Elle était retournée à la Pyramide. Ça avait pris plus de temps que ce qu’elle aurait souhaité mais, enfin, elle était là. Ses pierres, lavées par l’âge l’attendaient comme une vieille amie. Elle la connaissait par cœur, elle n’avait pas même commencé à percer ses secrets. Il lui avait semblé qu’elle l’appelait. Depuis qu’elle l’avait quitté, il y a quelques semaines de cela, elle s’était retrouvée hantée par son image. Les fresques du musée ne la quittaient plus des yeux, sur les murs de l'Underground son image était taguée comme le numéro d’une ex, même Shaye s’était mise à en parler. Sa sœur, Luce, le vol. Les rebelles. La statuette de zarbi trônait au centre de la bibliothèque, elle aurait juré qu’elle l’avait vue bouger. Son œil unique était resté muet à ses questions. Si elle voulait des réponses, elle devait les mériter.

Cynthia posa un pied sur la première marche.

Il y eu comme une sensation de paix et de libération. Elle était au bon endroit. Pierre par pierre, elle escalada le monument dans le silence. Le ciel bleu semblait dévorer l’espace. Il n’y avait que lui et les ruines. Titanesque. Le sommet l’appelait. Un frisson la parcouru. Malta vint se placer à ses côtés, curieuse, elle aussi. La roche semblait se rajeunir. Les angles se faisaient plus aiguisés, les gargouilles qui gardaient les murs grimaçaient avec de larges sourires, leurs langues pendant mollement dans le vide. De larges peintures décoraient les flancs de la Pyramide. Rouge, vert, bleu et or. Un murmure, s’élevait, grondant et grandissant jusqu’à emplir ses oreilles et son être. Il fallait qu’elle rentre à l’intérieur, il l’attendait.

Puis comme une bulle, cette vision éclata. Cynthia s’arrêta brusquement. Un nuage passa, couvrant le soleil pendant un instant. La pierre sous ses pieds avait vu de meilleurs jours. Couverte de mousse et de pores, elle témoignait de l’âge avancé du monument. Sur les murs, les fresques avaient depuis longtemps été érodées, plus aucun pigment n’avait survécu. Elle était seule, si ce n’était pour Malta, à jamais à ses côtés. Leurs respiration se mêlait au souffle du vent qui s'engouffrait par la grande porte.

« Tu as vu ça toi aussi ? Je suis pas folle ? » demanda-t-elle.

La crachacrock longea l’entrée, jaugeant la pierre comme si elle la voyait d’un œil nouveau. Elle l’avait vu, senti, vécu. Il y avait des forces dans ce lieu qui les appelait. Ami, ennemi. Elle aurait souhaité faire demi-tour. Abandonner ce monument trop vieux qui aurait dû rejoindre l’outre-monde en même temps que les hommes qui lui avaient donné vie. Elle se tourna vers sa dresseuse. Elle n’avait d’yeux que pour la Pyramide, ses mystères. Ses promesses. Qu’il en soit ainsi. C’était une passion qu’elle ne comprenait pas. Elle n’avait pas besoin de le faire. Cynthia s’en souciait, voilà tout le sens dont elle avait besoin.

Glissant silencieusement au travers du pas de la porte, elle s’invita sans gêne. S’il y avait eu un empire ici, ce n’était plus le cas. Elle pouvait tout aussi bien se nommer reine. La Championne suivit la foulée de sa dragonne. L’anticipation la gagnait, fébrile et anxieuse. Le hall n’avait pas changé, son unique entrée les toisait, aguicheuse comme une conquête d'un soir. Familière mais étrange. Elle aurait dû savoir à quoi s’attendre, elle choisit de se laisser emporter dans le rêve. Quoi que veuille la Pyramide, elle était prête.

« Je t’écoute. » lui dit-elle. « Montre moi. »

L’écho de sa voix lui répondit. Montre moi. Malta resta silencieuse, dressant sa tête vers l’entrée, attentive. Aucune des deux se savaient à quoi s’attendre, ni si elles faisaient ce qui était attendu d’elles. Elles patientèrent quelques secondes, comme pour attendre l’autorisation d’un maître qui n’existait pas. On aurait pu les croire folles. Elles auraient répondu que le fou était celui qui n’osait espérer. Malta se décida à prendre le premier pas, elle s’engagea dans le couloir qui menait vers l’antichambre. Cynthia se retourna vers la sortie, comme si elle s’attendait à y voir quelqu’un. L’arche ne laissait voir que le ciel et ses nuages.

« Malta ? Tu vois quelque chose ? » demanda-t-elle en chuchotant à son pokémon.

La carchacrock souffla sur le même ton. Il n’y avait rien d’autre que le labyrinthe habituel. La Championne s’engagea à sa suite, elle sondait les murs avec espoir. Peut-être que si elle le souhaitait suffisamment un miracle allait avoir lieu.

Elles prirent les escaliers vers le cœur de la Pyramide.

Les torches éclairaient le chemin, dessinant des ombres dansantes sur les murs. Les murmures chantaient inaudiblement sur un rythme entrainant. Sous leurs pieds, le sol craquait, un chemin de cranes comme des pavés. C’étaient les fous qui avaient osé et échoué. Elles les rejoindraient si elles n’étaient pas attentives. Les zarbis n’appréciaient pas les sots. Leurs yeux montraient la voie. Comme une musique, il suffisait de savoir les lires pour pouvoir apprécier leur beauté. De ses doigts elle toucha la pierre. Peints sur les murs, les corps décapités des aventuriers pleuraient.

