Cynthia montait les marches de la Pyramide en sifflotant gaiement. Elle venait assez souvent ici depuis que son projet de rénovation ai été avorté. Elle retirait les mauvaises herbes, vérifiait que les fantômes qui hantent les lieux soient toujours présent, se perdait et découvrait de nouvelles salles… bref, tout un tas d’activités amusantes qui valaient bien mieux qu’une sortie dans un parc d’attraction. En plus elle pouvait emmener Malta avec elle.

Aujourd’hui était un peu différent cependant. Si elle allait bien sûr pendre soin du lieu, ou tout du moins autant que ses maigres moyens lui permettait, elle comptait aussi partir à la recherche des cours d’eau qui traversaient les sous-terrains de la pyramide. Elle était tombée dessus par hasard une fois après que l’étage où elle était se soit effondre sous ses pieds. Les canalisations avaient été creusées à la main mais l’érosion et le temps les avaient agrandies. De mémoire elles étaient suffisamment grandes pour y accueillir la légende de La Isicao.

Ça lui faisait mal au cœur de déplacer une telle bête. Son territoire était les égouts de la capitale. Il méritait d’y régner en maître. Malheureusement sa petite crise meurtrière avait attiré les réguladors et après qu’il ai manqué de la bouffer elle et Shaye, elle se disait que c’était tout aussi bien de lui trouver un endroit plus sûr où il saurait disparaitre des esprits – mais pas des cœurs.

Elle avait évidemment envisagé de le garder mais, si elle se sentait capable de canaliser son énergie, elle ne voulait pas imposer à Shy de vivre avec deux pokémons grands de plusieurs mètres qui avaient un gout particulier pour la violence. Si elle se faisait bouffer dans la nuit ça allait, mais ça colloc’ ? hors de question ! Sa mission était donc simple, trouver un nouveau lieu de vie pour la bête et quoi de mieux que d’envoyer vivre une vieille légende dans une autre ? Impossible de le relâcher dans la forêt ou la rivière, il aurait tôt fait d’attirer sur lui l’attention des braconniers et réguladors. Non, c’était la seule option qu’elle avait trouvé convenable.

Plutôt satisfaite de son plan, elle attrapa sa lampe frontale et s’enfonça dans les méandres aussi familières qu’inconnues de la Pyramide. Avec un peu de chance, les esprits qui gardaient ce lieu allaient lui être favorable et elle allait pouvoir accomplir son méfait sans trop de souci.

Elle fit 3 pas dans la pyramide. 3 !!! Vous savez quelle distance ça fait 3 pas ? Rien du tout ! Une crotte de ponchien ! Et y’avait des putains de réguladors en face d’elle ! Dans sa Pyramide !! Avec leurs lampes sur sa gueule. Elle aurait presque hurlé. Presque. Si elle n’avait pas vu leur air renfrogné et leurs pokémons qui grondaient dans sa direction. Visiblement Malta ne leur plaisait pas. La carchacrock retroussa ses babines mais ne gronda pas, elle n’en avait pas besoin.

« Qu’est-ce que vous faites ici ? »

« C’est plutôt à moi de vous poser la question ! C’est un lieu protégé ! »

L’homme la regarda avec deux yeux ronds comme s’il venait de lui pousser une deuxième tête. Visiblement ce n’était pas souvent qu’on lui répondait sur ce ton, encore moins avec autant de fougue. Cynthia n’en avait pas fini avec lui.

