Les nuages roulaient dans le ciel telle la houle et le vent comme atteint de folie se débattait avec les herbes jaunes de la plaine. Le temps était à l’orage mais ça n’avait pas empêché les deux scientifiques de s’aventurer dans un coin perdu de la pampa. Leurs manteaux fermement boutonnés, ils avançaient difficilement vers un objectif qu’eux seuls pouvaient voir. Le son d’un « bip » régulier rythmait leur avancée. Elsa-Mina jeta un coup d’œil sur l’écran de la tablette de Mariana Picea, le point qu’elles traçaient n’avait toujours pas bougé. Probablement encore une petite heure de marche et elles seraient au bon endroit.

Mariana avait rejoint la Tour Viridis il y a quelques années. Auparavant professeur pokémon de la région, elle avait été forcée résigner avec la mise en place de la Nova Existencia. On lui reprochait son soutient avec la League et ses dons de pokémons à de jeunes dresseurs inexpérimentés. Les Viridis lui avaient offert une nouvelle chance, ou plutôt une liberté provisoire, en l’invitant à poursuivre ses recherches sur les variantions régionales des pokémons dans leurs laboratoires. Elsa-Mina s’était tout de suite bien entendue avec la femme. Son caractère franc et bordélique tranchait avec le sien mais elle respectait énormément ses travaux.

Aussi, lorsque Mariana lui avait demandé il y a quelques semaines de l’accompagner dans la Pampa des Côtes pour y recenser les espèces endémiques, elle avait accepté. Le voyage avait un but purement scientifique mais cela n’empêchait pas les deux femmes d’en profiter pour passer un peu de temps loin des tracas de la ville. Après tout le paysage était à couper le souffle et la solitude du lieu encourageait aux confidences.

Elles suivant la trace d’un pokémon qui avait été tagué deux mois auparavant et qui ne bougeait plus. La théorie la plus probable était qu’il ait, d’une manière ou d’une autre réussit à se retirer la barrette. Mariana pensait qu’il aurait pu se faire attaquer par un autre pokémon, ou qu’il était tombé dans un piège. Elsa-Mina supposait plutôt qu’il était paresseux.

La Viridis attrapa sa tablette. La page vierge d’un pokédex s’alluma devant elle. Elles avaient commencé à répertorier les pokémons présents. Pour l’instant elles n’avaient croisé qu’une horde de Tauros broutant sur le flanc d’une colline. Il y a aussi des écremeuh dans le coin mais le code scientifique veut que toute affirmation soit supportée par des preuves. Armée de deux appareils photos différents, Mariana était prête à apporter les preuves nécessaires.

Syndra volait au-dessus d’elles, surveillant les environs de ses yeux aiguisés. Elle était assez souvent distraite par de petits pokémons souris qui filaient à toute allure entre les hautes herbes et faisait donc un piètre guide mais sa présence rassurait les deux dames. Elles avaient voulu prendre quelques repousses pour l’occasion mais le budget scientifique étant ce qu’il était elles n’avaient eu le droit qu’à une. Elsa-Mina plaidait aussi coupable d’avoir oublié d’en acheter, elle était pourtant certaine qu’ils en avaient dans l’armoire.

« Si tu n’arrives pas à tout remplir, c’est pas grave. Je complèterais. »

La Viridis leva la tête de sa tablette, elle avait presque sursauté.

« Ça devrait aller. Ils nous avaient fait tout apprendre par cœur pour un cours, je crois que ça m’avait tellement traumatisé que je m’en rappelle encore. » lui répondit-elle.

Mariana rigola légèrement, visiblement c’était une expérience commune. La professeur n’était pas de la région, originaire de Paldea, elle avait vécu une vie bien différente avant d’arriver ici. Apparemment, ils avaient une école entière destinée aux Dresseurs Pokémons. Une idée absolument absurde pour les cinziens.

« Ah ! Les cours de biologie ! Est-ce qu’ils vous avaient aussi demandé de déterminer les sentiments d’un pokémon juste avec ses empreintes ? » demanda la paldéenne.

« Quoi ? Non ! C’est n’importe quoi, comment- Les empreintes, vraiment ? »
Mariana hocha la tête.

