Art de plaire, art de convaincre ou art d'exister Sercena ft. @Cali Cobalt
Perdue. Tout simplement perdue.
Shaye était partie à la bourre, comme d'habitude. Donc elle n'avait pas eu le temps de re-vérifier l'adresse avant de quitter la maison. La faute à son réveil qui n'a pas sonné. Enfin si, il avait sonné, mais Staz était le seul à l'avoir entendu. Et il avait eu beau secouer l'artiste, ça n'avait pas été des plus efficaces. Heureusement qu'elle avait préparé son équipement la veille, sinon elle aurait été encore plus en retard.
Elle enlevait son gant de moto, puis retirait de la poche de son pantalon son portable. Elle avait moins d'une dizaine de minutes de retard, c'était encore tolérable. Enfin, son date du jour étant une Cobalt, ça risquait peut-être de faire des histoires. Bah, tant pis. Elle n'aurait qu'à prétexter un embouteillage sur la route depuis la Isicao.
La jeune femme était descendue de son fidèle destrier à moteur, et enlevait son casque noir à oreilles. Elle en profitait pour secouer la tête avec force, ébrouant sa longue crinière bicolore, enfin libéré de sa prison en fibre de carbone. Elle fit de même avec son Raichu qui, lui aussi, avait son propre petit casque. Et pareil à elle, il s'ébroua de la tête au bout de la queue, puis étira ses petites pattes.
- Bon. Maintenant... Qu'est-ce qu'on fait.
Elle jetait un rapide coup d'oeil autour d'elle, ce qui lui suffit pour voir à quel point elle dénotait, elle, avec son look bien rebelle et sa grosse moto noire, avec le paysage épuré de la ville blanche. Si la Isicao n'avait absolument aucun secret pour Shaye, c'était loin d'être le cas pour Sercena. Elle était bien loin de son terrain de jeu habituel. Elle checkait à nouveau son portable pour relire les infos qu'on lui avait envoyé plus tôt dans la semaine.
Le projet était louable, et elle était fière d'y participer. La Famille Cobalt avait apparemment lancé un truc pour la réinsertion des gosses à problèmes. Et, histoire de faire un peu de pub, Shaye était invitée à repeindre la façade d'un bâtiment, accompagnée de la fille Cobalt. Carla? Kelly? Ah oui, Cali. Cali Cobalt. Les noms, ça a jamais été son fort. La politique non plus.
Après... Est-ce qu'ils voulaient sincèrement réinsérer les jeunes? Ou est-ce qu'ils voulaient juste se faire bien voir? Ça, Shaye n'en avait aucune idée. Mais au fond, elle s'en foutait un peu. Au pire, elle aura eu l'occasion de graffer en dehors de la Isicao, et au mieux, elle allait inspirer des jeunes à suivre un meilleur parcours qu'elle.
Bon, ça devenait vraiment ridicule. Elle se trouvait sur une place, complètement paumée, et elle se faisait dévisagée de tous les côtés. Il y avait bien eu quelques jeunes qui étaient venu lui demander un selfie, mais bon, clairement, la vieille Sercena n'était probablement pas la ville qui comptait le plus de ses fans. C'était... un peu trop "snob" autour d'elle. Elle en frissonna.
Un dernier soupir d'agacement, et elle commença à pianoter son message.
"Hey, c'est Dédale! Je suis bien arrivée à Sercena," s'excuser du retard? Non, c'est bon, pas la peine. "Par contre aucune idée d'où je suis. Je suis sur une place, y a une cathédrale à ma gauche." Lui demander de renvoyer l'adresse... hm... non. Plus simple: "Y a moyen que tu me rejoigne ici? Comme ça tu me montreras la route", ponctua d'un emoji rigole, d'un autre qui pleure, et envoyait le message.
L'un des avantages qu'il y a à appartenir à l'une des Familles fondatrices de Cinza et, dans ce cas plus particulier, à celle de Sercena, c'est tout de même que les gens ont du mal à vous dire non lorsque vous souhaitez réquisitionner un mur. Surtout lorsque, comme dans ce cas ci, c'était pour une bonne cause. Quel était donc mon nouveau cheval de bataille ? Le projet Diamond in the Rough, nommé ainsi à la fois pour faire référence à mon nom de Cobalt et à notre réputation, mais aussi pour indiquer à qui se dévouait cette fameuse initiative. C'est que, suite à ma fameuse rencontre avec un certain individu qui m'avait ouvert les yeux sur des facettes entières de la vie auxquelles j'étais restée aveugle jusque là, je m'étais intéressée plus que jamais au sort des autres et, plus particulièrement, du type d'individus qui, justement, finissaient par rejoindre une organisation telle que la Team Zekrom. Un groupe de gens qui paraissaient certes amicaux à première vue, qui offrait une appartenance à des jeunes vulnérables qui ne savaient pas où aller autrement et qui, dans un besoin de s'exprimer et de se dépenser, sombraient dans le monde des combats illégaux. Et, malgré toute l'affection que j'avais pour leur propre fondateur, ce chemin ne menait qu'à un seul endroit : la prison. J'étais bien placée pour le savoir, trop bien. Et, si je n'étais pas en mesure de changer le parcours de l'homme que j'aimais, peut-être pourrais je le faire pour les jeunes gens qu'il avait jadis pris sous son aile.
Via l'art, j'espérais offrir une porte de sortie, une alternative, à ce qui attendait ces adolescents perdus. Cela pouvait se faire via la coordination ou par une implication dans le domaine de la mode par exemple, deux domaines que je pouvais déjà très bien représenter moi-même. J'avais aussi fait des collaborations avec des artistes plus traditionnels, Cobalt oblige, et avais donc rencontré un souffleur de verre, un peintre et un musicien classique déjà. Aujourd'hui ? J'avais opté pour une approche un peu différente. C'est avec une artiste de rue que je ferais ma petite capsule découverte accompagnée d'une courte entrevue afin de publier le tout sur ma page et sur celle de l'initiative Diamond in the Rough qui offrait des bourses aux adolescents et jeunes adultes éligibles afin de les aider dans la poursuite de leur art. J'avais d'ailleurs sécurisé la participation de quelques sponsors du coin pour ne pas avoir à piocher exclusivement dans les coffres familiaux par crainte que ma mère n'approuve pas mes démarches et voilà, j'étais fin prête à réaliser cette nouvelle collaboration qui serait pour le moins originale.
Enfin, presque prête. J'avais enfilé une combinaison de peintre par dessus mes vêtements de ville ainsi que des bottes de travail (oui c'est le moment de prendre des photos et de faire des X sur vos calendriers) et tout le matériel était en place. Nous avions notre mur, pour l'instant encore vierge, et une paire de caméra, des spots lumineux au cas où et des micros, en plus d'une petite équipe réduite pour faire tourner tout ça en arrière scène et, plus tard, réaliser le montage. La seule chose qui manquait était, du coup, ma collaboratrice : l'artiste de rue connue sous le nom de Dédale. Sa présence sur les réseaux sociaux était indéniable et son art atteignait les masses qui, justement, m'intéressaient. J'avais eu beaucoup de chance qu'elle accepte mon invitation, même si du coup je commençais à taper du pied en me demandant si elle n'avait pas changé d'avis au dernier moment sans m'avertir. Ce serait quand même un soucis. Nerveuse, je sortis mon téléphone portable pour la contacter lorsque, justement... Ah ! Elle était juste perdue ! Ouf. Heureusement que l'équipe technique avait encore de quoi faire du coup je me sentie moins mal de les abandonner quelques instants après avoir envoyé un petit omw à l'artiste en réponse à ses emojis de la détresse.