« J’espère que vous avez une bonne raison et que je ne vous voie pas poser vos petites pattes partout ! Mettez des gants ! »

« Quoi ? Vous êtes qui vous ?? »

« Cynthia Hawthorne, Archéologue spécialisé dans la culture Précinzanne. » Elle lui tendit sa carte, ou plutôt la lui fourra agressivement sous le nez. « Et vous ? Vous avez l’autorisation d’être ici ? »

L’homme recula avec un grognement et tapota son badge, comme si ça pouvait justifier toute sa connerie. Il jeta un coup d’œil à Malta. Elle le vit déglutir. Généralement on ne l’embêtait pas trop avec son pass, pour la simple et bonne raison que dans le cas où elle n’en avait pas, les reguladors n’avaient pas vraiment envie de faire face à son dragon. Quelques braves s’y risquaient, enhardi par le gaz Pérola, ils n’avaient pas conscience qu’elle pouvait leur arracher leur jugulaire plus rapidement qu’ils ne dégaineraient leur flingue. Elle n’avait jamais eu trop de problèmes, quelques idiots qui avaient essayé de la menacer, ça n’avait jamais bien fini. Pour eux.

« Évidemment, nous sommes à la recherche d’une rebelle qui se serait cachée ici. » Il sembla la considérer un instant, jeta un coup d’œil à sa carchacrock et sembla considérer tous ses choix de vie avant d’ajouter. « Si vous l’apercevez prévenez-moi. »

Non.

« Oui, bien sûr. Je ne peux pas laisser des idiots mettre le bazar ici. »

Il y eu un léger moment de silence où l’homme s’attendais peut-être à ce qu’elle précise qu’il ne faisait pas partie des idiots qui mettent le bazar ici. Elle n’en fit rien. Probablement pressé de mettre fin à cette interaction, il lui fit signe de circuler. Seulement une fois l’homme loin derrière elle, elle se permit d’envisager que c’était peut-être elle, la rebelle dont ils parlaient. Ou bien alors il y avait quelqu’un d’autre ici sur qui elle allait taper sur les doigts, parce qu’impliquer des monuments de cette importance dans un conflit était le truc le plus stupide que la rébellion pouvait faire.

Cynthia s’enfonça un peu plus dans les entrailles de la pyramide. Elle longeait le chemin habituel, passant des fresques à moitié effacées par le temps qu’elle avait longuement étudié. Si l’incertitude faisait partie de son métier, elle n’était pas sans ses frustrations. Au final, la majorité des messages laissés derrières par nos ancêtres avaient été rendu muets par le temps. Il y avait évidemment les représentations incompréhensibles, celles où la réponse avait semblé si évidente qu’elle ne l’était plus pour personne et celles qui se mourraient dans une lente agonie, comme la Pyramide. Elle n’avait même pas eu le droit à un nom.

Cynthia laissa un soupir s’échapper de ses lèvres. C’était un sujet qui l’attristait autant que ça la rendait furieuse. Le lieu était en trop mauvais état pour pouvoir être ouvert au public, donc évidemment personne ne s’y intéressait. Sauf visiblement pour y mettre la merde. Elle s’était longtemps battue avec ses collègues pour préserver l’endroit et si la majorité d’entre-eux avaient fuit à cause des superstitions, elle ne craignait pas les gardiens de ces lieux. Ou du moins, elle avait suffisamment confiance en sa force pour ne pas fléchir devant leurs tentatives d’intimidation.

Elle savait pertinemment que le lieu n’avait pas encore donné tous ses secrets. Comment l’aurait-il pu ? Ils étaient jalousement gardés. Elle avait croisé principalement des pokémons spectres, des vestiges d’une époque révolue qui s’acharnait à se raccrocher à la vie. Ce qu’elle espérait trouver ici était des zarbis. Ces pokémons étranges venus d’on ne sait où et qui peuplaient les ruines les plus anciennes. Mais aussi les plus lourdes d’histoire. Avec un peu de chance leur découverte permettait de revitaliser le projet et intéresser suffisamment les investisseurs pour y mettre les fonds. Elle ne se faisait néanmoins pas beaucoup d’illusions. La Pyramide n’était pas jolie. Elle n’était pas propre, pas grandiose. Sobre au contraire, avec ses extérieurs couverts de mousse et ses angles arrondis par le vent. Il n’y avait pas non plus de statues ou de gargouilles sur l’extérieur qui puisse inspirer des histoires. Non, tous ses secrets se trouvaient en son sein et personne n’avait su gagner la confiance des lieux pour les obtenir. Elle espérait un jour pouvoir y avoir droit.