« BAISSE-TOI ! »

Un claquement sourd. Le mécanisme s’active avec une précision mortelle, la faux traverse le couloir d’un mouvement fluide. Allongée par terre, Cynthia la regarda se remettre en place, lentement. Comme si les rouages prenaient leur temps pour qu’elle contemple la mort qu’elle venait d’éviter. Les murs du tunnel étaient vide de marques. Le sol n’était que poussière. Le souffle court, elle se retourna vers sa carchacrock. Les pupilles dilatées, Malta sifflait, furieuse. Elle fit claquer sa queue comme un fouet, l’écrasant contre le mur. Un peu de poussière leur tomba dessus. Les ruines restèrent silencieuses.

Un son. Comme le tintement d’un carillon.

Au bout du tunnel, devant une porte peinte en rouge, un zarbi les attendait. Son œil unique pointait vers le soleil qui ornait le seuil. Des images de dragons étaient gravées dans la pierre. Jamais encore elle n’était venue ici. Jamais encore elle n’avait vu de zarbi dans ces ruines. Elle se releva, à bout de souffle.

« C’est un test. » dit-elle. « Les zarbis nous testent. »

La gueule de la carchacrock se déforma en un sourire inquiétant. Elle n’était pas contre l’idée de dévorer un alphabet.

Le zarbi n’avait pas bougé. Elles avaient tourné autour de lui mais son regard était resté fixé sur le soleil écarlate. Cynthia s’était aventurée à le toucher, il avait juste dérivé légèrement avant de revenir à sa place. Il avait un rôle à jouer et tant que sa mission n’était pas accomplie, il resterait muet comme une tombe. Leur attention se retourna sur la porte. Faite d’un unique bloc de pierre, elle était gravée de symboles de feu et dragons qui ressemblaient à des dracaufeus. Sans autre choix que d’avancer, Cynthia échangea un regard avec Malta avant de pousser la porte.

Il faisait chaud. Affreusement chaud. On se serait cru dans une fournaise. Le feu brûlait tout autour d’elles et ce soleil. Ce soleil. Une masse rouge immonde qui rayonnait de toute ses forces, aveuglant leurs sens. Il y avait quelque chose en son centre. Un joyau. Elle tendit la main pour l’attraper, risquant la morsure des flammes. Derrière elle, un puissant souffle balaya le sol. Un dracaufeu immense, possédant une envergure semblable à nulle autre, son front orné de trois crêtes, comme une couronne. Unworthy.

Cynthia fut brusquement ramenée à la réalité par un coup de queue qui la projeta au sol. Des dents claquèrent à l’endroit où elle se tenait tout juste. La pièce était sombre, à peine éclairée. En son centre trônait un autel où reposait une pierre semblable à un cristal. Il faisait chaud. Très chaud. Trop chaud. Une nouvelle fois, Malta s’interposa entre elle et l’assaillant invisible, la poussant de son corps pour qu’elle ne reste pas sur le chemin des flammes. La face d’un dracaufeu s’illumina quelques secondes, ses écailles orange brillant comme un tison. Deux cornes.

« Draco Charge ! » commanda-t-elle.

Malta décolla dans un claquement sonore, se fracassant contre le pokémon. Avec un cri le dracaufeu s’écrasa contre une colonne. Il rugit, Malta lui répondit en cœur. Leurs crocs claquèrent dans le vide, griffes contre griffes, ils essayaient de se renverser. Bête contre bête, à force égale, aucun ne semblait pouvoir remporter.

« Hydro-Queue ! »

Comme un fouet, la carchacrock vint frapper le pokémon feu à sa tempe. L’envoyant vaciller. Il répondit avec une explosion de flammes qui illumina la pièce entière. Cynthia aperçut un zarbi qui se tenait immobile face à une craquelure dans le mur. Comme si l’endroit s’était effondré. Ils montrent la voie. Il fallait suivre les zarbis. Le dracaufeu revint à la charge, faisant claquer ses ailes pour invoquer le vent et la tempête. Une tornade se formait au centre de la pièce, menaçant de les emporter en son sein. Cynthia s’accrochait à une colonne, ses pieds glissaient de plus en plus sur la pierre promettant d’éventuellement l’arracher. Les griffes ferment plantées, Malta grondait, elle ne plierait pas.

« Malta ! Il faut suivre le zarbi, par-là ! » indiqua-t-elle, en pointant la fissure.

La crachacrock poussa un rugissement, rechignant à abandonner son adversaire. La tornade gronda de plus belle, Cynthia sentit son corps quitter le sol.

« Malta !! »

En un bond elle était là, la serrant tout contre elle. En deux bonds, elle avait traversé la pièce pour l’entrainer à la suite du zarbi. Cynthia regarda le dracaufeu et son trésor disparaitre. Intouchés. Ce n’était pas à elle de le prendre.

