peu de nourriture ne serait pas de trop pour attirer le pichu à eux. Apparemment Ciboulette était particulièrement gourmand. La dernière fois qu’elle était allée manger chez les Beaufort, elle avait vu Odette lui glisser des morceaux de pain sous la table. La petite avait même réussit à faire disparaitre tous ses brocolis de cette manière. Chose assez surprenante parce qu’elle n’aurait pas pensé que les pichus puissent aimer ces légumes mais il fallait croire qu’il avait été élevé aux restes.

Elsa-Mina profitait du trajet pour observer les alentours, une partie d’elle espérait toujours tomber sur une tête blonde aux cheveux ébouriffés. Ce serait le comble qu’ils tombent sur Hercule en cherchant Ciboulette. Elle n’osait espérer, à ce stade, c’étaient plus des divagations qu’autre chose. Elle se demandait pourtant si le pichu de son fils fuirait à sa vue. Quelques graffitis tâchaient les murs, elle y reconnu le logo des M.U.N.J.A. Il fallait dire que dans le cas d’Aro, pas de nouvelles c’étaient de bonnes nouvelles.

« Est-ce que je peux te tutoyer, Norah ? » demanda-t-elle. « Je voulais savoir, qu’est-ce qui t’as poussé à devenir comportementaliste pokémon ? Ce n’est pas un métier commun. »

Elle était curieuse d’en apprendre plus sur son jeune compagnon. Il formait un duo curieux avec son dragon. Il n’était pas impensable de s’imaginer qu’il ait été dresseur dans le passé, les pokémons de cette espèce étaient difficiles à élever, encore plus à évoluer. Son âge était remarquable aussi, si elle était la première à reconnaître que les prouesses n’étaient pas définies par l’ancienneté, il fallait tout de même reconnaître qu’il était impressionnant de voir quelqu’un d’aussi jeune dans la profession. Et puis, parler restait un moyen de passer le temps étant donné qu’ils devaient marcher pour ne pas louper de potentielles traces du pokémon.

Ainsi c’était de famille. Pas surprenant que le jeune homme ait réussit si vite à se faire un nom. C’était une bonne chose que la passion ait pu se transmettre au travers des générations. Elle-même n’avait pas eu cette chance, au grand damn de ses parents qui, bien que fiers, se désolaient que personne ne reprenne l’entreprise familiale. Ça avait été un sujet de contention, jusqu’à ce qu’elle se marie à Foldo. L’argent et la renommée des Viridis avaient fait taire leurs inquiétudes plus sûrement que les résultats de leur fille.

« On peut sentir votre passion ! »

Ce n’était pas peu dire, le regard de Norah s’était illuminé et son pas s’était accéléré lors qu’il s’était mis à conter son histoire. Depuis le début, son visage était plâtré d’un sourire avenant qui encourageait à la conversation en plus de transmettre une joie de vivre. La scientifique pouvait néanmoins voir ça et là une ombre ternir ses pensées. Sans aucun doute, le sort du pichu accablait son esprit.

« Je trouve qu’il n’y a rien de plus beau qu’une confiance gagnée dans l’adversité. » Elle eu un sourire. « D’ailleurs, ça me rappelle quelqu’un. »

Luciano et elle n’avaient pas commencé leur relation sur les meilleurs termes. Antipathique, le grand blond préférait rester loin d’elle et elle s’en satisfaisait. La mort de Foldo avait changé bien des choses et s’il y avait du positif à en tirer, c’était bien sa relation avec Luciano. Elle doutait que dans tout autres circonstances ils aient pu s’entendre ainsi. Maintenant, elle ne pouvait s’imaginer une vie sans lui.

