"On a beau anticiper sa mort, ça ne se passe jamais comme on l'avait imaginé. Il y a toujours un imprévu, une stratégie qui tombe à plat, un ennemi qu'on a pas repéré à temps. Quoi qu'on fasse, la fin nous surprend toujours"
Hôpital de Borao, 26 Novembre 2022.
Milano n’avait pas perdu un seul instant. Lorsque son téléphone avait sonné pour l’avertir que son frère avait été amené d’urgence à l’hôpital de Borao, le Conseiller avait quitté sur le champ son poste à La Isicao, laissant derrière lui les affaires qui l’attendaient. Luciano ? Entre la vie et la mort ? L’aîné des Viridis n’y avait au départ pas cru et n’avait pris conscience de la réalité de la scène que lorsque la personne à l’autre bout du fil lui avait décris avec une précision effrayante l’état exacte de celui qui lui avait toujours paru intouchable, inébranlable. Avait-ce été Mina ou Kerack ? Milano ne s’en souvenait déjà plus tant la situation l’avait troublé. Le plus inquiétant résidait dans l’incertitude qui planait depuis.
Luciano n’avait pas repris connaissance depuis qu’il avait été trouvé.
Découvert sur l’une des routes qui menait à Borao, la police lui avait décrit une scène digne d’un véritable cauchemar. Alerté par l’appel d’un autre conducteur, Horatio avait été le premier à se rendre sur place, suivis de Kerack et Elsa-Mina qui, mis au courant par le Capitaine de Borao, avaient rejoint le puîné directement à l’hôpital où les secours l’avait conduit sans plus attendre. Depuis, les questions fusaient et sans réponses pour les apaiser, d’innombrables théories avaient vu le jour, toutes plus sombres et farfelues les unes que les autres. Accompagnés de Lucius, Milano était arrivé aussi vite qu’il avait pu, précédant de quelques heures les journalistes qui, tel des charognards, s’étaient empressés de s’agglutiner aux portes de l’hôpital dans l’espoir de glaner quelques informations. En digne Viridis qu’il était, Milano avait fait dépêcher la Guarda pour sécuriser la zone et en cela, leur lien étroit avec Horatio n’avait pas manqué de leur venir en aide. Désormais zone de quarantaine ou peu s’en fallait, l’hôpital de Borao était du jour au lendemain devenu le centre de l’intérêt de tous ceux qui, de près ou de loin, souhaitaient suivre les rebondissements de cette affaire obscure et dont l’issue était encore nébuleuse.
A quelque chose près, les Viridis avaient passé les dernières 24h sur place, plongés dans l’incertitude. Si la vie de Luciano n’était médicalement plus en danger – les médecins avaient été clairs sur la question – l’homme tardait pourtant à reprendre connaissance, pour une raison qui échappait à beaucoup. Naturellement, le choc qu’il avait reçu à la tête faisait office de principale explication, mais … aussi longtemps ? Le pseudo coma dans lequel l’intendant était plongé était, de loin, la plus grande inquiétude de Milano. Qui savait quel genre de répercussions cet accident allait avoir sur l’esprit son frère ?
Luciano ne se réveilla enfin que tard dans la journée, alors que le soleil était déjà bas dans le ciel. A ses côtés lors de ses premiers instants, Milano laissa un moment à son esprit pour reprendre contenance, mais les questions qui le tourmentaient depuis que les évènements étaient parvenus à ses oreilles peinaient à attendre plus longtemps leurs réponses. Sans lui laisser davantage de temps, fermant la porte dans le but d’éviter les oreilles indiscrètes, Milano se pencha sur son frère.
« — Qu’est-ce qui s’est passé ? » lui demanda l’aîné des Viridis.
Abrupte, sa question aurait pu révéler un manque de considération, mais les deux frères étaient bien au-dessus de cela et tout le monde le savait. L’urgence résidait désormais dans le récit de ce qui était arrivé ; un récit, que seul Luciano était en mesure de leur révéler. Conducteur hors pair, Milano ne croyait pas un seul instant que son frère avait pu faire une fausse route ou encore percuter de lui-même un objet suffisamment important pour mettre sa voiture dans un tel état. Fier de cette assurance qu’il avait le Conseiller, déjà, avait laissé son esprit divaguer dans des suppositions que sa raison ne voulait pas envisager mais que son cœur, lui, avait déjà compris depuis longtemps : l’accident n’était pas le fruit du hasard et ce que cela impliquait mettait en péril leur sécurité, et bien plus encore.
Il y avait du bruit autour d’eux, un brouhaha constant, des discussions échangées à demi-mots, le grincement des roues mal huilées. Il y avait du mouvement aussi, les allers-retours des infirmières, les portes qui s’ouvraient et se refermaient dans un cycle hectique. Somme toute il y avait de la vie mais pour Elsa-Mina, une seule comptait. Et elle était silencieuse. Immobile. C’était injuste. Luciano n’avait rien fait pour mériter cela et elle ne pouvait rien faire pour l’aider.
Le temps avait ralenti et la torpeur l’avait accueillie avec une embrasse familière. Accrochée à Kerack, elle suivait ses déplacements sans réellement comprendre comment son corps se déplaçait. Les paroles rassurantes du majordome coulaient sur elle sans l’atteindre. Elle était dans sa bulle, loin du monde mais pourtant si proche. Ce n’était pas grave, ils avaient l’habitude, ça arrivait de temps en temps, surtout depuis la mort de Foldo. Il fallait qu’elle se concentre sur son corps, ses sensations physiques, sa respiration, des exercices qu’elle avait pratiqué de nombreuses fois. Elle savait aussi qu’elle avait un morceau de baie Pommo dans sa poche si jamais elle n’y parvenait pas. Laissant ses doigts glisser le long des égratignures de la pokeball de Gare à Toi, il semblait qu’elle avait tout le temps du monde pour reprendre le contrôle de son esprit. Après tout, Luciano ne bougerait pas.
Lorsque que finalement, elle réussit à donner du sens à ses alentours Kerack n’était plus là. Milano qui avait dû arriver entre-temps et avait pris sa place. Il tapotait furieusement du pied, la mâchoire serrée, le regard fixe. L’horloge indiquait que plusieurs heures s’étaient écoulées. Elsa-Mina n’avait pas besoin de demander pour savoir que rien n’avait changé entre temps. L’ainé lui aurait indiqué si Luciano s’était réveillé ou si quelque chose d’impensable avait eu lieu. Les chaises en plastiques de la salle d’attente avaient meurtri son dos sans pitié, elle se doutait qu’il était de même pour l’homme à ses côtés, pourtant, il était resté à lui tenir compagnie. Lucius s’était accoudé à un mur, ses yeux ne quittaient pas son amant. Quel trio ils faisaient. Sombres et austères, on aurait pu croire qu’ils attendaient un enterrement. Il fallait reconnaître aussi que la dernière fois qu’un Viridis avait manqué à l’appel, ça avait été le cas.
« Merci. »
Le silence se fit un peu plus confortable malgré la tension qui pesait sur les cœurs. Kerack était revenu quelques instants après avec des collations. Personne n’y toucherait mais c’était le geste qui comptait. Il accueillit retour de la scientifique à la réalité avec un sourire chaleureux qui ne cachaient pas totalement l’inquiétude dans son regard. Elle se demandait si Luciano avait consciente de l’importance qu’il avait pour eux. S’il savait que leur monde s’écroulerait sans lui. Elle était presque égoïste de vouloir le voir en bonne santé. Ne l’étaient-ils pas tous ?