Elle ramassa sur le chemin un morceau étrange, semblable à un tesson mais à la forme particulière. Sortant un sachet plastique dans lequel le conserver, elle se promit d’y jeter un coup d’œil plus tard dans le labo. Pour l’instant les ruines pouvaient garder leurs secrets, pourvu qu’elles lui donnent l’eau qu’elle cherchait tant.

Peut-être qu’il serait intéressant d’y amener Shaye ? Bon peut-être moins maintenant qu’elle s’était décidée à y déposer le Jacaré mais éventuellement. Elle savait que sa colloc’ avait l’esprit curieux et ne doutait pas qu’elle puisse trouver intéressant les ruines parce que… Oh. Elle allait totalement trouver ça barbant n’est-ce pas ? Qui voudrait passer des heures à l’écouter monologuer sur les méthodes de construction des peuples précinzans et les difficultés à acheminer les pierres jusqu’à un lieu si éloignés de toute carrière. Elle s’était risquée quelques fois à parler de sa passion à des rencontres. Généralement les personnes finissaient par la couper ou s’ennuyaient ferme, elle avait même eu un gars qui s’était endormi en plein milieu de son explication sur les pigments de plantes.

Ce n’était pas tant qu’elle avait besoin de leur validation plus que le fait de partager sa passion avec des non-initiés lui manquait. Le mieux qu’elle pouvait faire était ses conférences mais même là, le cercle d’intéressés était assez restreint, si bien qu’elle finissait par y retrouver les mêmes têtes. Les discussions qui s’en suivaient étaient toujours passionnantes, bien sûr, mais il y avait quelque chose de gratifiant à étaler son savoir et l’offrir – ou dans le cas de Cynthia, le balancer à la gueule – de personnes curieuses.

Ce qui lui faisait penser qu’elle n’avait toujours pas remis son article pour la prochaine exposition. Écrire les pancartes n’était pas toujours l’étape la plus fun du projet. Déjà la bibliographie était mortelle, puis ses relecteurs enlevaient toujours les petites blagues qu’elle y casait. Bande de rabat-joie. Enfin, elle aimait bien le thème de cet évènement. Ils avaient réussi à recevoir un prêt d’Hoenn et c’était un honneur de pouvoir afficher des fossiles de Relicantes si bien conservés. Les îles du sud étaient une réelle mine d’or pour les paléontologues.

Elle prit le tournant de gauche, normalement elle s’approchait de l’endroit où la salle s’était affaissée. Ce qui n’aurait pas eu lieu, si le gouvernement n’avait pas été aussi radin. C’était étrange comme quoi tous les maux du pays retombaient sur leur gueule, comme s’ils en étaient responsables. Ahah mais ça ne pouvait pas être le cas, ils étaient parfaits, n’est-ce pas ? Bande d’enfoirés.

Elle s’avança dans le couloir, lors que Malta l’attrapa brusquement, en un bond elle les fit traverser la distance qui les séparait de l’autre salle au même moment où le sol s’effondrait sous leurs pieds. Agrippée à son pokémon, Cynthia regarda avec effroi des siècles d’histoires tomber en ruine sous ses yeux. Un cri attira son attention. Elle vit un flash de blanc sous les pierres avant que celui-ci ne disparaisse. Le régulador !

« Je lui avait dit de ne rien toucher ! » s’écria-t-elle. « Malta, il faut dégager tout ça ! »

La carchacrock sauta dans le trou pour atterrir sur le tunnel dégagé par la chute. Cynthia attendit que son pokémon la pose par terre avant de s’approcher des débris. La pierre était mouillée. Soit ils étaient proche des couloirs d’eau, soit il y avait une fissure qui laissait passer la pluie. Elle ne pouvait rien conclure de là où elle était. Malta s’approcha de l’éboulement, le reniflant. On pouvait entendre des cris de l’autres côté. A moitié étouffés par la roche.

