La jeune femme tend le bouquet de rose bleu et rouge à sa cliente et courbant légèrement le buste avec un élégant sourire lui assène sa phrase habituelle :
▬ Merci de votre visite et passez une bonne journée.
L’élégante jeune femme, un chapeau avec un noeud rose sur le crâne attrappe le bouquet tout sourire avant de se précipiter à l’extérieur de la boutique où l’attend un jeune homme en t-shirt avec un Salarsen imprimé dessus. Il attend sa promise et lui tend le bras pour qu’elle s’y agrippe. La jolie demoiselle l’embrasse avant de s’emprisonner dans ses bras. Voilà l’image d’un couple heureux qui se calque sur bon nombre des clients de Lorena. Après tout, souvent les fleurs sont utilisées pour faire la cour à la gente féminine (ou masculine d’ailleurs).
La gérante récupère sa Kiseru (pipe en bois de bambou) avant de se saisir prestement d’un paquet d’allumettes qui lui permet d’allumer son ustensile de détente. Pas de tabac à l’intérieur, mais un mélange de plantes qui ne risque pas d’abîmer son flair. Elle inspire la fumée qui rentre dans ses poumons et l’expire, vivant un petit moment de grâce.
Son commerce était florissant et elle ne manquait pas de clients. Le printemps et ses beaux jours avaient l’avantage de faire venir les petits couples en plus des habitués. Une aubaine que Lorena ne pouvait que saisir. Elle ne comptait plus le nombre de bouquets de rose qu’elle avait vendu depuis ce matin, ni le nombre de blessures à ses doigts hier soir lors de leur préparation. Fort heureusement elle pouvait compter sur sa bras droit de toujours, la fidèle herbizarre.
▬ Rosaura tu veux bien ajouter un peu d’eau aux Tulipes qui sont dehors ?
L’herbizarre sort de sous un banc de bois où était entreposé quelques bouquets pour aller étendre son fouet derrière le comptoir et récupérer son arrosoir en forme de carapuce. D’un puissant “herbi” son amie accepte la requête avant d’aller dehors pour ajouter un peu d’eau au seau rempli de Tulipe aux couleurs bigarré. Lorenna la remercie d’un hochement de tête avant d’expulser à nouveau un nuage de fumée.
Une silhouette apparaît dans l’encadrement de la porte de la boutique et Lorena se presse de chasser la fumée avec quelques gestes maladroits. Il est quelque peu inconvenant d’enfumer ses clients. Afin de cacher sa bévue, elle se précipite en salutation.
Tu étais entrée un peu sur un coup de tête. D’abord attirée par le doux parfum des fleurs, tu avais ensuite laissé ton cœur se faire charmer par la beauté du lieu. L’herbizarre hydratant les plantes, son petit arrosoir carapuce entre les lianes. La mélodie agréable de la brise jouant avec l’enseigne de bois. La beauté et la couleur des pétales divers et variés en formes qui formaient à eux seuls une palette rayonnante, doucement effleurée par le lumière du soleil. « Jolifleurs » . Un nom simple, parlant, délicat. Adapté à ce lieu qui, au milieu de la ville, semblait être comme une petite oasis de verdure.
Lorsque tu en passas la porte, un carillon résonna, discret, mais assez audible pour annoncer ton arrivée. Quoi que. Alors que tu t’approchais du comptoir, laissant ton regard aux nuances dorées se balader sur les différentes plantes, l’odeur légère de fumée vint te titiller les narines, jusqu’à ce qu’enfin, tu tournes la tête pour la voir. Dans son joli kimono, la propriétaire était en train de chasser ladite fumée de quelques gestes de main tout en s’approchant de toi. Polie, charmante, et surtout, encore inconsciente de votre lien précédent.
Sur ton visage, la surprise était claire et se transforma bien rapidement en une mine plus amusée qu’autre chose. Un petit sourire aux lèvres, replaçant délicatement une des longues mèches avant de ta chevelure derrière ton oreille, tu la saluas enfin.