« Je vous laisse finir de tout mettre en place, je dois aller chercher notre invitée d'honneur ! »
Surtout que j'ai l'avantage de connaître Sercena comme ma poche, y ayant passé toute ma vie et même plus, d'une certaine façon. Mes ancêtres ont construit cette ville et, comme des murmures, leurs voix et leurs souvenirs me guident le long des trottoirs. Enfin, ça et ma mignonne givrali, Hel, qui s'amuse en gambadant avec moi. Heureusement pour moi et mes petites jambes, je connais justement un raccourci et, profitant de la lumière du milieu de journée, me permet de piquer par quelques ruelles malgré que ce soit franchement contre indiqué pour une personnalité publique telle que moi. Au final, et grâce à mon pas de course de danseuse classique, il me faut un peu plus de cinq minutes à peine pour finalement découvrir la jeune femme qui, ma foi, détone pas mal dans le décor. Pas de doute possible, j'ai trouvé Dédale. J'arrive en lui envoyant la main, me faisant au passage remarquer par les passants qui commencent à discuter entre eux et à prendre des clichés sur leur téléphone, se demandant ce que je suis en train de tramer et, évidemment, si ça a un lien quelconque avec mes récentes fiançailles.
« Mademoiselle Dédale ? Je suis Cali Cobalt, enchantée. »
Mon regard bleuté ne peut s'empêcher de couler vers la moto avec une certaine fascination. C'est sans doute la première fois que j'en vois une d'aussi près. J'en suis si captivée que je remarque à peine le Raichu que ma demoiselle glacée, elle, salue d'un petit glapissement amical.
« Je me disais qu'on pourrait commencer par peinturer le mur et qu'après on pourrait s'asseoir ensemble devant le produit fini pour la portion entrevue de la capsule vidéo ? Ce n'est pas très loin d'ailleurs, vous y étiez presque. Par contre... Pour le retour jusqu'au lieu de tournage... Vous croyez qu'il y a assez de place pour moi aussi ? »
Et je ne demande pas juste parce que j'ai envie de faire un tour ! Enfin, non, je n'ai pas envie du tout, voyons. C'est dangereux les motos et je suis une fille de bonne famille alors ce ne serait pas très correct. Surtout que, mine de rien, si je devais faire de la moto pour la première fois... Oui, bon, ça ne peut pas être avec lui. Rien ne sera plus jamais avec lui. Mais ce n'est pas ce qui compte là tout de suite. La vérité c'est que des gens un peu trop curieux, et un peu trop fan de la princesse de Sercena, sont en train de ramasser leur courage pour venir me demander de poser en photo avec eux et/ou pour me poser des questions sur mon accoutrement et mes projets. Et ça c'est quand ils ne pèsent pas le pour et le contre de venir me féliciter de très près pour mes fiançailles arrangées qui est, au yeux du grand public, l'événement le plus romantique que Cinza a vu passer ces dernières années.
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Elle n'a pas eu besoin d'attendre longtemps avant d'avoir une réponse. Cool. Parfait.
Il ne lui restait plus qu'à attendre. Avec un peu de bol, Shaye n'était pas partie complètement à l'opposé de sa destination de base. Elle s'étirait, et fit quelques pas autour de son bolide. Staz la regardait faire, avant de décider de s'affaler sur l'assise de la moto. Ils n'étaient pas garés depuis longtemps, mais le cuir du siège avait déjà grandement absorbé la chaleur du soleil. Le Raichu était aux anges, à somnoler sur un lit douillet et bien chaud.
L'artiste jetait un oeil attendri à son petit compagnon. Cela faisait quelques temps qu'il semblait enfin se détendre en extérieur, à moins se braquer à chaque regard qu'il pouvait croiser, à attaquer à chaque bruit suspect. Elle s'était approchée de lui en lui chuchotant quelques paroles: elle avait remarqué qu'il était moins anxieux quand elle prévenait verbalement de sa présence. Elle grattait sa petite tête orangée, glissant les doigts entre ses grandes oreilles pointues. Il grognait. Quelqu'un d'autre se serait arrêté, se serait éloigné, de peur de représailles. Mais Shaye, elle, elle savait. Elle savait qu'à cet instant, Staz était à l'aise, et que ses bruits étaient équivalents aux ronronnements d'un Miaouss.
D'une oreille distraite, elle écoutait les messes-basses des gens aux alentours. Si elle était en premier lieu le sujet principal des conversations, leur intérêt avait rapidement dévié sur la famille Cobalt, et les commérages qui les entouraient. Shaye n'avait pas tout suivi: il y avait une histoire de noces, des rumeurs, des théories. Ce que ça devait être fatiguant, de vivre dans ce genre de climat. Une situation à laquelle toute personne aussi riche qu'elle soit ne pourrait esquiver. Ou peut-être qu'ils aimaient ça, aucune idée.
Un mouvement vint tirer la jeune femme de ses pensées. Une demoiselle aux cheveux blancs, vêtue d'une combinaison de peintre, l'approchait. Une combinaison? Vraiment? Shaye ne put s'empêcher de sourire, amusée. Elle qui n'avait pas peur de se tâcher, il était absurde pour elle de porter ce genre d'équipement. En fait, elle faisait le contraire: ses vêtements étaient neufs, ou peu usés, mais surtout absolument pas adaptés à une activité manuelle. Elle avait l'avantage de l'habitude, et du manque total d'inquiétude quant à un peu de peinture sur ses fringues.
- Enchantée, répondit-elle dans un léger rire.
L'attention déjà trop focalisée sur elle était devenue encore plus envahissante au fur et à mesure que la Cobalt approchait. Les murmures prenaient de l'importance, jusqu'à devenir de vrais conversations de vive-voix, qui réveillaient le pauvre Staz. Lorsqu'il remarquait la présence de l'inconnue et de sa Givrali, il se redressa d'un bon sur ses pattes, et grondait de toute ses forces. C'était un cauchemar. Oh, ce qu'elle aurait donné pour grimper tout en haut de cette cathédrale et profiter du silence... Pas maintenant.
- Faites pas attention à lui, il grogne mais il mord pas. Enfin, pas toujours.
De la place sur sa moto? L'artiste riait de bon coeur. Bien sûr qu'il y avait de la place. Par contre, il fallait l'avouer, elle n'imaginait absolument pas Demoiselle Cobalt être intéressée. C'était le genre de personne que Shaye aurait imaginé voir débarqué à bord d'un carosse tiré par des Galopas, un truc du style. C'était une bonne surprise, cela-dit.
- Ouai, c'est jouable, pas de soucis!
La blonde approchait de Staz, toujours paralysé dans sa démonstration de courage. Sans qu'il ne quitte la Givrali de son regard noir, Shaye l'avait déplacé sur le réservoir de la moto, afin de libérer l'accès au coffre dissimulé sous le siège. Elle en extirpait un casque, beaucoup plus épuré que le sien, mais tout aussi sûr. Puis, tout au fond du coffre, elle y attrapait une sacoche soigneusement pliée pour prendre le moins de place possible. Elle se plaçait ensuite sur le côté du bolide, et dépliait d'équipement. C'était une sacoche de transport amovible, dans laquelle elle transportait Staz quand il n'avait pas encore son propre casque. Une fois bien fixée à l'arrière du siège, elle revenait vers sa collègue du jour, lui tendant la protection de tête.