« Bon au moins, Monsieur Crétin est vivant. Fais attention quand tu déplace les pierres, commence par celles du haut. »

Elles entreprirent de faire un trou suffisamment large pour permettre à Cynthia de s’y glisser en rampant. Pendant que Malta continuait de déblayer, sa dresseuse glissa jusqu’en bas de la pile sous le regard inquiet de l’homme qu’elle avait croisé plus tôt.

« Vous ! Aidez-moi ! Je suis coincé ! » ordonna-t-il.

« Et la politesse, elle s’est faite écrasée avec votre pied ? »

Elle le vit tourner rouge. Si bien qu’elle se demanda un instant s’il n’allait pas s’évanouir sur elle. Non, il était seulement blessé dans son égo.

« Je suis un membre de la Guarda, je mérite le respect ! »

« Cet endroit aussi, pourtant je vous vois fouiner comme un roublenard. Arrêtez de bouger, vous allez vous faire mal. »

Elle commença à retirer les pierres, heureusement qu’elle avait l’habitude de soulever des paquets beaucoup trop lourds. Le plus pénible était la terre presque boueuse qui s’y mêlait. Malta réussit finalement à passer ça tête dans le trou ce qui arracha un cri paniqué à l’homme. Cynthia rigola. Quel trio étrange ils faisaient. Elle réussit finalement à lui libérer la jambe et lui construire un atèle de fortune. Heureusement, son pokémon n’avait pas été écrasé et avait attendu avec inquiétude que son dresseur aille mieux.

« Merci. » dit-il à contre cœur.

« Y’a pas de quoi. L’endroit est piégé et infesté de pokémon spectre. Je contacterais les autorités si je vois votre rebelle mais vous, vous devriez rentrer. »

« Hors de question ! Ce n’est pas une petite AAAA— »

Les deux se regardèrent en silence quelques instants. Il s’était fait mal en se levant et en essayant de s’appuyer sur sa jambe. Petite-blessure, hein ?

« Je ne vais pas plus vous retenir, allez-vous-en ! »

Ce que les hommes feraient pour leur égo… Cynthia n’insista pas et grimpa de l’autre côté de l’éboulement pour rejoindre sa carchacrock. Elle attrapa au passage une pierre soleil qui avait été révélée par l’effondrement. S’il voulait se débrouiller tout seul, qu’il le fasse, elle ne comptait pas le baby-sitter.

La paire longeait un tunnel étroit qui s'enfonçait dans la terre comme un boyau, celui-ci n’avait pas été construit mais creusé à même la roche, l’air y était froid et humide malgré la chaleur extérieure. Cynthia pouvait voir Malta tourner sa tête de droite à gauche, elle semblait entendre l’eau qui ruisselait. Elles ne devaient pas être loin. Évidemment, elle aurait pu lui demander de simplement creuser jusqu’à la source mais l’idée n’était que parasite. Jamais elle n’envisagerait sérieusement de détruire un tel monument.

Au bout d’un moment Cynthia pu sentir le sol devenir plus irrégulier et le mur sous sa main se couvrir de fines gouttes d’eau. Elles arrivaient à destination. Au bout du tunnel, une lumière bleue dansait sur la paroi. La championne passa le palier et sentit aussitôt le même sentiment d’émerveillement qui l’avait atteint la première fois qu’elle était venue ici. Une large grotte au plafond descendant se tenait devant elle. Remplie d’eau, elle semblait continuer de s’enfoncer plus loin sous la surface, probablement en direction d’une série de galeries souterraines. Comme la dernière fois, elle pu voir quelques loupio éclairer les environs. C’était suffisamment large pour accueillir le Jacaré.