« Bonjour ! Lorena, pas vrai ? Est-ce que ... vous me reconnaissez ? Perle Asterope, vos parents venaient souvent vendre des parfums à ma mère ! Camilla Asterope ! »
Un rire t’échappant, tu désignas d’une main une hauteur inférieure à la tienne, comme pour lui rappeler une époque qui se faisait déjà lointaine.
« Je n’était encore qu’une ado à l’époque, à peu près grande comme ça je dirais ? »
Une époque où tout te semblait plus simple, plus évident. Aujourd’hui ... tout était compliqué. Ton père en prison. Ta mère à Unys. Toi, ici, seule, tentant tant bien que mal de faire ce que tu croyais juste. Alors, ça faisait du bien de revoir une vieille connaissance ! Un souvenir plutôt doux du passé et ce, bien que leur relation avec ton paternel ne fût pas aussi délicate.
« C’est votre boutique ? J’ai été charmée par la beauté de l’endroit et je n’ai pas pu m’empêcher de venir jeter un œil ! »
Tu comptais bien sûr acheter un petit quelque chose. Tu avais besoin d’un cadeau pour apaiser la colère future d’un certain rouquin dont tu terrais le nom. Tout ça pour une petite coupure causée par un migalos ... Au moins, dans cette histoire, tu avais gagné ce superbe pansement solaroc et lunaroc qui ornait ta joue, témoin d’un superbe moment de grâce et de ... Nan, si tu te justifie comme ça, tu vas vraiment morfler. Il valait mieux que tu restes sur la stratégie du cadeau et des grands yeux de biches.
Sourire commercial sur le visage, Lorena ne s’attendait certainement pas à ce que sa cliente l’appelle directement par son prénom. Aucun badge orne sa poitrine et c’était avec un regard perplexe qu’elle regarde la jeune femme de haut en bas, essayant de deviner ou elles avaient bien pu se rencontrer. Elle n’a pas longtemps à attendre car cette dernière se présente directement.
Asterope ? C’est pas plutôt un nom de plante ça ?
Rapidement, quand Perle énonce le prénom de sa mère, tout revient rapidement en mémoire à Lorena. Camilla, la femme du champion d’arène. C’était effectivement une cliente régulière de la parfumerie et chacun sait à qui elle destinée ces Parfums de Combat. C’est même ce qui a fait la renommée du père de Perle, on le disait quasi imbattable. La fleuriste eut un petit sourire. Il faut dire que l’art de la Parfumerie Flores faisait des miracles quand on savait l’utiliser à bon escient.
▬ Oh oui je me souviens. Tu étais pas bien grande effectivement. Tu as bien grandit, tu es une femme splendide aujourd’hui.
Perle demande alors si Jolifleurs lui appartient et elle lâche un petit rire cristallin.
▬ Oui c’est ma boutique. Mais tu peux me tutoyer tu sais, quand tu venais avec ta mère à la boutique on jouait ensemble. Je ne sais pas si tu te rappel, cette petite comptine que l’on chantait toute les deux.
Lorena se revoit dans la parfumerie, son père tendant le paquet à Camilla, lui fournissant les précautions à prendre avec les nouveaux produits, elle et Perle derrière le comptoir à faire un jeu de main tout en chantonnant la fameuse comptine.
▬ Mince. C’était comment déjà ? Trois petits cha’, trois petits cha’, trois petits chacripan… Pandarbare, Pandarbare, Pandarbare, bare, bare…
Inconsciemment la jeune femme penche la tête tout en se refaisant la mélodie. Se rendant compte qu’elle a sans doute l’air un peu ridicule, elle désigne un petit banc de bois où trônait encore il y a quelques jours des vases avec des jonquilles.
▬ On peut s’asseoir un moment pour discuter si tu veux. Que tu me racontes ce que tu es devenue. Après… Après tusaisquoi, nos vies ont été un peu bouleversées. On a fermé la parfumerie, on a déménagé et on a ouvert cette boutique.
Elle avait raconté ça machinalement, se coupant quelque peu de ses émotions comme si elle annonçait des faits historiques qu’on aurait pu lire dans un livre. Elle avait survécue à tout ça, elle avait tenue la barre du navire familial et fait de son mieux en sommes.