« C’est un vrai truc. Les empreintes de tes pokémons peuvent te dire comment ils se sentent. Faut regarder la distance, profondeur et l’assurance du pas du pokémon. » expliqua-t-elle. « Ne me demande pas comment faire je n’ai jamais réussit à passer cette matière. Si je me rappelle, je crois que l’astuce c’était d’observer comment le pokémon marchait vers son dresseur, plus il était pressé, plus il l’aimait. »

La curiosité piquée, Elsa-Mina aurait bien testé de savoir si cela marchait réellement ou si c’était juste un canular suffisamment absurde que personne n’ai réussit à prouver que c’était faux. D’un autre côté elle se demandait ce que pouvait ressentir un dresseur si la réponse était négative. Est-ce que l’on retirait le pokémon de sa garde ? Probablement pas.

Le duo s’arrêta quelques moments plus tard. Des feuilles avaient bougé non loin et le vent n’était pas le coupable. Mariana avait la main sur son appareil photo, prête à sauter dessus dès le premier morceau de nez visible. Elsa-Mina tâtonna un peu pour trouver son stylet, elle l’avait perdu dans une poche.

Un tauros solitaire laissa dépasser son museau des hautes-herbes. Il s’arrêta brusquement en les voyant, visiblement tout autant surpris qu’elles. Le premier réflexe de Mariana fut de lâcher un juron, les tauros avaient déjà été recensés par la précédent expédition, le deuxième réflexe de Mariana fut de lâcher de deuxième juron, elle étaient après tout juste en face d’un bovidé pas très heureux de les voir.

« Tu as la repousse ? » demanda-t-elle en chuchotant.

« Dans le sac à dos. Je ne veux pas faire de gestes brusques. » répondit sa compagne.

C'est vrai que maintenant cela semblait plutôt absurde d'avoir laissé leur outil de fuite dans l'endroit le plus difficilement accessible en cas d'urgence. En même temps on pouvait se demander comment un tauros de cette taille avait pu passer inaperçu ? Une petite visite chez l'opticien ne serait pas de trop.

Couvert de cicatrices et une corne brisée, le tauros était probablement un solitaire qui s’était fait chasser de sa précédente horde. Ceux-ci étaient réputés pour être particulièrement agressifs. Le regard mauvais du pokémon semblait corroborer le stéréotype. La surprise passée, il fallait prendre une décision et vite. Les pokémons herbivores étaient après tout réputés pour leur agressivité et dédain complet de tout sens de préservation. Dans un même principe on n'avait pas beaucoup à craindre lorsqu'on était fait à 90% de muscles.

« Recule lentement… »

D’un même geste les deux femmes firent un pas en arrière. Le pokémon normal renifla méchamment, son regard toujours fixé sur elles. Il semblait être entrain de prendre une décision. Secouant violement la tête de droite à gauche, le pokémon cornu poussa un cri de guerre avant de s’élancer vers les deux scientifiques. Syndra s’interposa devant la charge repoussant brièvement le pokémon en lui donnant des coups sur le museau. Elles allaient devoir le faire fuir.

Battant furieusement des ailes dans le visage du tauros, Syndra s’était accrochée à ses cornes et essayait de le tirer loin des deux femmes. Le pokémon bovin secouait la tête dans tous les sens, envoyant balancer la togekiss qui malgré tout s’accrochait de toute ses forces. Les serres laissaient des griffures superficielles sur les cornes, une autre marque à ajouter à sa collection.

« Syndra ! Recule avant de te faire mal ! » l’averti Elsa-Mina.

Mariana était en train de ramasser de la boue par terre pour la jeter sur le pokémon sauvage, c’était une pratique courante dans les safaris, à la différence près qu’elles n’avaient pas la sécurité d’un lieu surveillée avec des rangers patrouillant les environs. La Viridis elle avait balancé son sac sur le sol et fouillait dedans avec empressement. Le sac avait presque l’air sans fond.

Le pokémon vol relâcha sa prise sur les cornes du tauros qui poussa un cri rageur en retour. Grattant du sol de son sabot il semblait vouloir repartir à la charge. Au même moment, l’une des boules de boue de Mariana le toucha en pleine face. Il y eu comme un flottement l’air alors que très rapidement les deux femmes venaient à regretter amèrement la suite de décisions qui avaient été prises.

Le tauros sembla entrer en rage, poussant un rugissement digne des plus grands prédateurs il gonfla ses muscles dans un souffle nouveau de puissance. Syndra profita de cette ouverture pour cracher un aura-sphère sur son torse. L’orbe explosa avec de la fumée bleue, un râle de douleur s’échappa du pokémon cornu. C’était mal parti pour la fuite.