- Tiens, mets ça. Par contre, j'en ai pas en rab' pour ton Givrali, elle peut aller dans la sacoche. C'est plus safe. D'un bond, Shaye montait sur sa moto. Allez, en avant, princesse!
Oui, elle la tutoyait. Comme elle tutoit l'intégralité du monde, en fait. Les honorifiques, les vouvoiements, c'était chiant. Bref, il était temps d'y aller. D'une main, elle ramenait Staz contre elle pour lui remettre son petit casque. Il se blotissait contre elle, elle pouvait sentir tout son corps vibrer à cause de ses grognements. De sa main libre, elle mettait le contact, et tournait une fois ou deux la poignée d'accélérateur. Le son du moteur vint couvrir la moindre parole encore audible de la foule de curieux qui s'amassait toujours un peu plus. Le vrombissement ricochait contre les murs de pierre, réveillant les zones de l'ancienne cité encore endormies. On l'avait probablement entendu dans tout Sercena.
Histoire que tu sois pas bloquée à juste avoir Cali qui répond à Shaye, hésite pas à raconter leur trajet jusqu'au mur, même si techniquement c'est Shaye qui conduit! De toute façon elle est tellement paumée dans l'immédiat qu'elle va suivre bien gentiment les indications de Cali, donc voilà x) (d'ailleurs, petit détail, mais Shaye roule... vite. xDDD)
C'est un peu tardivement, je l'admets, que je remarque la souris électrique qui semble tout sauf enjouée de faire notre rencontre. Ce n'est pas la première fois que je rencontre un Pokémon méfiant et, par conséquent, c'est naturellement que mon empathie prend le dessus alors que je me dis qu'il doit être apeuré ou avoir vécu de mauvaises choses en lien avec des étrangers. Depuis la Nova Existência c'est, malheureusement, monnaie courante de croiser des Pokémons qui ont vécu plus que leur part de trauma. Peut-être que le Raichu faisait partie du lot, question trop sensible pour que je me risque à la formuler de vive voix. Au moins, selon sa dresseuse, il ne mordait pas. Je m'armai donc de mon sourire le plus doux, espérant au moins l'apaiser un tout petit peu.
« Ravie de te rencontrer aussi. Tu as vraiment une jolie couleur, tu sais ? Et promis je ne mords pas non plus. »
Comme ça, peut-être, il pourra avoir une petite idée de ma voix, de mon timbre calme qui se veut plaisant. C'est un début pour apprendre à me connaître. Enfin, je ne suis pas non plus là pour l'apprivoiser et nous avons un horaire à tenir. C'était un réel soulagement, d'ailleurs, d'apprendre que le retour pouvait effectivement être fait à deux sur sa moto. Enfin, dans la théorie ce l'était. Dans la pratique... Je la regardais préparer son bolide avec une curiosité inquiète, repensant soudainement à l'intégralité de mes choix de vie m'ayant menée à ce moment précis et me demandant si ça valait la peine de finir mes jours à l'arrière d'un destrier de métal lancé à toute vitesse sur la route. Avant que je n'ai terminé, cependant, Hel a déjà, pour sa part, trouvé sa réponse. C'est avec joie qu'elle saute dans la sacoche, impatiente de faire de la vitesse. Je ne l'aurais pas crue comme ça tiens. Remarque qui aurait cru que Cali Cobalt allait s'asseoir à l'arrière d'une moto de son plein gré ?
En avant, princesse ! Certaines choses ne changent pas en tout cas puisque mon surnom habituel trouve son chemin jusqu'aux lèvres de tous les inconnus que je croise. Enfin, ce n'est pas trop le moment d'y réfléchir puisque le moteur vrombit et que j'ai à peine le temps de m'accrocher à Dédale comme si ma vie en dépendait. Enfin, elle en dépend probablement alors autant bien me tenir quand même. Vous imaginez les journaux ? La princesse de Sercena décède d'une balade à moto ! Non, pas possible. Si ça se rend jusqu'à lui... Allez, c'est pas comme si ça allait arriver, pas vrai ? Je suis certaine que l'artiste est une conductrice prudente et expérimentée et... et...
« Kyaaaa ! »
C'est sortit tout seul, j'avoue. Un virage un peu trop rapide, une petite peur bleue alors que, cette fois, j'ai passé les bras autour de la conductrice et que je me suis plaquée contre son dos. Je crois bien que j'ai commencé à trembler aussi. Heureusement qu'il y a une visière pour me protéger du vent parce que sinon je crois bien que j'aurais fermé les yeux sur tout le trajet. Ça aurait été dommage, mine de rien, parce que pour le coup c'est assez inédit de voir la Somptueuse défiler aussi rapidement. Je jette un coup d'oeil par-dessus mon épaule et constate que ma givrali, au moins, semble y prendre beaucoup de plaisir. Ses longues oreilles claquent dans le vent et son petit visage pointu brille de joie. Heh, comme quoi. Ça m'aide à retrouver de ma contenance et à me concentrer sur mon job : guider Dédale jusqu'au lieu de tournage.
Une fois arrivés à destination, quelques uns des techniciens s'approchent avec admiration de notre quatuor sur deux roues. Sont-ils là pour saluer la peintre ? Non, on dirait juste qu'on a des connaisseurs de moto dans le lot et qu'ils sont bien contents de voir débarquer un tel modèle ici. Pour ma part je m'empresse de quitter le siège, mon petit corps encore plein d'adrénaline alors que je retire le casque, fébrile.
« C'était terrifiant ! Et beaucoup trop rapide ! Et si un écolier avait traversé la rue on lui aurait foncé dedans !! »
Reproches qui seraient sans doute un peu plus crédibles si mes yeux n'étaient pas pleins d'étoiles et que je ne devais pas étouffer mon envie de sourire telle la gamine qu'il m'arrivait d'être parfois, rarement. Dans les moments où je croisais un rebelle aux cheveux colorés qui soit désireux de me faire quitter ma zone de confort de petite princesse par exemple.
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Oui, bon, d'accord. Shaye avait fait exprès de démarrer en trombe. Mais c'était pas sa faute, c'était vraiment trop tentant. Tout ce que la précieuse demoiselle avait eu le temps de faire, c'était laisser échapper un petit cri avant de se jeter sans retenue aucune sur le dos de la pilote. Et puis, elle avait été gentille: de tout le trajet, elle n'avait pas lâché le guidon, ce qu'elle faisait d'habitude.
Elle n'avait pas vraiment eu le temps d'observer le paysage, vu la vitesse à laquelle elle traversait Sercena. Elle n'avait vraiment discerné que des murs blancs, entourés d'autres murs blancs. Tout était si insipide, ici. Si elle avait eu l'occasion, l'artiste aurait bien donné un petit coup de couleur à la cité. Pendant un instant, elle essayait d'imaginer ce que sa vie aurait pu être si elle avait vécu ici. Au secours. C'est ce qu'elle pensa immédiatement. C'était presque anxiogène. La ville était pareille à une chambre capitonnée. Capitonnée de pierre de luxe, certes.