Elle chercha un moment. Dans son regard, tu vis passer d’abord l’incompréhension, puis le doute, afin que ses iris ne s’illuminent lorsqu’enfin, elle arriva à se souvenir de toi. Enfin, au début, plutôt de ta mère. Faut dire, c’est facile de la voir sur les écrans. Une telle actrice, on la retrouve dans des grosses productions, des pubs, des magazines ... La totale quoi. Mais bien rapidement, les souvenirs de la fleuriste se recentre sur toi et vos quelques échanges, alors que tu n’étais encore qu’une petite fille, t’arrachant alors un rire plus que gêné, embarrassé, face à ce compliment. Un embarras facilement remarquable alors que ta main massait ta nuque et que tes joues se teintaient de rose.
« Vraiment ? C’est gentil ! Toi aussi tu as grandi mais tu es toujours aussi belle ... ! »
Lorena avait toujours eu dans tes souvenirs cette grâce naturelle. Des gestes doux, maîtrisés. Une voix posée. Des mots choisis avec attention. Une élégance naturelle, comme une jolie fleur s’épanouissant de toute sa grandeur sous un soleil chaleureux. Une fleur joyeuse, chaleureuse, qui se replonge dans sa propre mémoire en t’invitant à la tutoyer. Cette mémoire qui réveille en elle les paroles d’une ancienne comptine dont le rythme provoque cet adorable dandinement de sa tête. Et alors qu’elle laisse son chant s’éteindre, tu reprends la suite, avec un engouement surprenant.
« Barpau , Barpau, Barpau pau pau, Ponyta, Ponyta, Ponyta ta ta ! ~ »
Alors oui, tu t’en souviens ! C’était super populaire chez les enfants. Est-ce que ça l’est toujours ? Tu n'en as aucune idée. T’y connais vraiment pas grand-chose aux enfants. Ton truc, ça a toujours été les pokémons, même quand tu étais mioche ! Déjà toute petite, tu jouais avec l’appareil photo de ton père pour capturer toute la beauté de ces créatures dans ton objectif. Une poupée ? Non, ça t’a jamais accroché.
Mais cet instant, nostalgique et pourtant joyeux devait prendre fin. Après autant de temps, il fallait bien crever l’abcès. Parler de l’avant et de l’après. Le sujet est ... compliqué. Tu imagines bien que sa famille a été bouleversée, compte tenue de leur occupation. Toi ? Ce que tu en penses ? Oh ... Tu n’as jamais aimé les parfums de combat. Tu les trouvais trop violents. Mais ils proposaient de bons produits aussi ! Ils ne méritaient sans doute pas de voir tout leur travail être réduit à néant, du jour au lendemain. Ta mère par exemple, achetait toujours du parfum pour elle-même, se plaisant à l’idée de sentir chaque jour d’une manière différente pour envouter les cœurs. Et ça, ça ne faisait de mal à personne, pas vrai ? Mais même ça, aujourd’hui, ce n’était plus possible. Pas aussi aisément qu’avant.
Sagement, tu pris place sur le banc de bois qu’elle t’avait désigné tout en te racontant sans histoire d’un ton, si plat, si froid, qu’il te fit frissonner. C’était comme si, le temps de quelques secondes, elle était devenue une autre personne. Mais comment lui en parler ? Pas possible, surtout après des retrouvailles aussi inattendues. Ce n’était pas le moment, ni même le lieu. Hésitant une petite seconde, tu finis par te lancer, à ton tour, dans le résumé de cette pagaille totale qu’avait été l’arrivée du nouveau gouvernement aux commandes.
« Et bien tu dois le savoir mais mon père est en prison maintenant ... Je vais le voir de temps en temps. Il essaye de garder le moral mais il a pris un sacré coup au moral avec le remise en liberté catastrophique des pokemon et Dia de los muertos. Ma mère est restée à Unys, pour travailler. Et moi ... J’ai terminé mon lycée à San Camari, puis j’ai emménagé à Borao pour mes études ! Je suis étudiante en science pokémon, j’étudie le comportement des pokémon avec les autres que ce soit dans la nature ou nos villes ! C'est passionnant, et j'adore le labo où je bosse !»