Mariana voyant la situation s’envenimer s’était elle aussi mise à fouiller ses affaires en recherche du sacré graal qui allait leur épargner de finir en crêpe. Syndra, comme à son habitude, n’avait même pas envisagé que la fuite puisse être une option. Elle enchaînait les coups avec le tauros, les deux pokémons se répondant à mesure égale. La scientifique sembla trouver ce qu’elle cherchait.

« Syndra, attrape ! » s’exclama-t-elle en lui lançant une baie Zalis.

Surprise mais toujours prête pour le goûter, Syndra avala la baie d’un coup de bec. Au même moment, le tauros la percutait de toutes ses forces avec une charge qui envoya s’écraser le pokémon vol. Elsa-Mina lâcha une exclamation inquiète mais son pokémon se releva comme si de rien n’était. Avec un cri, le combat repris.

Le pokémon bovin pouvait bien voir qu’il n’avait pas l’avantage. La frustration commençait à le gagner. Furieux mais aussi désespéré il tenta une dernière attaque Représailles. Une aura sombre l’entoura brusquement il vint frapper Syndra d’un violent coup de corne. La togekiss recula blessée mais pas le moins du monde vaincu. Toute fière elle répondit de concert avec son Aura Sphère qui fit reculer le large pokémon.

Encore et encore Syndra le martelais sans qu’il ne puisse répliquer. Agacé, épuisé et très probablement ennuyé, le tauros commençait à reculer. Avec un ultime assaut, il poussa un râle puissant faisant mine de charger sur le groupe avant de se raviser. Il avait eu son compte. Reculant dans la sécurité des hautes herbes à toute vitesse, il laissa les deux femmes et leur pokémon calmer leurs palpitations et remettre un peu d’ordre dans ce qu’il venait de se passer.

« Est-ce que tu as eu des rapports sur le regain d’agressivité des pokémons ? » demanda Elsa-Mina, qui caressait sa togekiss.

« Récemment ? Il y a eu l’incident de novembre mais rien de semblable dans la nature. C’est vrai cependant que les rapports d’incident augmentent. » lui répondit sa collègue.

La Viridis hocha la tête. Sa dernière altercation avec un pokémon remontait il y a quelques mois et le souvenir toujours frais dans son esprit de l’évènement du Dia de Los Muertos la hantait. Peut-être qu’il n’y avait pas à s’inquiéter que c’était juste la saison. Marianna semblait avoir suivit le cheminement de sa pensée.

« Au risque d’être traitée d’hérétique… les pokémons sont plutôt agressif de nature, ils aiment se battre, c’est pour ça que les combats pokémons existent en premier lieu. En retirant les dresseurs, l’écosystème a été chamboulé et comme plus personne n’a de raison de s’aventurer dans les étendues sauvages, ils ne sont plus habitués à la présence humaine. Avec le temps, cela va probablement s’empirer. » lui expliqua-t-elle.

Elsa-Mina hocha la tête, pensive. C’était quelque chose qu’ils redoutaient mais ils n’avaient pour l’instant pas trouvé de solution à ce problème. Le plus évident serait d’interdire l’accès aux zones sauvages, mais certaines d’entre elles sont des parcs de conservation, surveillés par des rangers pour s’assurer de la pérennité des espèces rares. Sans parler des quelques promoteurs immobiliers ou des agriculteurs qui pourraient être intéressé à étendre un peu leur domaine. Il y avait quelques nouvelles de champs piétinés. Tout cela avait été mis sur le dos de l’Underground évidemment mais il n’était pas impossible d’imaginer un troupeau affamé en être responsable. Elle soupira.

« Je suppose que c’est notre devoir de trouver une solution. » répondit-elle. « C’est aussi pour cela que ces missions existent n’est-ce pas ? »

« Plus on a d’information sur les pokémons, le mieux on peut prévenir des incidents. » confirma sa collègue.

Syndra n’avait pas été trop amochée, aussi elles décidèrent de continuer d’avancer. Cette fois ci en portant une attention plus poussée aux alentours.

Plusieurs minutes s’écoulèrent avant qu’elles ne tombent sur un nouveau spécimen. De loin, Elsa-Mina l’avait confondu avec un tauros mais Mariana l’avait rapidement corrigée. C’était un pokémon originaire d’Unys, un frison. Ils n’étaient pas natifs de la région, un ancêtre des Terrens avait décidé par une lubie étrange qu’il voulait un parc de frison et s’était mis à exporter les pokémons. Le peuple de Cinza avait quasiment immédiatement vu le potentiel commercial de la grosse afro sur sa tête. La laine de ces bisons était épaisse et lourde, parfaite pour les couvertures et tapis. Leurs cornes pouvaient aussi être vendues, les anneaux dorés les sertissant faisant de magnifiques bracelets.