Au fils des heures, Elsa-Mina avait réussit à racoler les morceaux du puzzle. On avait dû lui expliquer ce qui était arrivé à Luciano sinon elle ne se serait pas retrouvée ici mais elle avait oublié entre temps. Trop embarrassée pour déranger ses compagnons avec cela. A vrai dire, elle n’était plus vraiment sûre de comment elle était arrivée à l’hopital de base mais ce n’était pas la première fois que cela arrivait et vu les allers-retours incessants d’Allanon, c’était lui qui l’avait probablement averti. Il semblait furieux mais c’était son inquiétude qui parlait, l’Intendant de Borao avait eu un accident et nul ne savait ce qu’il s’était passé. Dans tous les cas elle était heureuse d’avoir eu la présence d’esprit d’emmener Gara avec elle. Qui sait comment la louve aurait supporté ne pas pouvoir être là pour son dresseur ? La culpabilité la rongeait déjà, elle n’avait pas besoin de se noircir plus l’esprit.
La nouvelle du réveil de Luciano anima leur petit groupe alors qu’ils commençaient à redouter le pire. L’ennui et l’angoissent laissent souvent la place aux démons du doute et de la paranoïa. Elsa-Mina, qui était restée éveillée depuis son arrivée, trop inquiète pour dormir, avait elle-même commencé à se demander si les médecins ne leurs mentait pas. Ce n’était pas la première fois que Luciano se faisait prendre pour cible. Il y avait aussi eu l’incident avec Isidora où ils s’étaient retrouvés drogués et avec ses dernières actions allaient contre les ordres directs du gouvernement… La suite de l’histoire s’écrivait toute seule et elle ne doutait pas une seconde que les médias se soient jetés sur des théories complotiste en attendant d’avoir la version de l’accidenté. Après tout, c’était ce qu’elle avait fait toute l’après-midi.
La chambre de Luciano lui semblait austère mais tous les hôpitaux l’étaient. Le lieu n’avait pas vocation à servir d’hôtel. Les volets pas encore fermés, laissaient entrevoir le ciel noir, la journée avait passée sans qu’ils ne s’en rendent compte. La nuit donnait à leur réunion un petit air d’interdit, l’hôpital s’étant tu avec la descente du soleil, ils semblaient presque livrés à eux-mêmes. Luciano était allongé sur un lit mécanique. Le teint albâtre et ses cheveux collés au visage, seul son torse dépassait des couvertures. Des bleus qui jaunissaient à vue d’œil marquaient son visage d’habitude si soigné. Dire que les blessures du Dia de Los Muertos n’avaient même pas eu le temps de cicatriser, voilà qu’il en rajoutait d’autres à sa collection.
Milano pris les devants, comme à son habitude. Elsa-Mina ne pouvait pas totalement désapprouver son empressement, la question qu’il venait de poser brûlait les lèvres de tout le monde. Après s’être assurée que la porte était bien fermée et qu’ils ne seraient pas dérangés, Lucius s’était mis devant pour la garder, elle prit l’initiative de libérer Gare à Toi de sa pokéball. La louve était tout aussi touchée qu’eux et plus que quiconque elle méritait de savoir que son partenaire se portait bien. Glissant sa main dans son pelage, elle adressa un sourire encourageant à la lougaroc, faisant fi de l’inquiétude que suscitait son apparence et son comportement. Elle ne se permettrait jamais de la juger.
« Il est réveillé. Il sera heureux de te voir ma belle. » lui dit-elle doucement avant de se tourner vers l’homme en question. « Oh, Luciano ! Je- Tu nous as tellement inquiétés- »
Elle mourrait d’envie de le prendre dans ses bras, de le toucher pour s’assurer qu’il était bien là. Elle voulu sourire à l’homme mais l’émotion lui prit la gorge. Fermant les yeux quelques instants, elle tenta de garder contenance malgré les larmes qui menaçaient. La voix rauque, elle termina sa phrase.
« Ça fait du bien de te voir réveillé. »
Elle se rapprocha du lit, remerciant Kerack qui lui tendait une chaise. Elle sentait que la suite des évènements allait moins lui plaire.
"On a beau anticiper sa mort, ça ne se passe jamais comme on l'avait imaginé. Il y a toujours un imprévu, une stratégie qui tombe à plat, un ennemi qu'on a pas repéré à temps. Quoi qu'on fasse, la fin nous surprend toujours"
L’hôpital de Borao le voyait souvent ces derniers temps, un peu trop à son goût. Le devait-il au hasard, à la malchance ? Devait-il y voir un acharnement du sort, qui s’entêtait en vain à le voir mourir ? Luciano n’était pas certain de vouloir le savoir. Tout ce qu’il savait, s’était que depuis quelques temps, son regard se posait un peu trop souvent sur le plafond blanc de cet endroit qu’il avait jadis longuement côtoyer, mais qui aujourd’hui ne le voyait plus qu’en de rares occasions … jusqu’à présent du moins.
Le jour avait laissé place à la nuit lorsque Luciano s’éveilla enfin, quittant un état d’inconscience dont la durée lui échappait encore. D’abord abasourdis par toutes ces heures de sommeil, l’homme avait un moment peiné à se rappeler les évènements passés ainsi que ceux qui l’avait conduit jusqu’ici, dans ce lit d’hôpital. Plus que le reste, la douleur – évidemment – était venue lui rafraichir la mémoire, ramenant à lui ses souvenirs.
L’accident.
L’intendant n’avait pas encore finis de mettre ses idées au claire lorsque le clan des Viridis pénétra dans la chambre, les traits tirés. Depuis combien de temps attendaient-ils son réveil ? Trop longtemps de toute évidence, et le soulagement qui planait sur leur visage fatigué n’échappa pas au regard brumeux de Luciano, dont l’attention peinait encore à tout percevoir.
De toutes les voix, celle d’Elsa-Mina fut la première à atteindre ses oreilles. A qui parlait-elle ? Un regard dans sa direction lui fit apercevoir Gare à Toi, sa fidèle Lougaroc qui avait eu la chance de ne pas se trouver avec lui. Avec une prudence extrême, Luciano sentit la louve s’approcher sous le regard attentif de Milano. Avait-il peur de voir la Lougaroc s’en prendre de nouveau à son frère ? Non. Loin d’ignorer la vérité, tout le monde savait que le comportement de la louve lors du Dia de los Muertos n’avait été que l’œuvre de l’abominable gaz propagé par la Guarda ; une vérité dont tout le monde avait conscience, sauf elle. Malgré les circonstances qui avaient mené à cette absence, Luciano trouvait du réconfort à l’idée de savoir que Gare à Toi n’avait pas été dans la voiture. Qui sait quel tort l’accident aurait pu lui causer ? Y aurait-elle simplement survécu ? Sans doute pas. Le Dia de los Muertos avait laissé des traces sur son corps autant que dans son esprit ; des traces qui, depuis, mettaient à mal son état général. La conscience brisée par l’idée d’avoir manqué de tuer son maître, depuis ce jour la Lougaroc sombrait dans un état lymphatique. Trop occupée à se morfondre la louve refusait de s’alimenter, ne se mouvait presque plus, et depuis plusieurs semaines ses jours se résumaient à d’interminables siestes ça et là dans l’appartement. Etrange ironie, ce qui la tuait à long terme l’avait sauvé à court terme.