Le couloir était exigu et comme la pièce précédente, c’était la première fois qu’elles y mettaient les pieds. La roche les menaçait, pendant du plafond en dent de scie. Malgré tout le sol était pavé, loin de s’être enfoncé sous terre, elles étaient encore dans la Pyramide. Malta et elles s’échangèrent un regard lourd de sens. Qui, ou quoi que ce soit qui régnait ici souhaitait vérifier leur valeur. Elles avaient échoué l’épreuve d’avant, est-ce que cela allait avoir un impact ? Rêveraient-elles Shaye ou allaient-elles rejoindre les cranes de sa vision ? Elle espérait au moins que cette dernière ne soit pas trop déçue. Peut-être qu’elle pourra publier le début de livre qu’elle avait commencé à écrire, ce serait dommage que toutes ses recherches passent aux oubliettes. La pleurerait-elle ?

Le tunnel s’élargit soudainement, dévoilant une fosse à la profondeur insondable. Elles s’approchèrent du bord. Seul l’écho de leurs pas leur répondit. La grotte était teintée de bleue, éclairée par une mousse bioluminescente. Sur les parois étaient dessinés avec le style précinzain des léviators aux ailerons proéminents. Ils semblaient danser dans les nuages. Malta la toucha doucement pour attirer son attention, sous la poussière, une pierre à la forme étrange.

Cynthia la ramassa.

Un long pont s’étendait devant elle. Couvert de glyphes en tout genre. Elle pouvait entendre le raclement d’une forme serpentine dans l’abysse. Le gardien de cette épreuve, prêt à dévorer quiconque aurait l’audace d’échouer. Sur les murs, les peintures dansaient, animée d’une vie fantastique. Elles formaient des icones. Vague, foudre, dague, sang, lune. Un long sifflement résonna. Deux yeux jaunes titanesques brillaient dans le noir. Un rugissement qui tonna comme un coup de tonnerre. Unworthy.

D’un bond Cynthia s’éloigna du précipice. La pierre dans ses mains était moite. Elle était semblable à celle que gardait le dracaufeu. Le zarbi avait disparu. Malta s’enroula autour d’elle, faisant barrière de son corps, sur ses gardes, elle s’attendait à se faire attaquer à tout moment. Pendant plusieurs longues secondes, elles restèrent immobiles, tendues. Rien ne vint. D’un commun accord elles s’approchèrent une nouvelle fois du bord, en quête du gardien qu’elles avaient entre aperçut. Cynthia remarqua alors l’absence du pont. Elle glissa sa main sur le rebord. Brisé net. Le plafond était fissuré. Une grosse sculpture en forme de léviator avait perdu sa mâchoire.

« Il y a dû avoir un éboulement. Le pont s’est effondré. »

Malta pointa la queue en direction de l’autre côté du gouffre. Un autre zarbi les attendait. Leur guide lui avait disparu. Elles devaient traverser. C’était probablement ça l’épreuve. Marcher sur les bonnes dalles ou quelque chose du genre. Sauf qu’il n’y avait plus de dalle. Ni de pont. Par respect pour le gardien, Cynthia reposa le cristal. Il ne l’avait pas jugé méritante et si elle ne comprenait toujours pas quels étaient les critères, elle pouvait au moins respecter sa volonté. Enjambant les épaules de Malta, elle se calla sur son dos pour permettre à la crachacrock de voler jusqu’à l’autre côté. C’était si simple. Pourquoi cette pièce n’était-elle pas en bon état ? Que se passait-il dans le temple ? Le seul moyen d’en apprendre plus, avancer. Suivant leur nouveau guide, la pair s’enfonça dans les ténèbres, laissant la salle bleue derrière elles.

Tout était noir. Complètement noir. C’était à peine si elle pouvait sentir le sol sous ses pieds. Même Malta était à peine audible. Elles avançaient en se touchant, le zarbi qui était supposé les guider avait disparu depuis longtemps. Cynthia espérait avoir une autre de ces visions qui indiquaient le chemin mais rien. Si ce n’était cette absence complète. Maintenant qu’elle y repensait toute cette histoire était étrange. Elle semblait échouer les défis les uns après les autres. Unworthy. C’était ce qu’ils avaient dit. Mais de quoi ? Ces cristaux peut-être ? Elle ne les avait pas bien vu. Le premier avait été englobé par des flammes, le second couvert de mousse et de poussière. Tous deux gardés par des pokémons sauvages.

Elle avait eu du mal à imaginer comment ils auraient pu se retrouver ici. Peut-être que toute cette histoire n’était qu’un rêve, une illusion d’un pokémon spectre. Pourtant… elle se rappelait sa dernière visite. Ce coup de vent violent venu des profondeurs de la Pyramide. Était-ce les gardiens ? Non, quelque chose d’autre était à l’œuvre. Pierres, pokémons, zarbis. Elle pouvait faire un lien assez évident mais tout comme cette histoire avec le Jacaré, il lui semblait qu’il y avait plus.

« Tu penses qu’on est fichue, ou ça mène quelque part ? » demanda-t-elle avec un murmure. « Pourquoi on chuchote d’ailleurs, y’a personne ici à part nous. »

Malta émit un son qui pouvait dire beaucoup de chose. Pour autant que la championne affirmait fièrement pouvoir comprendre son pokémon comme un livre ouvert, elle avait tout de même besoin de le voir, ce livre. Cynthia se cogna contre quelque chose. Vu la texture c’était Malta qui s’était brusquement arrêtée. L’archéologue se frotta le nez avant de se rapprocher à tâtons de la tête de sa carchacrock.