Ou tout du moins c’était ce qu’expliquaient les livres d’histoire. Si l’abattage des Frisons pour leurs cornes avait été très rapidement proscrit, la culture de leur laine restait populaire dans la région. Néanmoins les nouvelles exigences sanitaires et les normes sur les conditions de vies des pokémons imposés par la Nova Existencia avait mis à mal le business. Entre les petites fermes familiales qui ne pouvaient pas payer les impôts et celles qui avaient été fermée pour mauvaises pratiques, beaucoup de ces pokémons s’étaient retrouvés abandonnés dans les steppes.

Des jumelles collées au visage, Mariana observait l’animal qui avançait dans leur direction. Il était marqué d’un numéro brulé sur sa cuisse gauche. Un ancien animal de ferme donc. Sa démarche était étrange. Lourde et boiteuse, il semblait trainer quelque chose derrière lui. Impossible de correctement discerner quoi à cette distance.

« Je pense qu’il est tombé dans un piège. Ou il s’est pris les pieds dans une vieille clôture, il va falloir qu’on s’approche. » expliqua Mariana en criant un peu pour se faire entendre par-dessus le vent.

Elsa-Mina acquiesça, hors de question de le laisser dans sa misère. Pourtant, l’aider n’allait pas être de mince affaire. Agressif à cause de sa blessure, elles allaient probablement devoir l’affaiblir un peu avec Syndra. Elles avaient suffisamment de potions et de baies pour le remettre sur pieds une fois le problème résolu. Un coup d’œil à son pokémon suffit, la togekiss était toujours prête à aider et avait pu récupérer un peu depuis le dernier combat. Mariana sortit de son sac le matériel nécessaire en préparation. Bientôt, elles allaient arriver devant le pokémon.

En s’approchant du pokémon les deux scientifiques pur enfin poser les yeux sur ce qui ralentissait le frison. Un filet attaché à un harpon était planté dans sa patte arrière droite. Le filet à moitié déchiré avait tout de même récolté tout un tas de morceaux de bois, cailloux et même quelques os. Il trainait littéralement un fardeau qui lui arrachait la peau. Le pokémon les regarda s’approcher avec méfiance.

Un frisson parcouru Elsa-Mina à la vue du désastre. Des braconniers étaient passés par là. Elle pouvait supposer un spécimen comme celui-ci pouvait probablement valoir son poids en or dans les marchés noirs. Même si c’était connu et malheureusement, habituel, la cruauté humaine la surprendrait toujours. Dire que ces personnes là étaient logés au même rang que son époux ou Mariana la révoltait. Il ne pouvait pas y avoir de dialogue sans nuance, ni de justice sans équité.

« Tu crois qu’il va nous laisser approcher ? »

« … Non, mais on va avancer doucement. » dit Mariana.

Elle avait le bras tendu devant elle, une baie sitrus dans la main. A moitié accroupie pour avoir l’air plus petite -ce qui n’était pas bien utile elle était déjà pas bien grande- elle s’approchait doucement du pokémon. Le Frison eu un mouvement brusque qui fut interrompu par Syndra. La togekiss se pausa sur ses cornes avec un roucoulement. Elle avait compris le message, on était ici pour rassurer, pas taper.

Peu heureux d’avoir un oiseau franchement grand sur sa tête, le frison s’ébroua violement. Le mouvement fit bouger le filet qui se coinça dans une racine délogea à moitié le harpon. Du sang noir et épais se mit à couler de la blessure. Le pokémon de type normal poussa un râle grave, épuisé il ne pouvait que foudroyer du regard l’oiseau blanc qui tant bien que mal l’empêchait de bouger.

« Chut, ça va aller, on est là pour t’aider. » tenta Elsa-Mina en faisant le tour du pokémon. « Il a rouvert sa plaie, il va falloir des bandages et du désinfectant. »

Mariana leva un pouce en l’air, déjà elle sortait le matériel de son sac.

« Ça va aller mon grand. On va te retirer ça, il faut que tu sois brave d’accord ? Fais nous confiance. » continua la Viridis avec une voix maternelle.

Elle n’était absolument pas sûre de ce qu’elle faisait mais la présence de Syndra ainsi que le manque de mouvement du pokémon sauvage la rassurait quelque peu. Retroussant les manches, elle se mit près du harpon. Il n’allait pas aimer cela. Elle espérait juste qu’elle n’allait pas se prendre un coup de sabot, ou pire.