Loin de vouloir laisser son approche sans réponse, Luciano tendit une main dans sa direction, effleura sa crinière du bout des doigts. Encore groggy, les dernières paroles de Mina ne lui parvinrent qu’à moitié. Loin de saisir tout à fait le sens de ses mots, l’intendant en perçut cependant l’émotion, puis arriva la voix de Milano, plus rêche, plus froide. Qu’est-ce qui s’est passé ? Luciano ferma un instant les yeux. Une part de lui aurait aimé donner réponse à l’attention que lui portait Mina, une autre comprenait l’importance de la requête de son aîné … le temps pressait et il le savait, et parce qu’il tardait à répondre, le puîné entendit Milano insister.
« — Luciano » l’interpella-t-il, cherchant à l’animer.
La rudesse du Conseiller n’avait rien de personnelle. Luciano savait que son frère s’était inquiété pour lui et que le voir éveillé le confortait en bien des manières, mais l’intendant savait aussi quel genre d’homme Milano Viridis était. En cela, l’aîné des Viridis s’accordait parfaitement avec Lucius : pragmatiques, les deux hommes laissaient rarement leurs émotions les gagner, gardant le sentimental pour des instants moins sérieux, moins exposés. Luciano le savait bien, aussi ne prenait-il pas son insistance pour de l’inconsidération. Ramenant sa seule main valide jusqu’à lui Luciano tenta de se redresser, et une douleur lancinante le traversa alors de part en part, le figeant dans son mouvement.
« — N’essaie pas » lui intima Milano « Tu as des côtes cassées et le bras en morceaux. N’essaie pas » répéta-t-il.
Le puîné le crut aisément. Abandonnant son projet, l’homme prit une inspiration. Les lèvres sèches, Luciano se sentit déglutir.
« — J’ai été percuté sciemment » résuma finalement l’intendant.
Le puîné laissa un instant à son audience pour accuser l’information.
« — Un Roucarnage s’est posé sur la route, devant moi. J’ai cru voir Vaillant, alors je me suis arrêté » raconta-t-il « Et puis il a changé de forme, comme pour me narguer. A la place est apparu un Zorua »
Le souffle encore un peu manquant, l’homme peinait à dévoiler son récit.
« — L’instant d’après, j’ai été percuté sur le côté par un pokémon, un Frison je crois. Je me souviens des cornes qui ont frappé, côté passager » poursuivit-il « Je me souviens de la voiture quittant la route, puis du choc contre l’arbre, mais le reste est flou dans ma mémoire »
Son récit, évidemment, concordait avec les dégâts relevés sur la voiture. La Raikar avait été percutée par une force extrême qui avait réduit en miette toute la partie opposée au conducteur, et le contrechoc, lui, avait envoyé la voiture en dehors de la route pour lui faire finir sa course contre un arbre, véritable cause des blessures de l’intendant. Ecrasé des deux côtés, extirper le puîné de la carcasse du véhicule n’avait pas été aisé mais les secours avaient fait un travail remarquable.
« — Tu en es certain, Luciano ? » lui demanda le Conseiller « Horatio m’a dit que les gens qui t’ont trouvé ont mentionnés un Roucarnage à leur arrivée. Il gardait les décombres et les aurait conduit jusqu’à toi. Tu es sûr qu’il s’agissait d’un Zorua ? »
« — Il faisait sombre, mais j’en suis certain oui. Le Roucarnage s’est transformé en Zorua » assura l’intendant.
Soudainement silencieux, la perplexité de Milano était palpable. L’homme peinait à recoller les morceaux de ce puzzle aux pièces manquantes, s’échinait à donner un sens à toutes cette histoire. Plus que tout, la présence de ce Zorua dans ce nouveau rebondissement le contrariait. S’agissait-il du même pokémon dont les poils avaient été retrouvés l’an passé dans la Raikar de l’intendant ? Cet accident avait-il un rapport avec ce qui était arrivé à Terren et son frère peu de temps après le Carnaval ? Pourquoi ce Zorua-Roucarnage était-il resté à ses côtés ? Le mutisme qui avait gagné le Conseiller trahissait les innombrables théories qui, déjà, s’esquissaient dans son esprit.
Encore assomé Luciano alternait entre les moments de conscience. La scientifique n’était pas sûre si elle devait mettre cela sur le dos de la morphine où des blessures qu’il avait subies. Elle aurait bien châtié Milano qui insistait encore pour avoir des réponses mais elle savait la situation urgente. La dernière fois aussi, ils s’étaient crus en sécurité, intouchables. La suite leur avait prouvé le contraire et les marques qu'elle avait laissé ne se soigneraient jamais. Ils ne voulaient pas reproduire la même erreur.
Peut-être qu’une variable n’avait pas été prise en compte ? Ils étaient pourtant dans les grâces du gouvernement et si l’underground était une menace, ils ne s’en étaient jamais pris directement au gouvernement. Ou du moins ne l’avaient pas fait depuis les évènements de 2015. Pire encore, une question subsidiait, qu’est-ce qui assurait la sécurité de Luciano dans l’hôpital ? Si l’homme avait pu être attaqué impunément une fois qu’est-ce qui assurait que ça ne se reproduise pas de manière plus définitive ?
Elsa-Mina ferma les yeux, les poings serrés elle essayait de refouler l’angoisse qui menaçait de l’emporter. L’accident avait été volontaire. C’était une tentative d’intimidation, au mieux. Elle n’était pas prête à perdre un second Viridis, encore moins Luciano. L’étau semblait se resserrer autour d’eux. Plus ils étaient menacés, plus ils se soutenaient, s’isolaient loin de tous ceux qui puissent leur nuire. Mais aussi de tous ceux qui puissent les aider. Comment faire confiance face à un ennemi sans visage ? Cela pouvait être n’importe qui.
« Rien d’autre n’a été trouvé ? » demanda-t-elle. « Ils n’ont pas pu arriver ici par eux-mêmes. Des traces de pneus, des phares ? Un bruit d’hélicoptère ? Quoi que ce soit qui te vienne à l’esprit ? »
Milano semblait tout autant perplexe qu’elle. Perdu dans ses pensées, il devait être entrain de retourner la situation sous toutes les coutures pour tenter de lui donner du sens. Le manque d’informations était flagrant mais c’était une évidence. On ne s’en prenait pas impunément aux Viridis… sauf si on s’appelait Caldwell. Pour être honnête c’était sa haine envers la femme qui parlait plus qu’une suite logique de réflexions mais quitte à brasser de l’air autant ne pas le faire toute seule.
« Frison et Zorua sont originaires d’Unys, non ? » La question était purement rhétorique. « Ça m’étonnerais que Déliverance ait apprécié ton intervention de la semaine dernière. Elle a peut-être voulu nous le faire comprendre. »
Elle savait pertinemment que ce n’étaient que des spéculations sans fondements mais pourquoi devait-elle se retenir quand elle avait un blâme parfait à lancer en direction de la Chancelière ? C’était la solution la plus simple mais aussi celle la plus lourde de conséquences. Conséquences qu’Elsa-Mina ne se sentait pas prête à assumer.