« Qu’est-ce que c’est ? »

Il y avait un mur devant elle. Cynthia étala ses mains partout sur la surface, espérant y trouver une accroche, sans succès. C’était lisse et arrondit. Elle cogna dessus du dos de la main. Non c’était bien de la pierre et pas un pokémon. A ses côtés elle sentit Malta bouger. La carchacrock rampa le long de l’obstacle comme si elle avait flairé quelque chose. Cynthia entendit des sons de griffes qui raclaient contre le sol.

« Tu n’es pas entrain d’essayer de faire un trou dis-moi… »

Brusquement la pièce s’illumina. La gueule ouverte, les crocs de malta crépitaient comme de la braise. Ah, elle avait peut-être oublié qu’elle pouvait faire ça et la carchacrock avait peut-être oublié que sa dresseuse ne voyait pas dans le noir. Elles se tenaient devant une immense colonne abattue. Celle-ci bouchait la sortie vers la prochaine pièce. Malta agita sa queue, ses intentions étaient claires mais, est-ce que l’archéologue le tolèrerait. Cynthia lui demanda d’éclairer un peu le reste de la pièce avant de prendre une décision. L’endroit était comme un nid. Sous leurs pieds, la mosaïque représentait un roucarnage avec une grosse plume sur la tête. Il y avait in interstice là où se trouvait l’œil du pokémon, comme si quelque chose s’y était trouvé. Quelque chose comme une gemme.

Il n’y avait plus aucun doute, ce temple, ces épreuves. Tout pointait en direction de la méga-évolution. Est-ce qu’elles allaient tomber sur un carchacrock ci-bas ? Étaient-elles prêtes à affronter le gardien ? Et pourquoi cette salle-ci était vide ? Il semblait qu’à l’inverse de sa première vision, plus elles avançaient vers le cœur de la Pyramide, plus celle-ci de désagrégeait. Était-ce ici la réelle raison de leur venue ?

« Vas-y. De toute manière, je doute que nous puissions reculer. »

Avec un grondement d’effort, Malta fit de son mieux pour soulever la colonne. Brusquement, la lumière filtra par l’entrée dans la pièce. Illuminant les mosaïques qui décoraient tout le lieu en ruine. Elles avaient gardé leurs couleurs malgré le temps et la poussière. Une véritable merveille d’artisanat. La dragone poussa un râle. Sortant de sa contemplation, Cynthia rampa rapidement sous la colonne jusqu’à se trouver de l’autre côté. Une fois en sécurité, elle rappela Malta dans sa pokéball. La pierre s’effondra avec un craquement sonore. L’archéologue fit un bruit peiné. Elle espérait que ça n’avait pas endommagé le sol, mais vu le son, c’était peu probable. Relâchant Malta, les deux entreprirent de continuer leur avancée. De toute manière, le chemin du retour était bloqué.

Il y avait des miroirs partout. Les murs, le sol même le plafond n’avait pas été épargné. D’or, d’argent ou de cuivre, ils faisaient danser leurs réflexions comme si une multitude de monde s’était uni en ce point. Si Cynthia devait faire une supposition quant à la nature du gardien de ces lieux, elle aurait supposé Ténéfix ou Steelix. On se serait presque cru quand l’une de ces attractions dans les fêtes foraines. Là où dans les films les héros finissent par inlassablement se perdent et arrivent à battre le méchant à son propre jeu en utilisant la magie du cinéma et du trompe œil. Avec un peu de chance, Malta et elle ne joueraient pas le rôle du clochard qui se prenait un mur. Elle s’approcha d’un des miroirs, tapotant sa surface du bout de l’ongle.

« Tu crois qu’on est supposé réfléchir au sens de la vie ? » demanda-t-elle. « Ou admettre ses défauts ? Oh ! Je sais, y’a une méchante version de nous même qui va apparaitre de nulle part et on va devoir la combattre et triompher ! »

Malta leva les yeux au ciel.

« Hm ? C’est quoi cette attitude, tu as une meilleure théorie ? Je suis prête à l’entendre… c’est bien ce que je croyais. »

La carchacrock la poussa dans le miroir avant de prendre le chemin le plus évident. Se frottant le nez, Cynthia la suivit en bougonnant. Shaye l’aurait pas poussée dans le mur. Pourquoi c’était pas elle qui pouvait être là ? C’était vraiment pas de chance. Trainant des pieds comme une gamine de 5 ans, elle en profitait pour admirer l’architecture du lieu. Si elle était quasiment certaine à ce stade que c’était le travail d’un pokémon, les détails n’en restaient pas moins à couper le souffle.

Elle se perdirent pendant plusieurs heures dans le dédale et ce malgré une vision qui avait tenté de leur indiquer quelque chose. La seule bonne nouvelle c’était qu’il n’y avait personne pour les chasser avec un couteau. La mauvaise c’était qu’elles commençaient à avoir mal au pieds et à la tête à force de se disputer sur la direction à suite.

« Mais puisque je te dis qu’on est déjà passé par là ! Regarde, c’est mon chapeau ! Il faut tourner à gauche, puis à droite, à gauche 2 fois et.. AH MERDE ! »

Épuisée elle s’affala contre un miroir, qui bascula brusquement en arrière, lui arrachant un cri aigu tout à fait indigne de son rang et révélant un passage secret. Malta la rejoignit avec précipitation, autant inquiète que pressée de sortir d’ici. Ah, alors c’était ça que la vision avait voulu dire lorsque le ténéfix était sorti d’un miroir. Elle croyait que c’était plutôt un truc du style : soit traumatisée à vie et ne dors plus jamais. La morale dans les histoires c’est plus ce que c’était.