Prenant le manche à deux mains, Elsa-Mina serra les dents, se préparant à tirer de toutes ses forces. D’un coup sec, elle ramena le harpon vers elle. Le hurlement du Frison lui fit immédiatement lâcher prise alors qu’il donnait un violent coup de tête à Syndra qui dû user de toute sa force pour le maintenir en place. Battant furieusement des ailes, l’oiseau ne comptait pas lasser sa dresseuse se faire éventrer.

« Ça ne part pas ! » s’écria la scientifique avec horreur.

« Tire plus fort, c’est pour son bien. »

Elle lui fit les gros yeux. Facile à dire pour elle. Elle ne sentait pas les muscles se tendre autour de la tige pour l’empêcher de bouger, le regard fou du pokémon sur elle, ni même l’odeur ferreuse du sang suintant. Elle avait juste envie de se lever et partir loin d’ici.

« Tu peux le faire, Mina. Courage ! »

La Viridis leva la tête vers sa collègue, surprise. C’était la première fois que Mariana l’appelait ainsi et si elle aurait dû être vexée, c’en était pas le cas. Les encouragements aidant presque autant que son envie que cette situation se termine au plus vite, Elsa-Mina se remit à tirer. Cette fois-ci Syndra s’attendait au mouvement brusque et bloqua le coup du Frison de son corps. La corne qu’elle s’était prise lui avait fait mal mais elle pris sur elle pour ne pas inquiéter sa dresseuse qui avait déjà les mains pleines.  

Le harpon se détacha avec un pop visqueux, projetant la Viridis sur les fesses. Aussitôt Mariana passa à l’action, posant une compresse imbibée d’alcool sur la plaie pour étouffer le flot de sang. Le Frison sembla s’affaisser légèrement sur lui-même, soulagé de ce pique qui le tourmentait depuis un bon bout de temps. Elsa-Mina croisa son regard fatigué, elle y lu toute la reconnaissance du monde. Chamboulée, elle ne put qu’adresser un sourire timide au pokémon, avant d’aller aider son amie.

Elles restèrent une bonne heure à prodiguer quelques soins au pokémon. Le Frison s’était calmé, immobile, il les avait laissé travailler sans plus rechiner. Syndra aussi avait eu droit à quelques pansements qu’elle arborait fièrement. On aurait pu croire qu’Elsa-Mina lui avait remis une médaille pour sa bravoure.

Le frison était entrain de tester sa nouvelle liberté en faisant des tours autour du groupe. Mariana l’encourageait en tapant des mains à un rythme musical, un immense sourire sur le visage. Loin d’être affectée par la situation, elle semblait simplement heureuse d’avoir pu venir en aide à un pokémon. Si Elsa-Mina partageait ce sentiment, elle ne comprenait pas d’où venait sa joie.

« What’s with that gloomy face ? »

La Viridis grimaça un peu.

« You know my unovan is terrible. » répondit-elle dans la même langue.

Mariana rigola à grand cœur, il était vrai que si Elsa-Mina avait tout le vocabulaire du monde, son accent lui était tout bonnement immonde.

« Ah, mais je doute que ton accent soit la source de tes tracas ! Même si très franchement ça devrait être le cas. » Elle reçu un regard noir qu’elle ignora avec un sourire avant de prendre un air plus sérieux. « On a sauvé ce frison, personne n’a été blessé. Ou du moins personne n’a été gravement blessé, désolé Syndra. Du coup, qu’est-ce qui ne va pas ? »

« Les braconniers sévissent impunément, les pokémons sont agressifs à cause de ça et la situation s’en va en empirant. Il n’y a que des choses qui ne vont pas. » répliqua un peu sèchement la Viridis.

Mariana sembla la jauger quelques secondes. Son regard noisette n’exprimait aucune animosité mais plus de la compassion.

« Si claro. Et qu’est-ce que tu penses pouvoir faire pour remédier à ça ? »

Elsa-Mina resta muette. Elle connaissait la rengaine, si c’est hors de notre portée il ne faut pas s’en soucier, lâcher prise comme on dit. Mais ce n’était pas exactement ce que son amie avait en tête. D’un naturel plus téméraire, Mariana aimait prendre les choses en mains, c’était aussi ce qui la frustrait tant avec les nouvelles règles de Cinza. Elles limitaient les actions possibles et punissaient ceux qui osaient les contester.