« Bon, tiens-toi prête à courir. »

Malta était surtout prête à lui péter la gueule, mais si sa dresseuse lui demandait, elle pouvait faire l’effort de courir. Peut-être. Cynthia garda son regard fixé sur elle. Elle était prête à courir… hourah… Satisfaite, la dresseuse adressa une petite prière à l’attention des loupio qui n’allaient pas faire long feu et balança la Sombre Ball qui contenait le Jacaré de toute ses forces contre la pierre pour l’exploser. L’aligatueur se libéra avec un rugissement furieux, dardant son œil en sa direction. D’un geste souple qui traduisait une habitude, Cynthia sauta sur le dos de Malta qui fila à toute vitesse. Elles furent suivies par l’écho de la colère de la bête. Son seul regret était de ne pas avoir pu emmener Shaye se baigner ici avant d’y lâcher un monstre.

Malta s’amusait comme une folle, elle galopait à toute vitesse, raclant les parois de ses ailes. Cynthia, accrochée à son aileron souriait elle aussi à pleines dents. Il y avait quelque chose dans le fait d’être pourchassé tout en savant qu’on était meilleur que ses poursuivants. Ce stress de la course et cet orgueil enivrant qui dansaient main dans la main pour produire une réaction explosive. Elles se sentaient invincibles. Était-ce donc ça que Shaye vivait tous les jours ? Peut-être qu’elle devrait lui demander de lui apprendre à faire du parcours, elle admirait la facilité avec laquelle elle volait sur les toits de La Isicao. C’était ça la liberté.

« Whoo ! C’était génial ! Merci, Malta ! » dit-elle en serrant joyeusement la carchacrock. « Oh ! Qu’est-ce que je t’aime !! »

Elles remontèrent jusqu’à l’étage du bas de la Pyramide. Le territoire des skelenox. L’endroit était une véritable catacombe, elle était tombée sur des salles remplies de squelettes entassés. Il y avait deux théories contradictoires à ce sujet. La première était que la Pyramide avait une fonction sacrificielle, ce qui expliquait pourquoi elle était autant hantée. La seconde supposait l’existence d’une guerre ou épidémie qui aurait ravagé Cinza et forcé les peuples à se réfugier dans leurs temples où ils seraient morts entombés. Plutôt morbide, mais pour une férue d’histoire comme Cynthia c’était aussi un rêve.

On pouvait apprendre tellement de choses en étudiant les squelettes. L’âge, la taille, les maladies potentielles, la cause de la mort évidemment. Malheureusement, ils n’avaient pas eu l’occasion d’étudier proprement le lieu. Stupide gouvernement avec son stupide dédain pour la culture. Toutes ces merveilles restaient ensevelies, à la merci des pilleurs, curieux et pauvres fous qui espéraient trouver de l’or. Tous ces secrets qui n’attendaient que d’être découverts.

De temps en temps, il lui arrivait de souhaiter pouvoir réécrire le passé. Pour taper sur une figure historique particulièrement chiante mais aussi changer toutes les décisions prises par Caldwell. Idéalement pour étrangler cette mégère, au pire pour juste l’empêcher de passer la frontière. Et l’écraser sous les pattes de Malta.

Contre toute attente, quelque chose bougea dans cette salle morte. Et ce n’était pas Cynthia qui essayait de faire peur à sa dragonne.

Cynthia regarda un squelette se soulever, deux flammes violettes brillant dans ses orifices vides, sa mâchoire démembrée pendant ouverte. Un râle d’outretombe résonna dans la pièce comme un avertissement. La température chuta de plusieurs

« Canette, je peux savoir à quoi tu joues ? »

Le poing sur la hanche, Cynthia regardait la scène peu impressionnée. Un rire cristallin résonna dans la pièce qui s’éclaira brusquement d’une lumière violacée. Une petite feuforêve apparu au centre. L’esprit farceur était une veille connaissance qui s’était entichée des chercheurs lorsqu’ils étaient venus étudier le lieu. Elle les avait hantés en les tapant avec des canettes, d’où son nom évocateur. La Championne aimait bien lui rendre visite de temps en temps.