« Désolé, je divague. C’est juste que… » ça rappelle la mort de Foldo. Elle n’avait pas besoin de finir sa phrase. « Enfin, j’ai du mal à imaginer qui d’autre aurait pu se servir de Vaillant comme ça et pourquoi le pokémon serait-il resté ? Est-ce que l’on connait quelqu’un avec ces pokémons ? Peut-être un membre de la Team Zekrom ? »
Après tout le raid avait été effectué contre eux à la base, il n’était pas hors de question que l’un des fidèles du chef ait pu s’échapper et veuille se venger. Elle se tourna vers Milano, était-il arrivé à une conclusion suite à sa réflexion ? Si quelqu’un pouvait aider à mettre de l’ordre dans toute cette histoire, c’était bien lui.
"On a beau anticiper sa mort, ça ne se passe jamais comme on l'avait imaginé. Il y a toujours un imprévu, une stratégie qui tombe à plat, un ennemi qu'on a pas repéré à temps. Quoi qu'on fasse, la fin nous surprend toujours"
Luciano avait-il entendu, aperçu quelque chose, n’importe quoi leur permettant de savoir quand et comment les pokémons étaient venus à sa rencontre ? Non, rien du tout, et en guise de réponse l’intendant hocha la tête autant que cela lui était possible. Malgré l’absence de minerve, l’homme pouvait sentir les raideurs qui avaient gagné son cou. L’accident n’avait rien épargné.
« — Non, mais je pense qu’ils attendaient mon passage » ajouta-t-il cependant « Le Frison n’aurait pas pu suivre la voiture »
Si l’intendant de Borao était connu pour sa prudence sur la route, force était d’admettre que la Raikar savait filer. Même le plus rapide des Frisons ne pouvait concurrencer les chevaux que la voiture avait sous le capot et encore moins sur une distance aussi longue qu’il l’aurait fallu. Les pokémons l’avaient forcément attendu à un endroit donné, ce qui impliquait une certaine organisation … mais aussi un certaine connaissance. Comment avaient-ils su qu’il passerait par-là ?
Ecoutant avec attention les paroles et théorie d’Elsa-Mina, Luciano scruta le visage de son frère, à la recherche du moindre signe trahissant son avis. L’insinuation de la scientifique concernant l’implication de Caldwell dans cette histoire le fit pincer du nez, et l’éclair qui traversa son regard prouva à l’intendant que cette éventualité l’avait déjà traversé. Laissant dans un premier temps les dernières paroles de la scientifique sans réponse, le Conseiller demeura un moment silencieux, pensif.
« — Tout le monde sait que Luciano recherche Vaillant. Ce n’est pas un secret » fit-il finalement remarquer. L’aîné des Viridis n’avait pas tort : l’obsession de Luciano à vouloir retrouver les pokémons de feu leur frère n’était inconnue de personne « Ce n’est pas la première fois qu’on entend parler d’un Zorua » poursuivit-il « Des poils de Zorua avaient été retrouvés l’année dernière dans la Raikar après l’incident avec la fille Terren, à La Isicao » rappela-t-il « Je ne peux pas croire que les deux affaires ne sont pas liées … sinon, pourquoi le Zorua aurait-il pris la peine de se retransformer ? La personne qui a fait ça veut clairement nous faire comprendre qu’il s’agit de lui … ou d’elle, pour ce que cela vaut »
Milano fit une courte pause. L’enquête concernant cette histoire de drogue et de kidnapping n’avait jamais rien donné et si le Conseiller ne l’avait pas oublié – comment l’aurait-il pu ? – l’homme avait naïvement cru que l’affaire s’était tassée, et qu’ils n’en entendraient plus parler.
« — Cette histoire date de bien avant ton intervention inconsidérée dans l’Underground » déclara-t-il finalement, tournant un regard en direction du puîné.
Dans les paroles de son frère, Luciano percevait encore sa désapprobation quant à cette intervention dont il avait été l’investigateur. Sur ce coup-là l’intendant de Borao avait joué cavalier seul et lorsque l’information était parvenue aux oreilles de Milano, le Conseiller n’avait pas manqué de s’insurger. Encore fraiche dans son esprit, Luciano se souvenait de la violente dispute qui s’en était suivie. Effrayé à l’idée de perdre son second frère Milano lui avait reproché son action, et à son tour Luciano lui avait reproché de laisser cette peur entraver chaque jour durant ses choix, leurs choix.
Par ses mots, Milano écartait l’implication des Zekroms. Peut-être à tort ? L’idée de voir les sbires de Liam King rendre justice à l’arrestation de leur boss n’était pas aberrante – bien au contraire – et il y avait une certaine intelligence à se servir d’un Zorua pour brouiller les pistes … mais comment l’auraient-ils su ? L’information concernant les poils de renard illusionniste était restée confidentielle … à moins qu’une taupe ne sévissait au sein de leur rang ? Rien que d’y penser, Milano sentait l’étau se resserrer.
« — Je n’ai pas les ressources pour obtenir cette information » déclara le Conseiller en réponse à la dernière question d’Elsa-Mina. Milano Viridis ne savait rien de la Team Zekrom et de ses acteurs « Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement leur mettra ça sur le dos. Lorsque les gens apprendront ce qui est arrivé, tous les regards se tourneront vers les Zekroms » affirma Milano « Mais pas le mien »
A la lumière des éléments qui s’offraient à lui, Milano annonçait ses couleurs.
« — Mais je peine à comprendre » ajouta-t-il « Si le Zorua à causer l’accident, pourquoi est-il resté pour s’assurer que quelqu’un viendrait ? Par charité ? » questionna-t-il, sans vraiment attendre de réponse.
Cet accident avait-il eu pour vocation de tuer, ou bien avait-il été mis un œuvre à titre dissuasif ? Silencieux, Luciano voyait son frère patauger dans cette eau qui n’aurait pas paru si profonde s’il avait su ne pas la remuer. Contre toute attente une nouvelle voix s’éleva, brisant le silence qui s’était installé.
« — Il ne s’agissait peut-être pas des mêmes pokémons » déclara Kerack, prenant soudainement la parole « Peut-être que le premier Roucarnage était le Zorua, et peut-être que le second … … … peut-être que le second était bel et bien Vaillant »
Le cœur de Luciano se serra à cette idée. Était-ce possible ? Bien sûr que c’était possible.
Toute cette histoire de Zorua n’aidait en rien la situation. Le pokémon sombrenard était réputé pour être difficile à attraper mais s’il agissait sous les ordres de quelqu’un alors cela compliquait encore plus les choses. Sans parler du fait que Luciano pouvait pratiquement se faire attaquer n’importe où, n’importe quand avec une impunité totale. Il y avait aussi la menace de tours un peu plus mesquins qui planait. A tout moment, le dresseur du pokémon pouvait décider que non content de blesser l’intendant, il lui fallait aussi détruire sa vie politique a l’aide d’illusions bien placées. Les médias seraient prêt à se jeter sur le moindre scandale comme des charognards, l'incident du carnaval l'avait bien prouvé. Peut-être que son but était de semer la discorde ? Mais alors, pourquoi s'arrêter à Luciano ?