« Peut-être que c’est quelque chose auquel tu peux réfléchir ? Je veux dire, tu es Elsa-Mina Viridis ! Ce n’est pas rien. Si quelqu’un peut faire quelque chose, c’est toi. » expliqua-t-elle.

La scientifique ne répondit rien. S’il y avait eu un moment où elle s’était sentie capable de changer les choses, cette époque était maintenant révolue. C’était un sentiment qui n’était pas partagé par les autres Viridis. Dans un sens, elle en voulait presque à Luciano et Aro de continuer à se battre aussi ouvertement. Ils se mettaient en danger, avaient-ils seulement conscience des conséquences que pourraient entrainer leur arrestation si le gouvernement commençait à en avoir marre ? Un goût amer dans la bouche, elle reprit le chemin sans un mot, saluant le frison qui reparti dans la pampa. Tout comme eux, il continuait son combat, malgré les blessures et les difficultés. Peut-être qu’elle devrait faire de même.

Le reste du chemin se fit dans un silence presque pesant. Elsa-Mina savait pertinemment ce qui la dérangeait mais n’osait le reconnaître. Les conséquences de la Nova Existencia se faisaient de plus en plus ressentir et elle ne pouvait oublier qu’elle avait été à son origine. Cela faisait plusieurs mois qu’elle commençait sérieusement à se demander si leurs sacrifices allaient réellement résulter en un monde meilleur. Mariana l’interpella au bout d’un moment, elle pointait du doigt un point proche sur le radar.

« Il ne devrait pas être loin. C’est assez petit comme pokémon donc il ne faut pas le louper. »

La scientifique hocha la tête, préparant son carnet et son appareil photo. Elles avaient pu remplir quelques pages sur les tauros et compléter quelque peu le dossier sur les frisons grâce à leur rencontre précédente mais le vrai sujet de leur visite les attendait encore. Le carnaticho avait été tagué puis relâché par chercheurs, ils n’avaient rien noté de particulier sur lui si ce n’était qu’il avait été plutôt docile lors de sa capture.

Il était facile de s’imaginer que le pauvre pokémon se soit fait attraper par des chasseurs. Il y avait quelques années encore les canarticho étaient élevés pour leur viande, Elsa-Mina n’était pas sans savoir que quelques hauts placés récalcitrants n’étaient pas contre le fait de détourner le regard lors que des parties de chasse étaient organisées. Luciano et Allanon en avaient attrapé plus d’un la main dans le sac.

« On se rapproche… »

Attentive, Elsa-Mina serrait son stylo avec anticipation, elle se préparer à voir le pokémon dans un état lamentable. Elle espérait seulement qu’il soit en un seul morceau, ce serait pire s’il était –

« Couac ? »

« Oh. » dit Elsa-mina de manière très éloquente.

« Oh. » lui fit écho Marina.

Devant elle, un carnarticho, qui se portait parfaitement bien soit dit en passant, les regardait paresseussement. Son postérieur sagement posé sur un caillou, il mâchonnait une baie sans le moindre souci de monde. Accroché à sa patte, une étiquette clignotait légèrement. C’était le pokémon qu’elles cherchaient. Le pokémon qui ne bougeait plus depuis dès mois et avait inquiété tout un département. Ce canarticho.

Elsa-Mina poussa un grognement au même moment ou Marina éclatait de rire. Il était juste paresseux. Elles avaient fait tout le déplacement, bravé un tauros furieux et manqué de se faire empaler par un frison parce que ce stupide canard ne voulait pas participer à la migration comme ses congénères. Elle l’aurait étranglé elle-même si la situation n’avait pas été aussi comique. Elles allaient devoir expliquer cela au bureau d’étude et ne pas passer pour des idiotes en le faisant.

« Il faut qu’on se fasse plus souvent des sorties, c’est beaucoup plus animé quand tu es là ! »

« Pitié, non. Je préfère largement mes cellules, elles au moins, ne nous font pas traverser toute une région pour rien du tout ! »

Elle râlait mais plus pour la forme. Malgré le vent qui lui fouettait le visage et le froid qui s’immisçait sous ses couches de vêtements, il fallait reconnaître que la promenade avait été agréable, mis à part les quelques pépins auquel elles avaient dû faire face mais… c’était ça l’aventure non ? Avec un soupir résigné, Elsa-Mina lança un coup d’œil à la fiche qu’elle devait remplir, se demandant si c’était une bonne idée de polluer les résultats avec une donnée aberrante.