Comme indiqué par Cali, le trajet n'avait pas été bien long. Puis, il a été considérablement écourté par le total mépris du code de la route dont Shaye a fait preuve. Elle controlait son engin, savait comment passer rapidement mais sûrement. Et puis, à la réaction qu'avait eu la princesse aux cheveux blancs, elle n'avait probablement pas l'habitude d'un tel transport, alors autant en profiter, non?
Tandis que la petite troupe arrivait à régime réduit, toute une équipe qui préparait du matériel se tournait vers elles. Cali avait bondi du siège passager. Elle reprochait, à raison, sa conduite à Shaye, mais elle ne dupait absolument pas cette dernière. Elle reconnaissait ce petit grin d'excitation dans la voix, cette petite étincelle dans les yeux. L'artiste riait fort sous son casque, qu'elle retirait d'un geste précis et rapide. Descendant de sa monture de métal, elle s'approchait de sa comparse, plaçant amicalement la main sur son épaule.
- Promis, je te laisserai la conduire. Elle se tournait vers les quelques fans de motos qui s'étaient approchés. Ducati Panigale V4, custom. 4 cylindres, 1100 chevaux. Elle aimait vanter les capacités de la bête, et fermer leur clapet aux plus machos des fans de bécanes. Ils essayaient toujours de se faire passer pour des connaisseurs avec elle. On touche avec les yeux. Et de loin.
Certains d'entre eux étaient un brin trop téméraires, et furent rapidement éloignés par Staz. Ce dernier était tendu au possible, sa courte fourrure ébouriffée et ses joues crépitantes. Ils étaient surpris par l'animosité du Raichu, et vinrent chercher des réponses dans le regard de Shaye. Ce sur quoi ils tombaient, c'était une mine sarcastique. Elle haussait juste les épaules, comme un "je vous avais prévenu" gestuel.
Allez, c'était pas tout ça, mais Shaye n'était pas venu pour un rassemblement moto. Elel découvrait le lieu où elle allait bosser: des caméras, des spots, une équipe de tournage... un vrai décor de cinéma. C'était un peu beaucoup, non? La blonde se sentait presque à l'étroit, dans cette rue pourtant bien large. Elle avait bien déjà peint devant un public, ce n'était pas un problème. Mais son art était du "vandalisme", aux yeux de la loi. Elle avait du mal à se faire à l'idée. Tu fais ça pour les jeunes. Elle gardait ça en tête.
- On commence par quoi, demandait joyeusement la street artiste.
Promis, je te laisserai la conduire. J'ai même pas le permis de base, parce que j'ai genre quinze mille chauffeurs, et pourtant elle serait prête à me faire conduire sa moto ? Trop bieeeen ! Ahem. Non. Je veux dire :
« Très peu pour moi. Elle est jolie, mais même en me payant on ne pourrait pas me faire remonter dessus ! Sans compter que je serais un danger public, tant pour les piétons que pour ta moto. »
Parce qu'au fond je m'en voudrais profondément d'abimer sa monture et ce même si j'ai largement les moyens de couvrir les réparations. C'est une question de principe voilà. Surtout que je sais que cette moto doit lui tenir à coeur. Pourquoi ? Aucun lien avec la marque ou avec les spécificités de l'engin, je n'y connais rien alors ça ne m'indique rien en terme de valeur. Non, c'est ce qu'elle dit ensuite. On touche avec les yeux. La dernière fois que j'ai entendu cette expression, c'est de moi qu'on parlait. Le joli petit Pachirisu tout gêné que l'on avait présenté, sous le couvert d'un masque et d'une casquette, à un groupe de membres de la Team Zekrom, dans l'Underground de Sercena. Même si je viens à peine de la rencontrer, je n'arrive pas à arrêter de faire des parallèles. À la regarder sans le voir lui. Elle pourrait pratiquement être sa soeur, même si ce n'est que spirituellement. Cette pensée me met à l'aise et, malgré moi, j'ai envie de lui faire confiance, de me détendre et de prendre pour acquis que l'on va bien s'amuser aujourd'hui. Ainsi, lorsqu'elle me demande la suite du programme, je n'ai pas de mal à prendre les devants et à guider notre rencontre sans craindre d'en faire trop ou, au contraire, trop peu.
« Bonne question ! J'avais prévu commencer par l'introduction, histoire que ce soit plus naturel. En place tout le monde ! »
La dernière annonce est surtout à l'endroit des techniciens qui, à regrets, abandonnent leur admiration de la Ducati pour mieux aller se placer derrière leur caméra, tige de son et autre matériel de tournage. Je m'assure pour ma part une dernière fois que ma combinaison de peintre tombe bien sur moi, replace mes cheveux et fais signe à mon invitée du jour de venir me rejoindre devant notre future surface de travail. Il y a, devant nous, sur une table, une caisse de bombes de peinture flambant neuves et le matériel nécessaire à l'élaboration de pochoirs. J'ignore si on s'en servira, n'étant pas familière avec les techniques de travail de Dédale, mais j'ai préféré prévenir plutôt que guérir. Pendant que l'équipe termine de se préparer, je m'adresse à la jeune femme à la chevelure bicolore pour lui partager quelques instructions.
« Alors pour cette partie tu n'as pas besoin de faire grande chose. Fais juste être présente et naturelle, pas besoin d'en faire des tonnes, sinon les gens vont trouver ça cringe, surtout que notre public cible ce sont quand même les jeunes. Je vais commencer par présenter l'initiative pour la mise en contexte de la vidéo et ensuite je te demanderai de te présenter. Tu as simplement besoin de dire ton nom, ton occupation et tu peux aussi dire depuis combien de temps tu peinture par exemple, des petites informations comme ça. On partagera tes informations de contact dans la fin de vidéo, donc pas besoin de les mentionner maintenant. Mais ne t'inquiète pas, elles seront à l'écran pendant ton introduction aussi. Ensuite je vais te demander ce qu'on fait aujourd'hui et tu pourras me dire, dans tes mots, le programme de la vidéo : tu vas d'abord m'aider à réaliser mon propre graffiti et ensuite tu vas en faire un aussi, pour montrer ce qu'un pro sait faire. Des questions ? »
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Cali essayait de contenir son enthousiasme, mais au fond, Shaye savait bien qu'elle aurait voulu la conduire, sa moto. La précieuse devait juste faire semblant devant l'équipe de tournage. Bon allez, pour cette fois, l'artiste la suivrait dans ce vilain mensonge. Elle commençait à bien l'apprécier.
Lorsqu'il était question de prendre les commandes, la Cobalt semblait totalement dans son élément. La blonde laissait alors ce petit bout de femme prendre les rênes pour ce qui allait suivre. Elle fait alors l'étalage de matériel tout neuf. Elle pouvait à leur odeur, ou plutôt à leur manque d'odeur, reconnaitre la marque de ces bombes de peinture sans aucun mal. Une marque chère, trop chère, pour les gens qui veulent tagger mais qui ne veulent pas des inconvénients de ce medium. Ah, il est bien loin le temps où on s'étouffait à cause des vapeurs, et où on pouvait se retrouver peint de la tête au pied parce que la bombe nous avait pêté entre les doigts.