Dans tous les cas, la vendetta semblait personnelle si ce n’est quelque peu abstraite. Quitte à laisser une trace, autant donner un nom, non ? Même un pseudonyme aurait suffi. Cette dernière pensée fit réfléchir la scientifique. Avec les lois de la Nova Existencia, les pokémons devaient être recensés et avec eux leurs dresseurs, il pourrait être intéressant de parcourir les dossiers pour trouver les détenteurs de zorua. Certes, il était plus que probable que le pokémon ne soit pas enregistré légalement mais s’il y avait une chance infime qu’un nom évoque quelque chose à Luciano, alors c’était une chance à prendre.
Kerack la sortie de sa réflexion. Sa remarque avait jeté comme un froid dans la pièce. C’était une chose d’espérer, une autre d’articuler cet espoir à voix haute. Dans un sens, ça le rendait plus fragile. Pourtant, Elsa-Mina ne doutait pas qu’ils aient tous pensé à cette éventualité. Vaillant aurait protégé Luciano, ça ne faisait aucun doute mais si c’était lui, pourquoi disparaître juste après ? Craignait-il quelque chose où bien les détestait-il simplement ? Leurs manigances avaient couté la vie de son dresseur, elle ne lui aurait pas tenue rigueur.
« Si on part du principe que c’était bien Vaillant alors, pourquoi ne pas être resté mais surtout, qu’est-ce qu’il faisait là ? Vous pensez que la personne qui possède le Zorua, possède aussi Vaillant ? Ou bien qu’il le suit pour je ne sais quelle raison ? » Elle pouvait imaginer quelques raisons mais… « Peut-être qu’il faut remonter plus loin que La Isicao ? »
Remonter à la mort de Foldo ? Après tout, c’était à ce moment-là que tout avait dégénéré. La disparition de Vaillant, les rumeurs néfastes sur les Viridis, le soutient à Caldwell, tout provenait de ce moment. Elle se leva pour se mettre à tourner dans la pièce, le mouvement l’aidait à réfléchir.
« Si je fais le point, on a : un zorua qui a été impliqué dans deux incident. Isidora Terren a été victime aussi, peut-être un dégât collatéral, peut-être pas. Les mouvements de Luciano sont connus et anticipés et il est la cible principale. Les attaques datent d’au moins 1 an. Vaillant était peut-être là ? » Elle comptait sur ses doigts les différents éléments. « Il nous manque : le motif, le coupable, évidemment et l’objectif de ces attaques. »
Ils avaient des informations, seulement elles ne se complétaient pas. C’était comme essayer de relier un nuage de points sans numérotation, ils pouvaient peut-être arriver au résultat final mais ce serait par pur hasard et sans la certitude que ce soit la solution.
"On a beau anticiper sa mort, ça ne se passe jamais comme on l'avait imaginé. Il y a toujours un imprévu, une stratégie qui tombe à plat, un ennemi qu'on a pas repéré à temps. Quoi qu'on fasse, la fin nous surprend toujours"
Au fond de lui, Luciano pouvait sentir sa patience s’effriter à l’idée de tourner en rond. Le roncier qui s’étendait devant eux lui paraissait sans limite, sans issue, et s’y frayer un chemin sans s’y piquer promettait son lot de difficultés. Bientôt, la discussion se porta plus spécifiquement sur Vaillant et les paroles de Kerack figèrent un instant le cœur de l’intendant et, il le devinait, de tous ceux présents dans la pièce … à commencer par celui d’Elsa-Mina, qui ne tarda pas à donner réponse à la théorie du majordome.
« — Aucun de nous ne sait vraiment ce qu’il est advenu de Vaillant » déclara Luciano lorsqu’elle eut terminé « Kemosabe et Djin sont entre les mains de l’Underground, Drakaar et Altaya ont retrouvé leur liberté, mais Vaillant … Vaillant n’est jamais revenu »
Tous les pokémons de Foldo n’avaient pas été perdus. Très vite, Luciano était parvenu à retrouver deux d’entre eux, Drakaar son Draco-Faiseur-d’Orage et Alataya, sa douce Altaria dont les nuages ne s’éloignaient jamais du dragon, et depuis les deux pokémons avaient fait le choix de vivre loin des tumultes, marquant parfois de leur présence le sommet de la Tour Viridis. Grâce aux informations d’Eddarson, Luciano avait fini par apprendre que Kemosabe – renommée Aladdin – et Djin se trouvaient dans l’Underground, l’un faisant office de combattant, l’autre de trophée. De tous, Vaillant était le seul qui manquait à l’appel, mais Luciano était certain d’une chose.
« — Vaillant ne saurait accepter un autre dresseur que Foldo » assura-t-il « Il a été élevé ici, avec nous … il lui sera loyal et fidèle, jusqu’à la fin » C’est ce que faisaient les Viridis « Et puis, j’ai toujours sa pokéball, celle que Lucius a retrouvé sur le corps de Mexanto » ajouta-t-il.
Tout droit sorti du passé, le nom le faisait encore frémir de haine. Ancien membre de la Guarda, à la mort de Foldo Mexanto avait volé et revendu au marché noir les pokémons du champion décédé, entre bien d’autres choses. Peu de temps après, l’homme avait été tué par un ancien membre de la Mão Negra originaire de Pavlica, qui aujourd’hui se tenait devant la porte de cette chambre ô combien surveillée. Concernant Vaillant enfin, si l’intendant se gardait bien d’en parler, demeurait malgré tout une éventualité qui n’échappait à personne, et sur laquelle personne n’osait mettre des mots : Luciano n’écartait pas l’idée que le Roucarnage leur en voulait et que, à l’instar d’Aro, l’animal avait fait le choix singulier de ne plus avoir affaire à eux. La seule consolation du puîné résidait dans le fait que personne ne serait jamais en mesure de le capturer et donc de l’assouvir, puisque la pokéball à laquelle il était lié était restée intacte.
Ecoutant par la suite le récapitulatif d’Elsa-Mina, un silence s’installa dans la pièce, trahissant les innombrables réflexions qui traversaient le clan des Viridis. D’un bond que Luciano n’aurait jamais cru possible au vu des circonstances, sans crier garde Gara se hissa sur le lit, au bout duquel elle se roula ensuite. Eternelle gardienne, la louve avait enfouis son long museau dans le panache de sa queue, faisant disparaître sa tête ou peu s’en fallait. L’intendant la fixa un long moment, avant de finalement prendre la parole.
« — Tout a commencé avec Terren, à La Isicao » déclara-t-il après réflexion « J’ai cru à ce moment-là que l’action avait des fins politiques et je le crois toujours » assura-t-il « Quelqu’un a voulu, ce jour-là, semer la discorde entre les Familles en se servant de l’animosité séculaire qui nous unis avec les Terren. Ils ne s’étaient sans doute pas attendu à ce que … »
… à ce qu’ils finissent ensemble, retournant ainsi la situation à leur avantage ?