« J’ai déposé un gros croco dans la nappe. Ne l’embête pas trop, il mord. »

La créature émit un son semblable à un ricanement avant de tournoyer autour d’elle. Cynthia sorti des poffins de sa poche, ils étaient faits maison. Malta grogna, jalouse. Elles s’installèrent pour le goûter, échangeant quelques anecdotes, la Feuforêve reproduisait des scènes en agitant les squelettes comme des pantins. La Championne avait depuis longtemps abandonné l’idée d’expliquer à la créature le concept de dégradation par frottement. Visiblement Canette s’était amusée à terrifier plus d’un curieux. Notamment quelqu’un qui boitait. Le membre de la Guarda peut-être ?

« Tu as vu une rebelle ici ? » demanda-t-elle plus par curiosité. « La femme que l’homme en blanc cherche. »

La feuforêve hocha vivement la tête, pointant d’un doigt squelettique une direction dans la pyramide. Elles iraient voir avec Malta en partant. La femme ne pouvait pas décemment rester ici sans détruire les lieux et puis pour une question de valeurs morales, Cynthia ne pouvait se résoudre de l’abandonner aux mains de la Guarda. Remerciant son amie, elle et Malta prirent le chemin indiqué, à la recherche de l’inconnue qui faisait tant parler d’elle.

Elles tombèrent sur son camp dans l’une des salles abandonnées du nord. La pyramide ressemblait suffisamment à un labyrinthe pour que la Guarda ne l’ait pas immédiatement trouvée mais Cynthia qui savait se répérait, avait conscience que ça ne serait qu’une question de temps. Elle s’approcha du campement, les mains levées en signe de paix.

La jeune femme avait l’air émaciée, ses cheveux bruns étaient collés à son visage et ses vêtements salis par la sueur et la poussière. La salle empestait de son odeur. Elle devait être ici depuis quelque temps déjà. Ignorant l’arme qui était pointée dans sa direction, Cynthia s’avança sans gène pour regarder l’étendue des dégâts. C’était pas glorieux. Ni la salle, ni la dame.

« Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous faites-là ? »

« Quake, Championne de La Isicao. » Elle se tourna vers l’inconnue. « T’as conscience que c’est un monument historique et pas une zone de squat ? »

Cynthia la vit tressaillir. Impossible de savoir si c’était à cause de son titre ou de sa nonchalance. Dans tous les cas, la femme semblait intimidée. Bien. Ça allait être plus facile de lui faire faire ce qu’elle voulait si elle la craignait. La Championne s’avança pour ramasser une canette vide qui trainait par terre et la lancer dans le sac à dos ouvert de la rebelle. Bingo ! Dans le mile ! Elle reporta son attention sur la femme qui la tenait toujours en joue.

« Je peux distraire l’agent de la Guarda à l’entrée. »

« En échange de quoi ? »

« Tu te casse d’ici et tu n’y remets plus jamais les pieds. » dit-elle d’une voix froide. « Écoute, je respecte la rébellion et tout ça mais ça ne sert à rien de se battre si y’a plus rien à protéger. Cette Pyramide, c’est Cinza, son histoire. Si tu la détruis avec tes… » Elle jeta un coup d’œil à la tante. « T’as planté des putains de piques dans le carrelage ?! »

La femme sursauta à cause du changement brusque de ton. Ses yeux écarquillés, elle resserra sa prise sur l’arme à feu. Cynthia inspira lourdement pour tenter d’endiguer la colère qui commencer à monter avant de reprendre son discours.

« Si tu détruis cette Pyramide alors à mes yeux tu n’es pas mieux que cet abruti en costume. Et j’ai pas de patience pour ce genre de chose. » La Malta se plaça derrière elle, sa gorge émit un sifflement méprisant. Le message était clair. « On a un deal ? »

Le regard de la femme alternait entre Cynthia et sa bête, ne sachant qui craindre le plus. Elle semblait calculer ses options avant de se décider à hocher la tête doucement. Oui, elles avaient un deal. Cynthia fit signe à Malta de l’aider à rassembler les affaires de la femme pour qu’elle remballe le plus rapidement possible. Le plus tôt cette hooligan quitterait les lieux, le mieux les ruines se porteraient.