« Votre métier doit être hautement prisé depuis la Nova Existencia. » commenta-t-elle après un moment. « Cela fait longtemps que vous êtes à Borao ? »

La ville était sa deuxième maison. S’il lui avait fallu un long moment avant de s’habituer à ses tours de verre et le capot luisant des voitures, elle avait maintenant appris à la chérir comme son bijou. San Camari resterait à jamais sa ville de cœur, c’était là où elle avait le plus rêvé et la nostalgie de ses rues étriquées et des façades blanches qui reflètent le soleil restait avec elle. Mais Borao était aussi la ville de son amour, celle où elle avait découvert sa voie et construit son bonheur.

Cela faisait un petit bout de temps qu’elle n’était pas allée aux jardins fleuris et si l’occasion n’était pas des plus joyeuse, il n’empêchait qu’elle comptait bien profiter de l’air chaud du printemps. Elle se demandait si Ciboulette avait trouvé une fontaine ou un coin d’ombre pour se prélasser. Peut-être qu’il attendait simplement que sa colère disparaisse pour revenir. Ce serait le meilleur scénario n’est-ce pas ?

« Norah ! Regardez ! »

S’exclama-t-elle, brusquement coupée dans sa réflexion. Un petit pichu venait de sortir d’une allée, trainant dans sa bouche un morceau de sandwich à moitié croqué. Il se tourna vers eux quelques secondes, avant de se rendre compte que c’était lui qu’ils regardaient. A ce moment, il fit un petit bond et détalla à toute vitesse en direction du croisement.

Pas besoin de se concerter, elle s’élança à la poursuite du pokémon, suivit par Valka sur ses talons, qui se maintenait à sa hauteur avec de grandes foulées. À tout moment lorsque le chemin serait dégagé, la mentali comptait piquer un sprint pour attraper le fuyard. Aucune idée si c’était bel et bien le pokémon qu’ils recherchaient, mais dans tous les cas, il fallait rattraper ce pichu !

En un mouvement vif, le libégon de Norah passa au-dessus de leurs têtes pour bloquer le chemin du Pichu. La petite souris fit un bond, coincée entre Elsa-Mina et Valka qui fonçaient sur elle et le gros dragon qui lui bouchait le passage, elle n’avait qu’une seule option, tourner vite en angle droit ! Elle se faufila rapidement entre les jambes de passants outrés, courant aussi vite que ses petites pattes lui permettaient. Derrière elle, les deux humains faisaient de leur mieux pour ne pas la perdre de vue.

« Valka, ne nous attends pas, piste-le ! »

Sans un mot la mentali poussa on allonge et rattrapa en quelques longs bonds une bonne partie de la distance qui la séparait du pokémon électrique. Zéphyr aussi le poursuivait malgré les civils qui bloquaient son avancée. La souris utilisa le terrain et sa petite taille à son avantage mais il n’était pas aisé de perdre un pokémon psy qui pouvait prévoir une partie de ses décisions. Elle commençait à être à court d’option et plutôt que de se faire prendre, décida d’essayer de rejoindre ses amis.

Elsa-Mina ralentissait considérablement, n’étant pas une grande sportive, ses poumons commençaient à protester face à l’effort. Heureusement que Zéphyr servait de point de repère. Au bout d’un moment, elle remarqua le pokémon dragon s’était arrêté dans les airs et faisait des cercles. Il avait peut-être perdu le pichu. Elle marcha rapidement jusqu’à l’endroit pour y trouver Valka, les poils hérissés en face à face contre une dizaine de petits pichus furibonds. Les souris faisaient crépiter leurs joues tout en faisant rempart de leur corp pour protéger le fuyard.

« Oh, nous sommes dans le jardin. »

En effet, dans la course, la scientifique ne s’était pas rendu compte que le pichu les avait menés dans une roseraie à l’extrémité du fameux jardin fleuri de Borao. Ainsi, l’homme avait dit vrai. Elle se posa quelques secondes pour reprendre sa respiration avant de s’avancer vers la masse de petites souris électriques.