Ensuite, il y a eu beaucoup d'infos à la suite. Shaye avait bien sûr religieusement écouté. Non, pas vraiment, en fait. Mais elle avait compris les grandes lignes. C'était un peu bizarre pour elle de juste ne pas spontanément sauter sur ce mur pour le débarrasser de son horrible vide, mais non, d'abord elle devait se présenter. Et par Arceus, ce que ça pouvait la dérouter.
- Aucune question, je pense.
Oh non, ça y est, ça allait commencer. L'artiste se frottait les mains, incapable de penser à une pose naturelle. Une pose naturelle? Pourquoi elle avait besoin d'y penser? Ah oui, parce que le stress la faisait en ce moment-même se tenir aussi droite et immobile qu'un simularbre. En fait non, un simularbre aurait eu l'air plus détendu.
Elle se sentait complètement débile, à paniquer pour rien. C'était qu'une vidéo, elle en avait déjà fait des centaines pour son Instagram. Vidéos qui étaient vus par des centaines de personnes, sinon des milliers. Sauf que quand elle faisait ses lives, ou ses stories, elle était seule face à son téléphone. Elle n'avait pas un groupe qui la fixait en attendant qu'elle finisse sa réplique.
Allez. Elle respirait profondément, aussi discrètement possible pour ne pas aussi avoir l'air stupide aux yeux de Cali, puis elle s'adossait contre le mur encore vierge. Vivement que cette toile soit recouverte de couleurs et de motifs, les pauvres petits yeux de Shaye commençaient à fatiguer avec tout ce blanc.
Elle ne l'avait même pas remarqué, mais Staz était venu à ses côtés. Et, lassé de passer inaperçu, il venait de sauter contre le mur, y prit appui pour un deuxième saut, et attérit dans les bras de Shaye. Elle eut un court éclat de rire, avant de l'aider à grimper sur elle. Fallait qu'elle se reprenne, au lieu de bêtement stresser pour rien, comme un gamin qui doit passer un oral. Elle se redressa dans une posture plus confiante: les pieds bien ancrés au sol, les bras croisés, et son adorable bête sauvage sur l'épaule.
J'avoue que j'en ai peut-être fait, et surtout dit, beaucoup. Et donc, lorsqu'elle me dit n'avoir aucune question, j'admets être sceptique pendant un court instant. A-t-elle vraiment comprit ou est-elle l'une de ces personnes fières qui préfèrent prétendre que c'est le cas et improviser au fur et à mesure ? Au fond est-ce que ça compte vraiment ? Nous ne sommes pas en direct de toute façon alors, s'il y a un vrai soucis, on fait une nouvelle prise et hop. Ça va le faire. Surtout que, entre temps, la souris électrique a fait son retour en solidarité avec sa dresseuse et que son arrivée semble détendre cette dernière. Je ne peux retenir un sourire attendrit par la scène, y reconnaissant là ma propre personne avec mes compagnons. Ça va aller, c'est obligé. Puis la bicolore me dit qu'on peut y aller. Je me tourne vers les techniciens. J'ai droit à un pouce levé, tout est prêt. C'est quand je veux. Je lui retourne donc son signal et...
« Trois, deux... »
Un. On tourne.
« Bienvenue dans une nouvelle capsule artistique avec moi, Cali Cobalt, pour l'initiative Diamond in the Rough. Aujourd'hui, nous faisons la découverte d'une forme d'art qui est à la fois dynamique, engagée et souvent victime de nombreux préjugés que nous essaierons de combattre en vous montrant le potentiel réel de l'art de la rue. Et, pour ça, j'ai avec moi une invitée très spéciale. »
J'ai dit tout ça avec mon sourire le plus commercial, parlant avec les mains pour bien montrer, au passage, ma bague de fiançailles. Est-il utile de rappeler que je baigne dans cet univers depuis ma plus tendre enfance ? Probablement pas puisque c'est avec aisance, aussi naturellement que je respire, que je me tourne vers Dédale avec un sourire encourageant. C'est son tour. Voyons voir si elle a vraiment comprit et, surtout, comment elle se débrouille. J'ai confiance quand même, j'ai regardé quelques uns de ses lives en préparation du tournage, mais en personne ce n'est jamais vraiment pareil. Puis c'est facile les directs, il n'y a que soit et la caméra. Ici, disons qu'on a mit le chéquier à l'ouvrage pour avoir une production de qualité professionnelle qui devra donc se passer des charmes du petit budget.
Art de plaire, art de convaincre ou art d'exister Sercena ft. @Cali Cobalt
Contrairement à elle, Cali ne montrait absolument aucun stress devant les caméras. Elle était à l'aise, c'était peu de le dire. C'était peut-être un avantage de faire partie des Familles. L'attention permanente, ça doit forger le caractère.
C'était au tour de Shaye de prendre la parole. Elle maintenait sa posture confiante, son Raichu fièrement perché sur son épaule. Elle avait discrètement préparé sa gorge pour pour pouvoir parler d'une voix claire du premier coup. Même si ce n'était pas du direct, hors de question de refaire une prise.
- Salut, je suis Shaye Omore, vous me connaissez sûrement sous le nom de Dédale. Je suis street artiste, et je partage mes oeuvres sur les réseaux sociaux. J'avais un background compliqué en grandissant, et j'avais besoin d'extérioriser ce que j'avais en moi: du coup, je me suis mise à graffer. C'était il y a 7 ans environ.
Et puis, elle s'était aussi lancée dans des activités en rapport avec l'underground, elle avait fait de la détention... Ouai, peut-être pas besoin de raconter tout ça, ça risquait d'être contre-productif. Si elle n'était pas mécontente de son mode de vie, elle ne voulait pas qu'un gamin la prenne pour exemple.
La pression était presque complètement retombée. La blonde arrivait relativement bien à faire abstraction de l'équipe de tournage, et elle avait réussi à parler sans bafouiller. Le plus dur était fait. Maintenant, présenter le programme. D'abord le graf' de Cali, ensuite le sien.
En bon petit assistant qu'il était, Staz avait sauté de son épaule pour se rapprocher de la table où les outils étaient posés. Il attrapait deux bombes de peinture au hasard, qu'il transportait fièrement dans ses petits bras. Avec une démarche proche de petits bonds, il revint aux pieds de Shaye. Elle récupérait les objets et remerciait d'un hochement le Raichu.
- Je vais d'abord commencer par donner un petit cours à Miss Cobalt, et ensuite, je ferai ma propre masterpiece. Pour ceux qui me suivent sur Insta, vous avez pu voir la liste de mes idées: vous verrez laquelle j'ai choisi, dit-elle en faisant un clin d'oeil complice.
Shaye était en train de se laisser prendre au jeu. Elle était plus détendue, plus spontanée. Le type derrière la caméra signalait à son équipe la fin du plan. Intro terminée, normalement tout était en ordre. Ouf. C'était surtout l'excitation d'enfin commencer à peindre qui l'animait. Elle jonglait gentiment avec les bombes qu'elle avait déjà en main.
- Prête à graffer?
C'était imminent. Elles allaient enfin quitter le monde des médias pour celui de l'art. Son monde.