Alors qu’elles avançaient, Cynthia se demandait si ça avait une fin ce truc. Combien de pokémon méga-évolué il y avait déjà ? Suffisamment pour les tenir occupées toute la journée. Surtout si elles devaient passer par une épreuve semblable à cette dernière. Est-ce que Shaye se languissait d’elles ? Non, elle devait probablement vider les réserves de chips et courir les toits de la ville pourchassée par des réguladors qui ne la rattraperont jamais. Elle aurait presque souhaité la rejoindre tant sa compagnie lui manquait. Elle aurait sut rendre le voyage plus agréable.

Une dalle s’enfonça sous la patte de Malta qui regarda l’artifice avec curiosité, à peine surprise. Qu’est-ce qui allait arriver cette fois-ci ? La dernière fois qu’elles avaient activé un piège c’était dans la salle des miroirs et Cynthia avait bien manqué de se faire transformer en sablaireau par des dards probablement empoisonnés.

Un grondement retentit. Il provenait de derrière elles et se rapprochait. Vite. La paire se retourna, curieuse. Malta tendait l’oreille quand soudain, ses yeux se dilatèrent. Merde. Elle attrapa machinalement sa dresseuse d’un coup de griffe avant de courir à toute vitesse. Le plus loin possible pour ne pas qu'il les rattrape. Accrochée comme elle le pouvait à son pokémon, la championne eu le temps de voir l’énorme rocher qui fonçait droit sur elles à toute vitesse. Oh non. Ça n’existe pas que dans les livres ce truc ? C’était quoi leur chance ?

Elles se fracassèrent sur les dalles de la nouvelle pièce, esquivant de justesse la pierre qui continua son chemin mortel jusqu’à venir s’éclater dans une espèce de piscine. Aussitôt qu'elle était apparue, elle avait disparu. Un excellent assassin, si ça n'avait été pour les reflexes de la carchacrock.

La pièce où elles se trouvaient était large et rectangulaire. Loin de partager l'opulence des autres antichambres, celle-ci semblait presque banale. Ses murs peints de couleurs chaudes qui évoquaient les anciennes villas de Cinza construite avec l'argile ferreuse de la région. La piscine en son centre était restée limpide malgré les années, ou peut-être grâce à elles. Couverte de mosaïque bleue, les artisans qui l'avaient confectionné l'avaient fait avec soin et talent. Tout était fait pour être accueillant.

Il y eu un tintement de carillons.

Le même son qu’elles avaient entendu en entrant.

Volant au centre de la pièce, son œil unique rivé sur les deux intruses, un cryptéro trônait tel un roi. Surveillant tous leurs mouvements d’un air las. Ses larges ailes ne bougeaient pas, il était comme suspendu dans l'air. Patient. Les zarbis, éternels prisonniers des ruines, tournaient autour de lui, on aurait pu croire qu'ils le vénéraient. L’archéologue reconnu certains d’entre eux. Ils les avaient guidés vers la voie à suivre dans les épreuves précédentes.

Malta reposa sa dresseuse au sol. Avare de bonne impression, elle n’accorda au pokémon qu’un sourd grondement. Un avertissement pour s'il lui venait l'idée de les menacer. Cynthia, elle restait muette devant l’apparition. C’était lui qui avait hanté ses rêves. Son œil l’avait gardé éveillée des nuits entières. Son nom était une évidence.

« Teotihuacan. »

Lentement l’oiseau baisa sa tête. Il saluait ses invités.

La bouche sèche Cynthia était comme hypnotisée par le cryptéro. Il s’approcha d’elle, abandonnant ses zarbis qui se mirent à tourner dans tous les sens avec un rythme cacophonique. Elle pouvait sentir ses pouvoirs psychiques hérisser tous les poils de son corps. Un instant elle était dans cette vieille pièce avec lui et l’autre…

Elle était dans une large salle mal éclairée. Les murs peints représentaient des scènes de légendes, des héros terrassants de gros monstres, des pokémons méga-évolués combattant au côtés de leurs dresseurs. Le silence régnait malgré la foule qui s’était accumulée en rang le long de l’allée centrale. L'évènement était solennel. La pièce était décorée de larges rideaux qui montaient jusqu’au plafond et de larges vases en malachite et or. Au fond de la pièce, un autel entouré de prêtres portant des robes colorées et tenant dans leurs mains des encens, il n’en restait pas moins imposant. À ses côtés une femme. Son visage lui était familier, pourtant elle ne l’avait jamais vue. Elle savait simplement qu’elle l’aimait plus que tout et que cette situation était injuste. Qu'elle ne pouvait s'y opposer, c'était sa volonté. Elle devait au moins lui offrir ce choix là.

C’était une exécution.