« Excusez-nous de vous déranger, nous sommes à la recherche de Ciboulette, le pichu. Nous ne vous voulons pas de mal. Odette est très inquiète pour lui. »

Les pichus semblèrent se calmer un peu et s’échangèrent quelques regards remplis de doute avant de s’écarter pour permettre à l’un des leurs de passer. Ce petit pichu avait une particularité, une petite tache en forme d’étoile noire sur son front. Aucun doute que c’était bel et bien le pokémon qu’ils recherchaient. Il leva ses petits yeux vers eux, puis vers ses amis qui lui tendaient la patte pour l’inciter à revenir dans leur groupe.

« Vous croyez… qu’il s’est fait des amis ? » demanda-t-elle à Norah avant de s’agenouiller devant le pokémon. « Bonjour Ciboulette, je m’appelle Elsa-Mina et voici Norah. Nous sommes venus te remmener chez Odette, tu lui manque énormément. »

Le petit pichu recula en secouant la tête. Elsa-Mina sentit son cœur chuter dans sa poitrine, il ne voulait pas revenir ? Comment ça il ne voulait pas revenir ? Elle se tourna vers son compagnon pour voir s’il pouvait faire quelque chose. Odette était inquiète et aimait de tout son cœur son pichu, non ? Et Ciboulette aimait aussi Odette alors, pourquoi ne voulait-il pas revenir ?

Elsa-Mina recula légèrement pour donner plus d’espace à Norah. Il s’agenouilla avec douceur devant le petit pichu, de lui émanait un sentiment profond de bienveillance. Sylvie avait su trouver quelqu’un de profondément gentil pour cette mission. La scientifique écoutait le jeune homme parler avec le pokémon. Son esprit ne pouvait s’empêcher de penser à son fils alors qu’il posait des questions de plus en plus familières.

Évidemment ce pichu n’était pas Hercules, mais elle imaginait qu’il ait pu répondre de la même manière. Le pokémon souris n’était-il pas mieux ici, loin de cette famille qui ne le méritait pas ? Les sentiments d’Odette valaient-ils la peine de le priver de sa liberté ? Elle aurait aimé dire oui, mille et une fois. Le ramener et le voir sauter joyeusement dans les bras de sa dresseuse et que tout se passer bien. Ils vécurent heureux jusqu’à la fin de leurs jours. Ou quelque chose du même acabit. C’était l’histoire qu’elle souhaitait pour elle. Ô combien égoïste elle pouvait être. A rêver de tenir son fils dans ses bras, de lui arracher son libre-arbitre juste pour le savoir en sécurité. Elle était vraiment la pire des mères. Incapable d’agir sur ses émotions, ni d’avoir les bonnes. Aro méritait mieux.

Mais Norah avait une autre idée en tête. Ce doux et gentil Norah qui avait encore de l’espoir dans ses yeux et de la bonté à revendre. Couper la poire en deux. Prendre le meilleur des deux mondes. Était-ce réellement une option ? Il lui semblait que le monde était peint en binaire depuis si longtemps qu’elle n’avait osé espérer un tel avenir. C’était pourtant si évident, si idyllique. Elle vit le large sourire sur le visage de Ciboulette, sa joie contagieuse qui se propagea dans tout le groupe comme un ras de maré. Était-ce si simple ?

« Merci Norah. » dit-elle simplement mais avec une profonde gratitude. « Contente de te voir heureux, Ciboulette. »

Elle suivit le comportementaliste au travers de la ville, l’esprit en tourmente. Elle pouvait facilement imaginer le pire. Et si Sylvie refusait ? Elle haïssait l’incertitude. Ce n’était pas scientifique. C’était source d’erreur, souvent coûteuses. À la différence prête que ceci était la vie et que les erreurs en pavent le chemin pour illustrer un magnifique jardin de réussites.

Ils furent accueillis par une porte qui s’ouvrit avec un claquement et une paire de couette qui se jeta sur Ciboulette pour l’accueillir dans un câlin chaleureux. La petite Odette pleurait de toutes ses larmes, émue et soulagée devoir son meilleur ami enfin de retour. Peu de temps après Sylvie et son époux arrivaient. La vieille dame s’exclama avec joie alors que l’homme haussait simplement un sourcil, peu impressionné.