Maintenant que la glace avait été brisée, Shaye se débrouillait plutôt bien. Comme indiqué elle inclut les informations importantes et je suis contente de voir que son Pokémon se déride. Il récupère des bombes de peinture et, pour le coup, semble être devenu beaucoup plus à l'aise qu'il ne l'était lors de notre rencontre initiale. Je suis certaine que ça va bien rendre à la caméra et, flairant l'opportunité, Hel l'a rejoint sur la table pour le regarder faire avec curiosité et, par conséquent, s'incruster dans le plan. J'apprends d'ailleurs sur le tas que l'artiste a déjà fait un peu de promotion pour notre collaboration sur ses propres plateformes, auprès de ses followers. Mon sourire n'en est que plus satisfait maintenant que je suis certaine d'avoir approché la bonne personne pour m'aider à promouvoir mon plus récent projet.
L'introduction était terminée et, au signe du caméraman, mon invitée semble assez détendue pour commencer à jongler. Je la regarde faire avec un certain mélange d'admiration et de crainte, n'ayant vraiment pas envie d'assister à une gaffe qui pourrait salir tout notre lieu de tournage. Mais, en même temps, elle est si enthousiaste, semble si confiante dans ce qu'elle fait. C'est difficile de ne pas la suivre, de ne pas être contaminée par son entrain naissant. Alors je décide de me la jouer un peu subtilement, parce que je me doute que ce sera mieux que de la ramener à un décompte. Suis-je prête à graffer ?
« Tout à fait ! J'avais dans l'idée de réaliser un graffiti d'Hel, ma givrali. Explique moi un peu comment ça fonctionne. On a prévu du matériel pour préparer des pochoirs, mais je ne sais pas si tu travailles avec ça du coup et si c'est recommandé pour les débutants ? Puis j'imagine qu'il est important de bien planifier l'ordre dans lequel on applique les couleurs ? »
Je dis cette dernière partie en me basant sur une autre capsule que j'ai tournée avec un peintre classique. Il m'avait apprit à partir du fond et à se rapprocher peu à peu, un élément à la fois. J'estimais donc que ce devait être la même chose ou, à défaut, à peu près similaire. Puis j'espérais que d'entrer directement dans le vif de sa profession suffirait à dissiper le peu de nervosité qu'il lui restait. C'est pour ça que j'avais enchaîné sans attendre, sachant que les caméramans comprendraient et qu'ils continueraient à tout tourner sans s'arrêter. Le reste pourrait être fait lors du montage de toute façon. Là, ce qui importait, c'était que tout se passe bien pour avoir du matériel intéressant à présenter à nos spectateurs et, surtout, donner envie aux jeunes dans le besoin de s'inscrire pour recevoir l'une de nos bourses.
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Shaye était restée silencieuse un petit moment, observant le mur blanc comme si elle essayait de discerner le motif que venait de lui proposer Cali. Elle penchait la tête à gauche, puis à droite. Sa pièce ne serait pas la seule à orner le mur, et il était hors-de-question d'avoir le motif de la demoiselle simplement juxtaposé à celui de la street artiste. Non, il fallait qu'ils fusionnent... Au centre, tout simplement. C'était là que ça rendrait le mieux. Et Shaye n'aurait qu'à rajouter le reste autour, peut-être faire un fond, tiens. Ouai, ça pouvait marcher.
- En fait, les pochoirs, c'est pas forcément un truc de débutant en soit, ça dépend du style que tu veux donner à ta pièce en fait. Après oui, c'est quand même plus simple que le free-hand, ajouta-t-elle en souriant.
Shaye graffait depuis plusieurs années, et même elle, parfois, se retrouvait avec des traits qui n'étaient pas exactement aussi propre qu'elle aurait voulu. La peinture est un domaine exigent, chaque geste compte. Et quand la toile est un mur à plusieurs dizaines de mètres de haut, qu'on a grimpé là illégalement pour peindre avec une vieille bombe bon marché, et que tout doit être fini avant que la cavalerie arrive, on peut s'attendre à quelques bavures. Bavures que Dédale attribuait fièrement à son style: "si si, les grosses coulures, là, c'était prévu."
Là, c'était différent. Elle avait tout son temps, enfin plus ou moins. La Cobalt n'allait pas apprendre à graffer à main levé en un après-midi, donc les pochoirs, c'était une bonne idée. Les pochoirs étaient de bonne taille, tant mieux, ça aurait été dommage de devoir les refaire faire, si c'était ne serait-ce que possible. Il y avait aussi quelques pochoirs en rab, de forme plus primaires: des cercles, des carrés, des triangles. Shaye en attrapait un au hasard.
- Pour commencer, il faut que t'aie le feeling avec la bombe. L'inclinaison, la force de pression, la distance avec le mur, tout ça, ça va influer. Tu risque d'avoir des éclaboussures et des coulures: c'est normal. Tu peux t'entrainer avec un petit pochoir d'abord, histoire d'avoir une idée du rendu, et après quand tu seras à l'aise, on pourra passer au vrai morceau.
Elle avait tendu le pochoir et une des bombes avec lesquelles elle avait jonglé un peu plus tôt; elle avait été suffisamment remuée. Elle fit ensuite un pas en arrière, histoire de laisser Cali maître de sa toile. La graffeuse pro était curieuse de voir comment la demoiselle de bonne famille allait s'en sortir. C'était très drôle de voir une digne jeune femme toute en élégance se lancer dans un truc aussi sauvage que le graffiti. Peut-être qu'elle en profiterait pour cracher toute sa rébellion sur le mur?
- Et pour te répondre, tu peux penser aux couleurs comme avec la peinture sur toile. Mais pour le coup, cette marque-là, ajouta-elle en montrant du doigt la bombe qu'elle avait encore en main, c'est du complètement opaque. La transparence, tu la fait avec un jeu de dégradé plus qu'avec la superpo'. Par contre, ça veut dire que tu peux facilement couvrir les ratés.
Une démo vaut mieux que mille mots: Shaye appuyait d'un coup sur sa bombe, marquant le bord du mur d'un trait rose - c'était du rose qu'elle avait dans la main, tiens, comme quoi. Staz s'était approché de la table avec les autres bombes à la recherche de peinture blanche. Il ne manqua pas de grogner vers elle, plus par habitude que par réelle menace. Il ramenait ensuite fièrement la bombe à sa dresseuse, qui après l'avoir secoué, avait couvert du même geste rapide son trait. On ne voyait que la brillance de la peinture blanche dénoter avec le mur mat, plus une touche de rose.
- Une fois sec, ça se verra plus du tout. Donc t'inquiète, si quelque chose te plait pas - couleur, motif, placement - tu peux juste reprendre du blanc et "effacer". Ça vaudra aussi pour ce que je vais graffer, moi: je serais pas vexée, promis, un rire accompagnant ces mots. Dès que tu te sens prête, passe au "vrai" pochoir. Et si t'as une question, hésite pas, je suis là pour ça.
Mes quelques questions posées, Shaye se change devant moi en véritable enseignante qui me partage nombre d'informations importantes en un très court laps de temps. Heureusement pour notre duo, j'ai l'habitude de ce type d'apprentissage où l'on me demande de performer sur le tas en me basant sur les instructions reçues. Il n'y a ici pour moi rien de fondamentalement différent avec mes innombrables cours particuliers de fille de riche privilégiée. Alors j'acquiesce à tout, essayant de me familiariser avec le poids d'une bombe de peinture dans la main. L'inclinaison, la force de la pression exercée et la distance avec le mur étaient donc toutes des données importantes à prendre en compte. Une fois encore les parallèles s'opéraient. C'était comme de réaliser une figure. Il fallait faire attention à bien pointer les pieds, avoir un bon port de bras et, surtout, ne pas négliger l'expression faciale. Ce n'était que lorsque l'on parvenait à maîtriser chacun de ces aspects et à en jouer de manière harmonieuse que l'art prenait tout son sens et déclenchait l'admiration des observateurs.