Si le début était déprimant, la fin, elle, t’avait fait sourire. Assez pour montrer qu’au fond, tu arrivais à t’en sortir et ce, même si c’était parfois une sacrée galère de garder le moral.
« Je n’ai pas mon appareil photo là mais ... Je fais parfois des expositions. Tu me passes ton numéro ? Je t’enverrais les infos si tu veux ! Je serais heureuse de pouvoir te présenter mon travail. »
Sortant ton téléphone de ta poche, tu déverrouillas celui-ci, dévoilant une seconde ton fond d’écran à la florale vendeuse. Un selfie de toi, perchée sur le dos d’un joli brin de garçon, roux comme un goupix. Une image qui resta seulement brièvement pour affiche la page des contact, et ainsi, un nouveau formulaire avant que tu ne lui tendes.
« Tes parents, ça va ? Ils tiennent le coup ? »
Oh Perle. Tu ne sais pas que c’est la mauvaise question à poser, bien qu’elle soit naturelle. Et tu vas t’en vouloir, c’est certain. Mais cette situation, tu n’aurais sans doute pas réussi à l’esquiver ...
Le duo s’installe tranquillement sur le banc de bois et rapidement Rosaura vient les rejoindre après avoir accompli sa tâche. L’herbizarre demande à monter et Lorena l’aide à s’installer sur ses genoux le temps de la conversation. Tout en gratouillant la tête de son pokémon, elle écoute avec attention les propos de Perle. Il est fou de voir comme une vie peut être simplifiée en quelques phrases alors que ce sont bien des années qui sont passées en réalité. La fleuriste savait déjà beaucoup de choses, ou du moins cela allait du bon sens que le père de la petite soit derrière les barreaux. Fort heureusement le père de Lorena n’avait pas eu à passer par là, même si cela ne l’avait en rien sauvé du sort qui l’attendait.
Lorena trouve incroyable le choix d’étude de Perle. L’étude des comportements pokémon. On peut dire que c’est un point qu’elles ont toutes les deux en commun, après tout la jeune femme avait observer bon nombre de type plante pour pouvoir exercer son métier. On peut la considérer comme une entomologiste débutante en quelques sortes. Toutefois il ne lui serait jamais venu à l’idée de les prendre en photo, il faut dire que l’unique art que pratique Lorena c’est la parfumerie et l’Ikebana (l’art d’arranger les fleurs) que lui avait enseigné sa mère en rappel de son pays natale : Johto.
Forcément quand son interlocutrice lui demande d’échanger son numéro elle accepte avec plaisir en joignant les mains de contentement :
▬ Oh oui j’ai hâte de voir ton travail ! J’espère que tu prends en photo quelques pokémon plante, ce sont mes favoris tu t’en doute.
Rosaura pousse un petit grognement de contentement et Lorena reprend ses caresses avec entrain jusqu’à ce que Perle lui renvoie la balle sur ce que sont devenus ses parents. Naturellement elle stoppa son geste pour joindre ses mains devant elle et chercher ses mots tout en contemplant l’horizon.
▬ Hum… Ma mère va bien, elle a pris sa retraite et m'a laissé ma boutique. Quand à papa… Je suis désolé de te l’apprendre mais il nous a quittés. Il… n’a pas supporté cette nouvelle vie. La parfumerie à du fermé car nous nous aidions des pokémon pour nos parfums, mon père n’a connu que ça, alors une boutique de fleurs… L’idée de ma mère était toutefois excellente, ça nous a permis de payer l’amende, car oui nous avons eu une amende pour “exploitation des pokémon”. Autant te dire que la vie à été difficile.
Elle se tourne vers Perle en affichant un sourire.
▬ L’avenir s’annonce toutefois un peu plus joyeux. Jolifleurs m’apporte beaucoup de bonheur et j’en apporte un peu aux gens donc je suis contente de mon sort.
Accueil
La jeune femme tend le bouquet de rose bleu et rouge à sa cliente et courbant légèrement le buste avec un élégant sourire lui assène sa phrase habituelle : 