Luciano s’était arrêté. Quelle était cette émotion étrange et désagréable qui s’immisçait dans son cœur à l’idée de ce qu’il s’était apprêté à dire ? Palpable, une sensation de vide le gagna soudainement, une sensation que Luciano aurait aimé ne pas si bien connaître … parviendrait-il un jour à s’en débarrasser ? Il le faudrait bien, il le fallait. En attendant, l’homme se retrouvait là, en proie à son silence qui trahissait son désarrois … pourquoi la morphine devait-elle le rendre si imprudent dans ses paroles, dans ses propos ? Se reprenant enfin, l’intendant poursuivit.
« — De l’enquête étaient ressortis les poils de Zorua, ainsi que des images de l’homme qui avait accosté Terren la veille au soir, celui qui l’a drogué et sans doute emmené dans la chambre dans laquelle nous nous sommes retrouvés. Les images n’avaient rien donné, son visage nous est étranger … mais nous savons donc qu’il y a un Zorua, au moins un homme, et un Frison » énuméra le puîné « L’éventualité qu’il s’agissait d’un homme de main n’est pas à écarter, mais c’est mieux que rien »
Oui, cet homme aurait aussi bien pu être un simple sbire agissant sous les ordres de quelqu’un d’autre, c’était même plus que probable. Maintenant que l’histoire refaisait parler d’elle, devaient-ils gratter pour en savoir plus ? Cet homme était peut-être un fil sur lequel tirer, mais l’année qui s’était écoulée avait sans doute refroidie la piste.
« — Milano, tu devrais envoyer une équipe pour passer au peigne fin la zone de l’accident avant que les journalistes ne s’en mêlent. Horatio t’aidera » suggéra l’intendant.
Cela coulait de source, mais Luciano avait depuis longtemps cessé de laisser les évidences se débrouiller par elle-même, au risque de les voir ne pas s’accomplir. Enfin, il repensa aux Zekrom et à l’éventualité qu’ils avaient, peut-être, jouer un rôle dans l’accident.
« — Je ne pense pas qu’il s’agisse des Zekrom » déclara Luciano « Les Zekrom auraient laissé un signe, une marque de fabrique, quelque chose … ou bien ils m’auraient enlevé pour tenter de m’échanger contre Liam King » Si les Zekrom avaient un tant soit peu de loyauté, la seconde option aurait pu valoir le coup ; l’absence d’intervention de leur part le troublait d’ailleurs presque « Quant au reste … je doute que ma mort ait été le but de tout cela. Si tel avait été l’objectif, faire exploser la voiture aurait été plus simple, moins hasardeux » fit-il remarquer « C’est de l’intimidation, c’est comme ça que je le ressens »
De l’intimidation, oui, mais de la part de qui ? A qui profitait une discorde entre les Familles ? Diviser pour mieux régner disait le proverbe. Caldwell ? Et qui pouvait bien vouloir dissuader Luciano Viridis dans son entreprise de mettre à bas l’Underground ? Ceux qui en profitaient ? La liste était longue, et pourtant un seul nom s’obstinait à hanter son esprit. Moins réservé qu’Elsa-Mina à l’idée de le dire, Luciano se jeta à l’eau, sans vergogne.
« — Caldwell est derrière tout ça » affirma-t-il. Etrangement, ses mots semblaient faire office de sentence « A qui tout cela profite le plus, si ce n’est à elle ? » questionna-t-il « Le grabuge perpétré par cette histoire avec Terren lui a permis de passer sous silence celle du Tentacruel géant, lui offrant le temps d’arranger les choses comme elle l’entendait. Quant à l’accident … Mina a raison : elle n’a sans doute pas apprécié ce qui est arrivé à Borao. Je lui au forcé la main, ai défié son autorité et, plus grave encore, je lui ai prouvé que nous étions capable d’agir seuls, sans son concours. Elle doit se sentir menacé »
Et déjà, quelque chose en lui se satisfaisait de cette idée.
Loin de s’enorgueillir de cette possibilité, Milano était demeuré stoïque, immobile, silencieux. S’il trouvait crédit aux paroles de Luciano – oui, d’une manière ou d’une autre Caldwell était sans doute derrière tout ça – Milano avait, en revanche, du mal à croire que la Chancelière avait agi par peur. Les Viridis étaient-ils si menaçants que cela ? Avaient-ils réellement ce poids ? Si tel était le cas, l’avenir promettait d’être plus dangereux encore – comme si les six dernières années n’avaient pas suffi ! – et cette perspective lui fit avoir un soupire.
« — Quoi qu’il en soit, l’heure est à la prudence » affirma Milano. L’homme s’approcha du lit, posa sur le bras valide de son frère une main qui se voulait rassurante « Reposes-toi. Nous monterons la garde jusqu’à ce que tu sortes d’ici. Personne ne passera »
Luciano le remercia d’un signe de tête. Quand les neiges tombent et que soufflent les vents blancs, le loup solitaire meurt mais la meute survit. Du regard, l’intendant observa Milano prendre la direction de la porte, et percevant que la solitude le guettait, la voix de Luciano s’éleva dans la pièce.
« — Elsa-Mina » interpella-t-il avant qu’elle ne sorte « Reste » lui demanda-t-il.
Le temps d’un instant, Milano s’était lui aussi arrêté, troublé par la requête du puîné. Resté trop longtemps loin de Borao, la nature exacte de la relation qui unissait son frère et la scientifique lui échappait … qu’est-ce que Luciano pouvait bien lui vouloir ? Qu’avait-elle de plus, pour la souhaiter elle plutôt que lui ? Reprenant sa route, Milano ne put s’empêcher de leur jeter un regard qui, immanquablement, venait trahir une part de sa jalousie.
Finalement, Luciano et elle s’étaient accordés sur la coupable. Si la perspective de faire face à Caldwell répondait à plus d’une des fantaisies d’Elsa-Mina, il fallait aussi reconnaître que l'idée de l'avoir en ennemie la terrifiait. Il semblait que tout le sang qui avait été versé en son nom n’avait pas satisfait l’égo de la Chancelière. Était-il au moins possible de répondre à ses attentes ? Des années d’oppression et de service et voilà comment ils étaient récompensés. C’était comme si tous leurs efforts avaient été en vain. Ils avaient seulement réussit à gagner du temps.
Elle n’aurait pas dû être surprise. La femme était arrivée comme un boulet de canon et avait en l’espace de quelques mois, chamboulé toute la région. Son influence semblait inéluctable et encore maintenant, toute opposition paraissait vouée à l’échec. Caldwell avait des yeux et des oreilles partout mais surtout, les moyens nécessaires pour faire taire les réfractaires. Les récents évènements en avaient été la preuve.
Ce qu’Elsa-Mina ne comprenait pas cependant, c’était toutes ces expériences qu’elle menait dans son coin. Le but lui échappait. L’une des raisons plausibles aurait été le besoin de force de frappe face à ses opposants mais, l’Underground restait sagement loin des regards, M.U.N.J.A. se satisfaisait de pointer du doigt ses erreurs dans des blogs et quant au grandes familles… trop accrochées à leurs privilèges, elle les voyait mal se retourner contre la main qui les nourrissait.
Non, Terren à la limite pouvait poser quelques soucis diplomatiques mais Kelder et Cobalt ne faisaient pas de vagues. Eux-mêmes avaient été trop blessés pour imaginer lui tenir tête. Sans parler du fait que vu l’envergure des recherches, celles-ci devaient dater de quelques années déjà. Et si les attaques sur Luciano démontraient une chose c’était qu’elle pouvait les faire disparaitre si bon lui semblait alors, pourquoi ? Y avait-il quelque chose qu’ils avaient loupé ?