Mais ce n'est pas tout et, fine artisane, Shaye connait ses matériaux. La marque de peinture qui a été choisie pour le tournage du jour est opaque et, comme elle me le démontre rapidement, il suffit d'une retouche pour effacer les erreurs. Certes la gomme à effacer est ici un peu brutale, ses bords sont irréguliers, mais c'est mieux que rien et, au besoin, j'imagine que les pochoirs peuvent être utilisés comme ça aussi. C'est également en cet instant que je fais connaissance avec l'odeur de la peinture, que je ne peux m'empêcher de me dire que, pour un truc chimique, ça sent presque bon en fait. Étrange, mais charmant. L'artiste conclut en me disant que, lorsque je me sentirai prête, je pourrai passer aux vrais pochoirs. En attendant elle est là pour répondre à toutes mes questions.
« D'accord. Pour l'instant... il n'y a pas trente-six façons de se jeter à l'eau. »
Je secoue la canne que j'ai dans la main, vérifie sa couleur. Beurk, je n'aime pas le brun. Allez, on change. Mauve. Ça me plaît. Ça me parle et ça m'évoque des souvenirs impartageables. C'est parfait puisque, de toute façon, je le couvrirai plus tard avec une épaisse couche de blanc et de bleu. Alors je me jette à l'eau, brasse à nouveau mon arme d'expression et, après avoir vérifié la bonne orientation du bouchon, presse dessus.
« Eeek ! »
J'ai sursauté avec le premier psssshh que je relâche presque immédiatement. La peinture n'a formé qu'un petit cercle timide sur la vaste surface. Le bout de mes doigts a aussi souffert de mon manque d'adresse et je suis quelque peu horrifiée de constater que ma manucure a changé de couleur sur deux de mes doigts. J'imagine que je ne serais pas une vraie Cobalt si la première question que j'avais posée n'était pas :
« Et du coup les taches... enfin je veux dire... ça part avec du savon, pas vrai ? »
Je me sens quand même un tout petit peu ridicule, comme si je jouais presque volontairement dans les clichés de la petite bourge qui refuse de se salir. C'est assez pour me faire sourire et me moquer un peu de moi-même. Assez pour que la stupidité de ma question me pousse à ne pas en attendre de réponse sérieuse pour me remettre à l'oeuvre. Je m'applique, teste différentes approches en gardant en tête les paramètres décrits par Dédale. Ce n'est pas du grand art, ce n'est sans doute même pas du moyen art, mais ça m'amuse. J'écris donc mon prénom en lettres attachées. Je repasse un peu sur le "a" pour en élargir une courbe, j'allonge le "l" et recule d'un pas pour voir de quoi ça a l'air. Il manque un truc. Un petit quelque chose de rien. Allez, tant qu'à faire. Je retourne à l'assaut et, cette fois, fait de mon mieux pour dessiner un diamant à côté de ma signature. Maintenant j'ai carrément un sourire fier alors que, pourtant, je n'ai pas fait grand chose.
« Je pense que je vois le genre ! Est-ce qu'il y a des exercices particuliers à faire pour améliorer sa technique ? Et du coup est-ce que tu as appris toute seule ou est-ce que tu avais un professeur toi aussi ? »
J'écoute ses réponses tout en récupérant la bombe de blanc, pour me préparer à effacer mon chef d'oeuvre en prévision de la suite. Au fond c'est sympa comme manière de faire. Un peu comme les mandalas qui nous demandent de garder en tête la nature éphémère de nos oeuvres. Même si bon, je serais sans doute plus triste de recouvrir celle-ci si elle était plus jolie.
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Bon, normalement, elle avait expliqué le plus gros. La demoiselle de Sercena l'avait écouté avec attention. Shaye avait bien déjà briefé des intéressés sur le medium qu'était le graffiti, mais bon, elle ne s'était jamais sentie l'âme d'une prof. Donc que Cali se lance, a priori confiante, était bon signe.
Shaye observait son élève d'un jour avec un oeil incroyablement curieux. La plupart des gens du milieu peignaient de la même manière: ils crachaient leur rage et leur peine sur le mur. Et ce, sans réfléchir au fait d'effacer quelqu'un d'autre, puisqu'on se fera aussi recouvrir ensuite. Il y avait cette hargne que les gens du "bas-peuple" canalisaient dans leur art, que la majorité de la "haute" ne soupçonnerait même pas.
Pourtant... Elle ne connaissait pas Cali depuis longtemps, mais elle avait cette impression qu'au fond, elle n'était pas la bourgeoise coincée de base. En tout cas, elle s'appliquait, c'était pas peu de le dire. Là où un profane va en général appuyer sur la bombe le plus fort possible pour faire la plus grande tache possible. Cali, elle, cherchait la précision. Comme si elle voulait que chaque trait compte, que chaque ligne aie son importance.
Alors certes, il y eut un petit raté. Adorable. La Cobalt avait lâché un petit cri digne d'un skitty alors qu'elle s'était laissé surprendre par la peinture. Shaye avait laissé échappé un petit rire, plus surprise par la hauteur du bruit que par envie de se moquer. Elle s'approchait pour jeter un coup d'oeil aux dégats sur ses mains délicates. Peur des taches qui restent, hein? Pas la bourgeoise coincée de base, mais quand même un peu précieuse, cette Cali.
- Alors, pas exactement, commença-t-elle en jetant un regard sur la composition de cette peinture sur la bombe. Pas de panique, ça va partir. Mais t'auras besoin d'acétone. Elle avait tendu sa main vers elle pour que Cali lui montre les dégats de plus près. Ouai, acétone, ça partira de suite. Sinon, et je sais que ça va avoir l'air bizarre, mais du spray de cuisson. C'est efficace, et c'est moins agressif pour la peau que le dissolvant.
Shaye rendait ensuite son espace de création à Cali. C'était bizarre d'être en retrait, malgré la toile urbaine à disposition. Mais c'était une expérience intéressante. Et puis, maintenant qu'elle avait complètement fini d'oublier la présence de l'équipe de tournage, elle était à l'aise. Staz aussi visiblement, allongé sur la table, il avait fini par tolérer la présence de la givrali non loin de lui. Il ne grognait plus. Du moins, plus assez fort pour que sa dresseuse puisse l'entendre de là où elle était.
Miss Cobalt venait de terminer son tout premier graffiti: son nom, accompagné d'un diamant. Franchement, c'était bien, surtout pour une première fois. Shaye était attendri par cette bouille toute fière, et ce sentiment était communicatif.
- Pour s'améliorer, y a pas 36 solutions: faut graffer encore et encore. Le graff', c'est surtout du feeling.
La question qui suivait ramenait chez Shaye une nostalgie insoupçonnée. Elle en avait parcouru, du chemin. Quoique. Elle taguait toujours et fuyait toujours l'autorité. La seule différence, c'est que maintenant qu'elle était adulte, ils n'arrivaient plus à la rattraper.