Cynthia cligna des yeux, vacillant sur ses appuis, étouffée par une émotion qui n’était pas la sienne. Le cryptéro, Teotihuacan, pourquoi lui montrait-il cela ? Toutes ces visions... elles ne venaient pas des zarbis, ou de quelconques souvenirs passés mais du pokémon. C'était son histoire. Un appel à l’aide. Pourquoi elle ? Qu’avait-elle que d'autres n’avaient pas ? Non. C'était la mauvaise question. Combien avaient succombé aux épreuves en essayant de répondre à son appel ? Tourmenté par un passé qu’il ne pouvait changer, il avait mené plus d’un à sa mort prématurée. Dans quel but ?

« Que s’est-il passé ensuite ? » demanda-t-elle. « Pourquoi ces défis ? »

L’oiseau émit un son triste. Comme résigné. Ce n'était pas la première fois qu'il faisait cela. Il espérait que ce soit la dernière.

Elle sentit la main de la femme contre sa joue. Son sourire tremblant qui peinait à remonter jusqu’à ses yeux malgré tout l'effort qu'elle y mettait. Sa douce voix rassurante et la pierre qu’elle plaçait dans ses serres. Cynthia lui avait promis de veiller dessus. C’était son plus grand honneur. Sa plus grande tristesse. Elle aurait dû pouvoir faire plus. La volonté du roi était divine. Nul ne pouvait s’y opposer. Nul ne le souhaitait.

On lui avait arraché la pierre. On lui avait pris son trésor. Indigne ! Colère ! Outrage ! Le roi l’emportait avec lui. En attendant que quelqu’un s’en montre digne. Il n’y avait personne de digne. Elle était morte. Elle avait entendu la dague percer son cœur. Senti l’odeur ferreuse de son sang, vu l’autel se teinter écarlate, les chaussures de souiller sur le liquide, le soupir de son dernier souffle. Cette gemme revient aux vaillants et aux fidèles. Les gardiens sauront juger leur caractère. Les lourdes portes plaquée or de la salle au trésor s’étaient refermées avec le bruit d’un vieux mécanisme huilé. On l'avait ignoré comme ont le faisait si souvent. Elle n'avait pas été bénie par les dieux, les pierres ne la reconnaissaient pas comme sacrée. Elle n'était qu'un oiseau de malheur. Inutile. Immobile. Il n'y pas d'amour, de bénédiction plus puissante que la méga-évolution. Tu n'en es pas digne. Scellée jusqu’à ce que le roi en décide autrement. La pierre attendait.

Cynthia rouvrit lentement ses yeux. Elle retint un haut le cœur, ce n’était pas le premier cadavre qu’elle voyait, ni même la mort la plus violente, mais les sentiments du cryptéro se mélangeaient à ses souvenirs, envahissaient son esprit et appelaient ses démons aussi surement qu'un os dans une meute de démolosses. Pendant un court instant elle revit les corps calcinés de ses pokémons et son sang sur le sable de la cage. Le gout du fer dans sa bouche. Cette lumière éblouissante qui martelait son crâne. Le rire- Malta se colla à elle, chassant le pokémon psy d'un violent coup de queue. La texture familière de ses écailles la rassura. Elle savait qu’elle n’était plus là-bas, que la page avait été tournée.

« Ce n'est rien, Malta. Juste un mal de tête à cause de la fatigue. »

Tout le monde n’avait pas eu cette chance. Elle leva les yeux vers Teotihuacan. Il avait essayé. Il avait attendu. Une tâche impossible. On ne pouvait forcer la méga-évolution. Pas sans méga-gemme, ni sans dresseur. Sa tâche était vouée à l'échec. Ça n'avait jamais arrêté Cynthia. Elle laissa ses doigts glisser sur les écailles de sa carchacrock. Elle non plus ne pouvait pas méga-évoluer mais elle en avait le potentiel. Cela faisait-il d'elle un meilleur pokémon que le cryptéro ? Un pire que les gardiens ? Non.

« Guide-nous jusqu’à la salle aux trésors. Il est temps que ce roi se rende compte que son temps est révolu. »

Elle prit une grande inspiration. Le regard déterminé. La championne de La Isicao avait un nouveau challenger.

Teotihuacan les mena hors de la pièce. Il semblait résigné. Cynthia pouvait supposer que des siècles d’échecs pouvaient avoir cet effet là sur quelqu’un. Elle ne s’estimait pas forcément meilleure que ceux qui étaient venue avant elle. Elle savait cependant que sur le champ de bataille, un dresseur ne combattait pas seul. Malta était à ses côtés, l’avait été et le serait. Leurs forces en étaient décuplées et leurs faiblesses compensées. Si elle avait pu douter de sa force, elle ne doutait pas de la leur.

Les portes de la salle au trésor étaient restées fermées. Le temps les avait vieillies et elles portaient les marques de violents coups. On avait essayé de les enfoncer et à la vu des squelettes jonchant le sol, échoué. Elle se rapprocha de la porte, laissa son doigt glisser sur le renfoncement de forme particulière. Elle aurait pu la reconnaitre entre mille. Un sourire de dessina sur ses lèvres, adoucissant les traits de son visage. Son porte bonheur sur patte avait encore frappé. L’archéologue fouilla dans son sac pour en sortir la statuette que Shaye avait sauvé, elle l’avait prise avec elle sur un coup de tête. Chance, ou instinct d’archéologue, on ne le saurait jamais. Elle aurait embrassé sa colloc’ si elle avait été là, ça rendait pile poil. Teotihuacan s’approcha, curieux. Il resta un instant coi devant la scène, son visage illisible.