« Oh Ciboulette mon chou ! Tu es de retour !! Vous avez ramené notre bébé ! » dit Sylvie.

« Vous pouvez remercier Norah pour cela, il a su convaincre Ciboulette. A un détail près. Votre pichu s’est fait des amis. De très braves petits pokémons qui l’aiment énormément et seraient tout aussi triste de ne plus le voir, il serait bien qu— » sa phrase fut brusquement interrompue par l’arrivée de plusieurs petits pichus qui lui filèrent entre les jambes pour aller réclamer leur ami.

Odette émit un son qui était entre un cri d’excitation et de l’émerveillement à leurs adorables bouilles. Elle essaya de les ramasser dans ses bras alors que quelques-uns grimpaient sur ses jambes et d’autres se glissaient sur ses épaules. Ciboulette papotait, il faisait des gestes qui suggérait qu’il était entrain de faire les présentations. Sylvie de Beaufort soupira avec tendresse.

« Oohhh vous avez pensé que ce serait une bonne idée de ramener ses amis pour qu’ils puissent vivre avec lui, mais bien entendu ! »

Elsa-Mina commença à ouvrir la bouche pour la contredire mais se ravisa. La femme semblait heureuse de la situation et les pichus aussi. Odette était au paradis il semblait. Le seul bougon dans l’histoire était l’époux que tout le monde ignorait joyeusement. Sylvie s’approcha joyeusement de Norah et Elsa-Mina pour leur poser deux gros baiser sur les joues chacun qui laissa bien évidemment la marque de son rouge à lèvre avant de sortir plusieurs billets de son porte-monnaie.

« Je ne saurais assez vous remercier. Je n’avais pas entendu Odette rigoler comme ça depuis que Ciboulette avait disparu. Et puis ils sont si adorables ! Oh tenez, prenez cela en remerciement ! Puis-je vous inviter pour du thé ? »

Elsa-Mina eu un mouvement de recul. Oh, non. Elle connaissait trop bien les talents de pipelette notoire de Sylvie pour savoir que s’ils acceptaient, ils ne pourraient plus quitter les lieux avant plusieurs heures.

« Non, je m’excuse, je dois partir, Luciano m’attends. »

« Oh, une autre fois peut-être ? »

« Oui, bien sûr. »

Elsa-Mina sursauta, Odette venait de se jeter sur elle en la serrant dans ses bras. La petite fille leva ses grands yeux bruns vers elle.

« Merci madame de m’avoir ramené Ciboulette ! »

Elle sentit son cœur se pincer, à cette vue. Ça aurait pu être Aro. Fort heureusement, elle n’eu pas le temps de trop s’attarder sur le sujet parce qu’Odette fonçait sur Norah pour faire de même. Elsa-Mina adressa un sourire à son partenaire de recherche. Rien de tout cela n’aurait été possible sans lui.

« Je dois vous laisser, mais je pense que Norah peut vous donner quelques conseils pour vous occuper des pichus. Si ça ne vous gène pas, je garde vos coordonnées, Norah. Pour les transmettre à des amis s’ils ont besoin de service de comportementalistes. Merci pour cette journée, ça a été un plaisir de vous rencontrer. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à me contacter, vous trouverez mon numéro sur le site de la Tour Viridis. »

Ces rencontres l’avaient laissée avec beaucoup à réfléchir. Peut-être que toute cette histoire avec Aro n’était pas aussi tragique que ce qu’elle imaginait, peut-être qu’il y avait une solution à tous leurs tourments, de la même manière que le pichu avait su trouver un moyen de lier ses deux familles, humaine et pokémon. Elsa-Mina salua Norah avec un sourire, heureuse de l’avoir rencontré. Il avait rendu son monde un peu plus lumineux.