- Dans mon cas, c'était un peu des deux. J'ai trainé avec des gars qui graffaient: ils m'ont prêté leur matos et m'ont montré leurs coins. Après j'ai essayé de les copier, et petit à petit j'ai trouvé mon propre style.
Allez, il était temps de faire de la place. Elle attrapait une autre bombe blanche encore disponible. Même si le "boulot" n'était pas fastidieux compte tenu de la taille de la première oeuvre de Cali, à deux, elles la recouvriraient plus vite. Shaye prit ensuite en main le fameux pochoir. La forme du givrali était très reconnaissable, malgré la découpe minimaliste. Elle avait aussi un large rouleau de scotch sous le bras. Elle attachait la grande feuille en plein milieu du mur, avant de se retourner vers sa comparse en lui faisant une petite révérence.
- Je pense que t'es prête, alors... À toi l'honneur!
Je lui montre les dégâts, attends le prognostique en me retenant de lui demander textuellement si c'est grave, docteur ? Ce serait trop cliché, même pour moi. Le verdict a l'avantage d'être encourageant, il suffira d'acétone ou de spray de cuisson. Parfait alors, j'ai les deux à disposition à la maison. Ça me soulage et me permet de me concentrer sur le plus important : l'art. Je pose ensuite mes questions et la réponse qui m'est donnée ne m'étonne pas. Le secret, comme pour tout le reste, ça reste la pratique. Il faut faire pour apprendre, encore et encore jusqu'à ce que ça devienne naturel. Jusqu'à ce que l'on s'améliore. Puis vient sa petite histoire sans trop de détails, mentionnant simplement que des gars l'ont laissé emprunter du matériel. Ça me fait réaliser que, finalement, ça ne prend pas grand chose. C'est réconfortant de me dire que, de ce point de vue, mes bourses peuvent vraiment faire une différence aussi. Qu'il suffit de pouvoir se procurer le matériel et de s'y mettre.
Et, en parlant de s'y mettre, il est l'heure de recouvrir ces jolies teintes de mauve pour n'en laisser qu'un vague souvenir qui, bientôt, n'existera plus du tout. Jugeant que je suis prête à me lancer pour de vrai, Shaye récupère le plus grand des pochoirs du givrali pour l'affixer au mur. J'essaie de l'aider en lui donnant des morceaux de scotch au fur et à mesure. Une part de moi était franchement tentée de reculer, d'aller m'assurer moi-même que c'est centré. Pire, je réfléchis sérieusement, durant un instant, à demander à l'équipe technique de sortir le ruban à mesurer pour confirmer. Mais Dédale est convaincue, ne s'en soucie pas ou, avec l'expérience, est capable d'estimer que c'est assez bien pour elle. Ai-je vraiment envie de passer pour une meuf ultra coincée qui veut faire une pause pour double vérifier un truc comme ça ? Surtout si, de toute façon, notre oeuvre sera recouverte au maximum dans quelques jours à peine ? Je soupire.
« Oui, je suppose que je suis prête... »
Je vérifie les codes de couleur, voulant bien faire et prendre la bonne bombe même si, je le sais, l'erreur est permise. On secoue bien comme il faut et... On réalise que je suis vachement petite en fait sans mes talons aiguilles habituels. Alors je reste là, interdite pendant de longues secondes à me demander comment je vais faire pour atteindre les oreilles. Et même la tête. Presque gênée, je me retourne vers l'équipe de production.
« Dites, quelqu'un a pensé à amener un tabouret ? »
Ça échange des regards incrédules, mais le problème est bien là. Je ne veux pas non plus demander à Dédale de me faire la courte échelle. Même à Echidna je n'oserais pas demander ça.
« On a même pas amené de chaises... »
On pourrait peut-être aller en acheter un dans une boutique du coin alors ? Je m'apprête à poser la question juste avant d'être traversée par une idée de génie : la table !
« Sinon on peut peut-être rapprocher la table ? »
Je m'en rapproche, essaie d'en lever un bout pour au moins la tirer vers le mur... rien ne bouge et ce malgré l'aide d'Hel qui, adorable, essaie de pousser l'une des pattes de la table avec son petit front. Je suis une ballerine moi, j'ai toute ma force dans les jambes et rien dans les bras ! Ce n'est pas faute d'essayer par contre et, déjà, ça rigole un peu du côté de mes employés qui, pour sur, sont en train de s'assurer que la caméra n'en manque pas une miette.
« Vous pourriez pas venir m'aider au lieu de vous moquer ?! »
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Cali était visiblement motivée, ça faisait plaisir à voir. Shaye avait remarqué une espèce de retenue chez sa comparse pendant qu'elles accrochaient le pochoir. Le placement pouvait sembler arbitraire, elle ne s'était peut-être pas attendu à graffer au milieu du mur. Un milieu un brin excentré, d'ailleurs. Mais c'était normal: le fond allait équilibrer la pièce pour la rendre cohérente.
L'artiste confirmée n'avait même pas pensé à ça: la Cobalt ne risquait pas de pouvoir accéder au haut du mur sans aide. Elle avait jeter un coup d'oeil un peu perdu autour d'elles. Elle regardait ensuite Cali brièvement: ouai, une courte-échelle c'était jouable, elle avait pas l'air bien lourde, la demoiselle. Avant qu'elle ne puisse proposer cette alternative, la dame de Sercena avait demandé à son équipe de palier au problème. Équipe qui prenait son temps avant de réagir, d'ailleurs.
Shaye vint à sa rescousse lorsqu'elle essayait de déplacer la table: le parkour, ça fait les bras. À deux, enfin deux et demi avec Hel qui essayait d'aider - contrairement à Staz qui avait juste fait l'effort de quitter la table pour l'alléger un peu -, elles avaient réussi à rapprocher la table. Ah, c'est clair que quand viendrait son tour de graffer, elle ne restreindrait pas à ce promontoire de fortune. Elle comptait bien couvrir le mur de haut en bas, et elle avait déjà repéré des points accroches pour pouvoir grimper.
Ça, ce serait un truc à réfléchir plus tard. Dans l'immédiat, c'était à sa studieuse élève de laisser parler son talent. Elle avait bondit sur le mobilier et tendait sa main vers Cali, de manière presque chevaleresque, pour l'aider à monter à son tour.
- Permettez que je vous aide, dit-elle avec un ton faussement bourgeois, une faisant une petite révérence.
Il n'y avait pas la moindre once de moquerie ou de sarcasme dans sa voix, parce que ce n'était tout simplement pas là son état d'esprit. Non, elle était juste amusée par la situation. Et puis, elle avait toujours été galante avec les jolies filles, donc l'aider tenait plus du réflexe à ce stade.
Elle redescendait ensuite pour s'approcher des bombes de peintures qui avaient été déplacées pour alléger la table. Shaye en prit deux en main, deux bleus: elle s'était servie d'Hel comme modèle pour vérifier la correspondance des couleurs. Elle commençait son petit numéro de jongle habituel pour rendre les outils utilisables. Une bombe bien secouée, c'est un outil bien préparé.
- Ces deux-là sont prêtes, après hésite pas à me dire si tu veux une autre couleur en particulier, je te les ferait passer.
Cali n'avait pas expressément dit qu'elle voulait un tag aux couleurs réalistes, après tout. Un peu de fantaisie, c'était possible. C'est ce que Shaye avait prévu pour le fond, du moins.
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