« Tu pourras remercier Shaye. C’est… une amie. C’est elle qui l’a trouvé. » Elle le regarda quelques secondes. « Tu peux me faire l’honneur ? »

La championne se recula pour laisser l’espace au cryptéro. Il resta silencieux de longues secondes. Elle le laissa faire son deuil, ayant conscience qu’il avait depuis longtemps abandonné l’idée d’aller aussi loin. Perdu dans sa torture éternelle, la salvation n’avait même plus le goût du rêve. Il enfonça lentement la statuette. Le zarbi Q s’emboita parfaitement dans le trou. La salle se mit à résonner du son mécanique de rouages qui s’entrechoquaient. Comme des titans réveillés de leur torpeur, ils s’étiraient d’une lenteur agonisante. Les lourdes portes s’ouvrirent en pestant. Poussant hors de leur chemin les ossements des malheureux. On disait que l’histoire ne se rappelait que des vainqueurs non ?

La pièce était immense. Le plafond arcbouté était soutenu de lourdes colonnes décorées de gargouilles à l’air mesquin et feuilles de plantes luxuriantes. Cynthia s’avança dans la pièce. Le son de son pas résonna dans un écho violent. Comme le son de trompettes, une clameur de bienvenue. La pièce était entièrement vide. S’il y avait eu richesses et gloire ici, alors elles avaient certainement été transformées en poussière. Ou liquidés par un roi peu scrupuleux. La déception qu’elle ressentait n’était en rien égale à celle du cryptéro. Elle pouvait le voir trembler de tous ses membres. Rage, désespoir, peur. Tant d’émotions qui le déchiraient de l’intérieur. Malta vint se placer à ses côtés. Un soutient silencieux. Elle ne pouvait changer le passé.

« Avançons. » proposa Cynthia.

Les ruines avaient leur valeur. Ce n’était pas parce qu’elles étaient muettes qu’elles n’avaient rien à dire. Leur silence en disait toujours long. Aussi frustrant soit-il. Elle voulait s’assurer de ne rien louper. Pour ne pas avoir de regret. Offrir à ce cryptéro la chance d’un adieu. Une Ball’Ombre percuta Teotihacan avec une violence inouïe.

« Malta !! Protège-le ! »

La crachacrock se jeta devant la seconde attaque, encaissant la malédiction avec un grognement. L’air de la pièce avait brusquement chuté, si bien que leur souffle produisait une faible fumée blanche. Dans le noir, trois yeux dorés brillaient avec méchanceté. On disait que les pokémons spectre naissaient de fortes émotions. La honte, la peur, l’amour ou la rancœur.

Unworthy. Indigne.

Le roi n’avait pas eu assez d’ôter la vie de la dresseuse du cryptéro. Il fallait qu’il en garde la mémoire. Enchâssée sur son front. Juste au-dessus de son troisième œil. La méga-gemme. Le trésor de Teotihuacan. Malta s’ébroua, poussant un rugissement tonitruant amplifié par l’écho. Animé d’une même colère, le cryptéro se relevait, ses ailes tremblant dans l’air. Son œil unique n’avait qu’une cible. Il saurait honorer la mémoire de sa bien-aimée.

« Hey votre majesté, les bouseux sont là pour vous piller. » dit-elle avec un sourire sinistre. « J’espère que tu seras à la hauteur de la peine que tu as causée à Teo. Crève pas trop vite, promis ? »

L’ectoplasma poussa un hurlement furieux avant de se jeter sur la carchacrock. Malta évita le coup d’un bond, faisant claquer ses ailes pour prendre de la distance. Le cryptéro sembla briller quelques instants, immobile face au danger.

« Malta, Mâchouille, empêche-le de s’approcher de Teo. Teotihuacan, Mur Lumière ! »

L’oiseau se retourna vers elle, surprise. Elle lui répondit d’un regard qui n’autorisait pas la contestation. C’était elle, la dresseuse ici. Chamboulé, le pokémon repris contenance lors que la dragonne s’abattit de plein fouet sur le pokémon méga-évolué. Ensemble. Le pokémon spectre recula dans les ombres, là où la carchacrock ne pourrait l’atteindre. Il invoqua une violente Ball’Ombre qui fut stoppée nette par le mur lumineux de Teotihuacan. Malta sauta sur l’occasion. Ses crocs claquèrent dans le vide. Impossible d’atteindre le pokémon. Il se mouvait sans contrainte dans les ténèbres. Roi de cette pyramide, il ne saurait être vaincu. Cynthia claqua des doigts.

« Teotihuacan, Gravité ! Malta, prépare-toi ! Dans 3- ! »

Brusquement sous l’appel du pokémon psy, la gravité s’inversât. Cynthia sentit ses pieds quitter le sol, Malta se raccrocha avec ses griffes, toute recroquevillée sur elle-même, prête à bondir.

« 2- ! »

L’ectoplasma fut arraché de son ombre. Pestant comme un damné, il explosa dans une rage violente. Cynthia se couvrit le visage. Le vibroscur éclata dans toute la pièce avec un hurlement d’agonie.

« 1- ! »

Teotihuacan se plaça devant elle, la protégeant de son corps au mépris de ses blessures et de la violence de l’attaque. Comme par instinct. Propulsé au sol par la violence du coup, il ne se releva pas.