La femme les suivait de loin. Cynthia ne lui avait même pas demandé son nom, elle ne voulait pas le savoir. Ce serait la mettre en danger, elle et sa cause. Elle avait envoyé Malta chercher Canette qui les avait rejointes, non sans une certaine appréhension, elle s’entendait très mal avec les monorpales qui gardaient le premier étage. Une histoire de rivalité à propos des statues. La carchacrock avait suffit pour dissuader toute agression.

Cynthia comptait sur l’esprit pour soit terrifier l’homme, soit le distraire suffisamment pour qu’il ne remarque pas la rebelle qui filait entre ses pattes. Son pokémon partenaire était un autre problème. Le cas échéant, Cynthia était prête à les faire disparaitre tous les deux, elle préférait ne pas en arriver là. La Pyramide avait connu suffisamment de tragédies comme ça. La Championne le trouva affalé sur un siège pliable, un café à la main.

« Dure journée ? »

Un grognement lui répondit.

« Pas de rebelle trouvée de mon côté. Vous devriez consulter un médecin pour votre cheville. »

« Je vous dit comment faire votre boulot moi ? »

« C’était la version polie pour, bougez votre cul de là j’ai pas envie de rapporter un incident à la Guarda, il y a tout un tas d’esprit vengeur ici. Et avec un peu de chance, vous aurez coltiné une malédiction en cassant ce plafond. »

« Tu me prends pour qui, salle petite— »

Un grincement sonore se fit entendre. Comme le bruit d’ongles sur une ardoise. Le silence envahit soudainement la pièce. Même le vent de dehors semblait s’être tu. La pièce tomba brusquement dans le noir. Le régulador sauta sur sa lampe torche qui refusait de s’allumer peu importe combien de fois il actionnait le bouton. Cynthia senti un frisson lui parcourir l’échine. Des bruits de pas affolés résonnèrent dans le noir. Canette s’était peut-être un peu trop prise au jeu. Malta se colla contre elle, ses crocs dévoilés dans un grondement rauque. Elle semblait agitée. Cynthia posa sa main sur ses écailles pour la rassurer, ça n’était que— Soudainement, le temple se mit à trembler et un grondement remonta depuis ses entrailles comme un rugissement, une bourrasque violente sortit du tunnel pour les fouetter. Elle se retrouva plaquée contre Malta, qui peinait à garder sa position et avait planté ses griffes dans des fissures pour se maintenir à niveau. Un bruit de métal résonna fortement alors que Cynthia sentit autant qu’elle entendit le hurlement du régulador qui fut projeté hors de lieu.

Aussi brusquement que c’était venu, tout s’arrêta. Cynthia resta immobile quelques secondes, le souffle court. Elle fut surprise de trouver Canette blottie contre son torse, terrifiée comme jamais. Ce n’était pas elle qui—alors qui ? Dehors, le membre de la Guarda rampait en pleurnichant, suppliant tous les dieux qu’il connaissait de l’épargner et ne pas le tuer. La Championne n’avait que faire de lui. Il y avait quelque chose dans la Pyramide. Quelque chose d’ancien et de puissant qui venait de la défier. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Avare de sang. Ça, ça c’était intéressant.

Malheureusement elle n’avait pas le temps d’aller explorer les ruines. L’esprit allait devoir attendre, elle avait promis à Shaye de rentrer si tôt le Jacaré relâché. Elle savait que sa colloc’ passait des nuits mouvementées depuis l’incident et se voyait mal lui infliger sa disparition. Elle pesa le pour et le contre mais son souci pour la femme l’emporta. Ses deux compagnons de mésaventure avaient fui dans demander leur reste, peut-être que pour une fois, elle devait faire de même. Elle prit le temps de rassurer Canette avant de lui dire aurevoir.

C’est à regret qu’elle laissa derrière elle la Pyramide, mais aussi avec la promesse d’y revenir. Elle ne vit pas à son sommet l’ombre de deux ailes qui la toisait.