Elle se demandait aussi, si Milano était bien en sécurité. De tous, il était le plus proche de la Chancelière et si cette position avait été choisie pour ses bénéfices, cela le mettait aussi en danger. Certes, il avait Lucius qui était très franchement la dernière personne qu’Elsa-Mina voulait avoir en ennemi mais, dans ce climat incertain, il faisait bon de ne pas sous-estimer le gouvernement.
« Tu sais ce que l’on dit, une bête acculée n’est que plus dangereuse. Ne la pousse pas trop à bout Luciano. »
Malgré ses propos et l’inquiétude qui la rongeait, elle ne pouvait s’empêcher d’être fière de son beau-frère et cette fierté avait teinté le ton de son avertissement. Elle lui souriait, à la fois désespérée par son orgueil et amusée de son air satisfait. Il avait hérité des idéaux de Foldo, s’il ne les avait pas déjà partagés avant. Plus que quiconque ici, il faisait honneur au défunt. Il lui arriver de regretter que le monde ne puisse pas le voir, tel qu’elle le voyait. Son brave héro, prêt à tous les sacrifices pour le bien de la région. Un champion par actes plus que titre.
Milano appelait à quitter la pièce et s’il peinait la scientifique de quitter le chevet de son ami, elle savait aussi que c’était pour le mieux. De toute manière, ils n’allaient pas être autorisés à rester. Elle avait bien essayé de marchander la dernière fois, mais les employés de l’hôpital étaient intransigeants. Elle n'était pas prête à se faire sermonner une deuxième fois. La scientifique s’approcha du lit, pour caresser le pelage du pokémon roche qui s’était lotie contre son dresseur.
« Gara… » l’appella-t-elle doucement, avant de changer d’avis. « Veille bien sur lui, ma belle. »
Elle posa la pokeball de la louve sur la table de chevet. Elsa-Mina n’avait pas le cœur de l’arracher de sa position, elle avait besoin de compagnie et encore plus de son partenaire. L’appartement allait être bien vide ce soir. Elle salua l’homme allongé suivant le pas de Milano, avant de s’arrêter lorsque Luciano l’interpella. Elle échangea rapidement un regard avec le Conseiller qui semblait surpris et peut-être un peu vexé.
« Je te rejoins après. » lui dit-elle.
La porte se referma derrière l’ainé, laissant seuls dans la pièce, l’éternel duo et Elsa-Mina. Elle se rapprocha du lit, curieuse, s’asseyant dessus pour faire face à son beau-frère.
« Tout va bien ? » demanda-t-elle doucement.
La réponse était évidente, mais elle avait besoin de poser la question. Pour qu’il sache qu’elle s’inquiétait, qu’il comptait pour elle.
"On a beau anticiper sa mort, ça ne se passe jamais comme on l'avait imaginé. Il y a toujours un imprévu, une stratégie qui tombe à plat, un ennemi qu'on a pas repéré à temps. Quoi qu'on fasse, la fin nous surprend toujours"
Sans Milano et Kerack pour solliciter son attention, Luciano sentit son corps se détendre un peu, juste un peu, et pour la première la fatigue qui le hantait lui apparue, enfin. Qu’avait dit Milano ? Des côtes cassées et le bras en morceaux ? Luciano le croyait aisément et les innombrables douleurs – dont l’intensité variait en fonction des localisations – ne manquaient pas de confirmer les paroles de l’aîné. S’offrant un instant de répit, l’homme tenta de faire le vide dans son esprit, d’apaiser sa conscience … les informations qui venaient de lui parvenir s’emmagasinaient dangereusement, menaçaient de lui faire perdre pied. Luciano aurait aimé pouvoir trouver du réconfort à l’idée de considérer que les choses ne pouvaient pas être pires, mais l’homme n’avait pas la naïveté de croire qu’ils étaient au bout de leurs peines … bien au contraire. L’arrivée d’Elsa-Mina sur le lit happa son attention. Est-ce que tout allait bien ? Pas vraiment, mais cela pouvait assurément être pire.
« — Quel jour on est ? » lui demanda-t-il.
Combien de temps avait-il dormis ? Cette information lui échappait encore. L’obscurité relative de la pièce lui laissait croire que le jour touchait à sa fin … mais de quel jour ? Lorsque l’information lui parvint enfin, Luciano laissa quelques secondes s’écouler.
« — Les pokémons de Liam King doivent partir pour Sercena demain matin » déclara-t-il « Je compte sur toi pour veiller à ce qu’ils arrivent à bon port. J’ai promis à Cali Cobalt de les lui faire envoyer … c’est la seule chose que je puisse faire pour elle en l’état, j’aimerai ne pas y manquer »
A proprement parlé, l’intendant n’avait rien promis à la Cobalt, pourtant – comme toujours – Luciano avait à cœur de tenir ses engagements. L’intendant avait fait en sorte de faire transférer les deux pokémons du Zekrom au refuge de Da Rocha où, il le savait, Cali les retrouverait. La suite appartenait à la jeune femme, mais Luciano savait qu’il ne serait pas bien difficile pour elle de s’inscrire en tant qu’adoptante. Récupérer les compagnons de l’homme qu’elle aimait était une maigre compensation, mais c’était mieux que rien.
Par la suite, le silence gagna l’intendant. Ses yeux s’étaient posés sur la silhouette squelettique de Gare à Toi, dont le corps se soulevait avec lenteur à cadence régulière. Son impuissance à la faire aller mieux lui serrait le cœur, lui qui la voyait mourir à petit feu sans pouvoir rien y faire.
« — Je suis désolé, Mina » déclara-t-il finalement, le regard dans le vide « Je t’impose ça, tu as déjà bien assez à te soucier »
Inébranlable chêne, Luciano avait toujours été là pour elle, sans faillir. Manquer aujourd’hui au rôle qui était le sien le peinait, grignotait sa conscience. Sans cet orgueil, sans cet entêtement qui le caractérisait, sans doute n’en serait-il pas arrivé à la aujourd’hui, et ce soir la scientifique en payait les conséquences, apportant de l’eau à sa coupe déjà bien pleine. Une part de lui s’en voulait de lui imposer cette situation dont son cœur n’avait pas besoin. N’avait-elle pas déjà son lot de drame, elle qui devait vivre avec la mort d’un époux et la disparition d’un fils qui la haïssait ? Si, bien sûr que si, et Luciano ne se pardonnait pas d’en rajouter encore, toujours plus.
Elsa-Mina le laissa reprendre ses esprits. La réalité de la situation semblait l’avoir rattrapé et il subissait maintenant le contre coup de sa bravade précédente. Elle tira un peu sur la couverture pour aplatir un pli en attendant que ses yeux s’ouvrent. Peut-être qu’elle pourra ramener une couverture plus douce, elle craignait qu’il n’ait froid vu l’épaisseur des draps.