« Maintenant ! »

Coincé au milieu de la pièce. Trop loin de toute surface où il pourrait se cacher, l’ectoplasma était à la merci des crocs de la carchacrock. Avec une vitesse explosive, Malta décolla, percutant de plein fouet le pokémon spectre. Elle enfonça ses crocs dans son crâne, arrachant d’un coup sec la méga-gemme qui y trônait. L’ectoplasma s’effondra avec un râle. La gravité retourna brusquement à la normale. Cynthia frappa le sol avec un son mou alors que Malta se déchainait sur le pokémon désormais prisonnier de sa rage. La championne se releva pour courir au chevet du cryptéro. Frénétique, elle cherchait une potion dans son sac, lorsqu’elle sentit des plumes caresser son bras. L’oiseau la regardait de son œil fatigué.

L’image d’un sourire. La chaleur d’une belle journée d’été. Les fleurs toute nouvellement écloses. Un plat sorti du four.

Elle lui sourit. Posant sa main sur son torse. Malta fracassa une dernière fois l’ectoplasma sur le sol. Le pokémon hanté disparu dans un soupir. Cynthia tendit la main en direction de sa partenaire. La crachacrock y déposa la méga-gemme de Teotihuacan avant de s’asseoir à ses côtés. Elle adressa un signe de tête rempli de respect au pokémon psy. Il avait protégé sa dresseuse. Il avait fait preuve de fidélité et vaillance.

« C’est à toi. » lui dit-elle. « Tu l'as mérité. »

Jamais Cynthia n’aurait pensé voir un jour un cryptéro pleurer. Elle déposa la gemme sur son torse, avant de lui tourner le dos afin de lui offrir un peu d’intimité. Les sons du pokémon étaient à fendre le cœur. Malta se rapprocha encore plus près d’elle, jusqu’à ce que leurs corps se touchent. Elle comprenait la peine du pokémon. Elle aussi avait perdu son trésor. Elle aussi avait eu la force de se battre pour lui et de la retrouver. Sa Cynthia. Elle posa sa tête sur l’épaule de sa dresseuse. Fermant les yeux quelques instants pour profiter de son embrase.

Le trio resta ainsi de longues minutes. Laissant le temps à Teotihuacan d’exprimer sa douleur face à des siècles de torture. Jusqu’au bout, le roi en avait voulu à la dresseuse du pokémon. Il l’avait haï au point de devenir un monstre dans sa mort. Au point d’hanter ces lieux jusqu’à son deuxième trépas. L’orgueil d’un homme pouvait causer sa perte. Il s’était cru puissant, meilleur. La méga-évolution n’était qu’un outil pas une fin. Il en avait fait tout son être, l’avait laissé obscurcir son jugement. La dresseuse du cryptéro avait été exécutée parce qu’elle avait osé partager cette connaissance divine avec des non-initiés. Le roi avait cru ce pouvoir sien. Lui leur et ses fidèles méritaient la bénédiction des pierres, quiconque oserait bafouer le statu quo serait nommé hérétique et exécuté. Sa fille lui avait craché au visage avant que le poignard ne lui perce le cœur. Au final, des sciècles plus tard la connaissance avait été démocratisée. En interdisant les combats pokémons Caldwell avait bafoué son sacrifice.

Cynthia savait qu’elle devait faire mieux si elle voulait préserver l’histoire. Faire honneur aux actions de ceux avant elle. Elle avait menti lorsqu’elle avait dit qu’elle avait tourné la page. Trop effrayée à l’idée de perdre ses pokémons, elle n’avait jamais osé en prendre de nouveau. Elle ne pouvait pas se battre seule. Teotihuacan se releva. Déployant ses grandes ailes comme si elles goutaient à l’air pour la première fois. Dans un sens il avait retrouvé sa liberté.

« Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ? » lui demanda-t-elle.

Il sembla hésiter. Son regard se perdit dans les profondeurs de la salle. Vide. Inutile. Il tourna son œil vers la femme. La jaugeant de son regard perçant. Il aurait aimé… Courant la tête en direction de la carchacrock, il lui posa une unique question. Malta hocha lentement la tête. Elle n’aurait jamais pensé faire cela avant. Les années l’avaient bien changées. Le pokémon psy s’avança pour déposer la méga-gemme dans les mains de la Championne. Son regard déterminé la fixait. Il poussa un cri. Cynthia sentit un large sourire déformer ses traits.

« Ce serait un honneur. Je saurais m’en montrer digne. »

Elle referma ses doigts sur la méga-gemme. Elle était légèrement froide, on pouvait sentir une étrange sensation de picotement en la touchant, comme si elle était chargée d’énergie à peine contenue.  La dresseuse releva les yeux vers le cryptéro pour le voir entouré de zarbis. Ceux-ci avaient mystérieusement disparu lorsqu’ils s’étaient approchés de la salle scellée. Ils dansaient maintenant autour du pokémon psy d’un air un peu triste. Après plusieurs tours et quelques échanges qu’eux seuls comprenaient, ils se déplacèrent en masse, comme une vague poussée par un courant. Ils les suivirent en silence jusqu’à ce que le chemin se fasse familier.

De nouveau au hall d’entrée, il ne fallait qu’un pas pour sortir de l’endroit. Cynthia se tourna vers Teotihuacan. Tendant sa main pour attraper sa serre. Elle lui sourit gentiment.

« Ensemble ? »

Ensemble.