« Le 26. Tu es resté inconscient un jour entier Luciano, ne te pousse pas trop. »
L'intendant resta silencieux, elle pensait qu’il allait se rendormir mais c’était mal connaître le grand blond qui ne pouvait se reposer tant qu’il y avait des problèmes à résoudre. Le souci qui le tracassait actuellement n’était autre que Liam King. L’intendant avait probablement espéré pouvoir mériter un peu de paix après la chute de l’underground de Borao, c’était sans compter le criminel qui se pavanait dans les geôles tel un model dans un défilé. Le chef de la Team Zekrom s’était révélé à la hauteur de sa réputation. Fier et insoumis, il n’était pas prêt à se rabaisser à travailler avec l’ennemi, au grand désarroi des Viridis qui avaient espéré trouver en lui un allié de poids.
Ce qui n’avait pas aidé à faciliter la situation avait été l’arrivée impromptue de Cali Cobalt. Les révélations sur sa relation avec le criminel avaient laissé un froid que le temps n’avait su réchauffer. Un même souvenir hantait leurs souvenirs. Si elle ne l’avait pas tant aimé, elle en aurait voulu à Foldo de la narguer sous les traits de la princesse de Sercena. A la place, elle s’était résolue à mettre le nez dans ses résultats jusqu’à ce qu’un éclair de génie vienne chasser tous ses problèmes, une tare dont elle essayait de se défaire depuis des années, sans succès. Elle continuait de trouver cela mieux que de faire face aux monstres conjurés par les limbes. L’esprit était son propre ennemi.
« Personne ne t’en demande plus, tu as déjà bien assez fait. » le rassura-t-elle. « Tu peux compter sur moi. »
Elle savait que l’homme avait déjà tout arrangé et que le transfert ne serait qu’une formalité. Luciano faisait dans le détail. Elle ne l’avait jamais vu faillir sur un seul de ses engagements et ne comptait pas lui faire faux bond pour celui-là, peut importait à quel point superficiel son rôle était. Elle lui devait au moins le peu de sérénité d’esprit qu’elle pouvait lui apporter.
Il semblait être arrivé à une conclusion similaire à son sujet puisque ses prochains mots prononcés lui fendirent le cœur. Oh, Luciano… Toujours à se soucier des autres, même au détriment de sa propre santé. Il s’était positionné comme protecteur de la famille après la mort de Foldo, un fardeau qu’il était bien résigné à porter seul. Elle se rendait compte maintenant du poids qu’elle représentait pour l’homme. Comme un boulet accroché à sa cheville, il s’encombrait des états d’âmes de la scientifique qui ne laissaient pas de place aux siens.
Elle aurait souhaité pouvoir le soutenir comme il avait su le faire mais les rôles avaient été attribués et ils étaient trop empêtrés dans la pièce pour pouvoir en changer le rythme. Elle savait qu’elle abusait, qu’elle se cachait derrière lui pour ne pas avoir à faire face au monde. Éventuellement elle allait devoir prendre les choses en mains, s’assumer. Mais chaque jour était le mauvais jour et au final, elle se retrouvait trop terrifiée. Et si elle mettait tout le monde en danger par inadvertance ? Si Caldwell se servait d’elle ? Elle posa sa main sur la sienne. Se risquant à un rare contact physique.
« Je m’occupe de tout, ne t’inquiète pas. » Elle lui sourit, voulant le rassurer. « Tout va bien, je vais bien. Et j’irais encore mieux lors que tu seras sorti d’ici. Tu me promets de faire attention à toi ? »
Elle le savait incapable de rompre une promesse mais aussi suffisamment intelligent pour ne pas s’aventurer sur un chemin risqué. D’une certaine manière elle s’était résignée à vivre dans la peur. Après toutes ces années, c’était devenue une compagne, toujours pleine de bons conseils. Elle veillait sur elle d’une certaine manière. Elle serra doucement la main de Luciano.
« Je ne serais pas loin. » Elle se pencha pour déposer un baiser sur son front. « Repose-toi. On veille sur toi. »
"On a beau anticiper sa mort, ça ne se passe jamais comme on l'avait imaginé. Il y a toujours un imprévu, une stratégie qui tombe à plat, un ennemi qu'on a pas repéré à temps. Quoi qu'on fasse, la fin nous surprend toujours"
Concernant Cali Cobalt et Liam King, en avait-il vraiment assez fait ? Parfois, l’intendant en doutait. Véritable dommage collatéral, la cadette des Cobalt se trouvait dans une situation absolument inattendue qui n’était pas étrangère à Luciano, bien au contraire … lui qui avait vécu l’emprisonnement de Foldo Viridis comprenait parfaitement le ressenti de la jeune femme. A cela s’ajoutait, évidemment, la passion qu’elle éprouvait pour le Zekrom, une passion qui – là encore – ne lui était pas étrangère malgré les circonstances. Toute cette histoire le mettait dans une situation bien délicate … ses choix auraient-ils été les même s’il avait su ? Luciano n’en savait rien. Sa relation avec la fille de Lilith ne faisait pas partie des plus reluisantes – l’intendant se souvenait de la scène au refuge de Sercena et de comment ils s’étaient quittés ! – malgré cela, quand bien même les gens pouvaient-ils en douter, le puîné n’avait pas la fourberie de faire sciemment du mal aux autres, pas gratuitement. S’il se gardait bien d’en parler, Luciano vivait avec sa part de regrets, acculé par ses projets qu’il ne pouvait plus stopper.
La main d’Elsa-Mina sur la sienne lui fit manquer un battement de cœur. Avare en contact physique, Luciano s’attardait peu à laisser leurs corps se rencontrer, même fugacement ; malgré tout, l’homme y trouva un certain apaisement. Cette manie – ce défaut ! – qu’il avait d’ériger des barrières entre lui et les gens lui portait parfois préjudice et l’intendant était heureux de voir que malgré toute l’énergie qu’il y mettait, certains et plus encore certaines s’affairaient à les faire s’abaisser, bravant parfois les limites pour la juste cause.
Silencieux, Luciano laissa les paroles de la scientifique tranquilliser sa conscience un peu, juste un peu, et à son tour l’homme resserra ses doigts sur la main de celle qui, depuis longtemps, avait su se faire une place au sein de leur sa famille. Ce soir, l’intendant se satisfaisait de sa présence, lui dont les amis se comptaient aisément sur les doigts d’une seule main.
« — Merci, Mina » prononça-t-il simplement en réponse à ses mots, esquissant au passage un sourire de remerciement.
Et alors, Luciano laissa son corps s’enfoncer dans ce lit d’hôpital qui l’accueillait déjà depuis un jour entier. Au bout du lit, non loin de ses pieds l’homme pouvait sentir la présence de Gare à Toi … déjà, l’intendant craignait les répercussions que l’accident pouvait avoir sur la louve, dont le moral était déjà bien bas. Plus rapidement qu’il ne l’avait prévu, malgré les innombrables pensées qui se bousculaient dans son esprit, Luciano s’endormit finalement, victime de la fatigue mais également de la morphine qui indéniablement faisait son effet. Le puîné se savait à l’abri ici, entouré des seules personnes proches qui lui restait … Elsa-Mina ne le lui avait-elle pas promis après tout ? Plus que jamais Luciano la croyait, elle qui jadis avait perdu un être qui lui était cher, et l’intendant lui faisait confiance pour ne pas laisser l’histoire se répéter une seconde fois.