Le ciel était bleu, les vagues bougeaient, elle vomissait dans le port. Bon, c’est pas le plus poétique début d’histoire qu’il y ait jamais eu, mais il fallait excuser Cynthia, elle s’était peut-être fait embrigadée dans une soirée un peu trop longue la veille et venait juste de découvrir que le soleil s’était levé. Depuis 5 heures. Ugh, les conférences avec ses pairs finissaient rarement bien. Il lui semblait se rappeler que Lorenzo avait essayé d’étrangler Viktor à cause d’une histoire de taxonomie. Ou alors c’était l’un des deux qui avait sortit que les dunaconda rebondissaient sur le queues pour se déplacer ? Elle n’était plus exactement certaine.

Dans tous les cas l’embrun de la mer ne faisait en rien pour aider sa condition. Pas plus que les trois délinquants de pacotille qui étaient en train d’harceler un vieil homme juste à côté. Sérieux ? Juste devant mon vomi ? Elle relâcha Malta d’un geste mou, l’envoyant taper sur les gars. Il y eu un splash ! sonore suivit de cris et d’encore plus d’éclats d’eau. Cynthia leva la tête de son désastre pour tomber nez à nez avec une clamiral aux couleurs étranges qui la regardait d’un air circonspect. Une main à la peau sombre, toute noueuse lui tendit un verre. Elle l’avala cul sec avant que son bon sens ne vienne la faire questionner sa situation. Ce fut comme un miracle. Ses mots de têtes disparurent quasi immédiatement.

« Merci pour le coup de main. C’rare d’voir de jeunes gens aussi aimables d’nos jours. »

Elle se retourna surprise pour voir un papi. Genre un vieux papi avec tout ce qu’un vieux papi a, des cheveux blancs, une moustache blanche, la casquette démodée depuis au moins 5 décennies et qui n’a probablement jamais été à la mode et le plus gentil des sourires au monde. Oh, elle allait fondre. Malta faisait les gros yeux derrière. Comme pour l’avertir de quelque chose. Hm ?  Oh le clamiral.

« De rien, je peux en avoir dix de votre potion magique ? »

« Jajaja, d’solé, recette de marin. » répondit-il en souriant. « V’êtes là pour la course ? »

« Quelle course ? »

« La Course des Grands Vents, en l’honneur d’Lugia. »

Elle remarqua alors que sa chemise laissait dépasser une combinaison de plongée. Oh, c’était aujourd’hui ? Elle se redressa tant bien que mal, histoire d’avoir l’air un minimum présentable après cette horrible introduction. Et sorti donc la première connerie qui lui passa par la bouche parce qu’assurément c’était pas passé par la tête avant.

« Ouais bien sûr ! »

Le sourire du vieil homme s’élargit encore – comment il faisait ça avec sa bouche ? – et il rigola de manière sonore. Un peu de la manière dont tu t’attends qu’un pirate risse et non pas un vieux papi tout mignon tout plein à craquer. Une espèce de rire qui lui disait quelque chose.

« MOUPPIM ?????? »

Oui les points d’interrogations étaient nécessaires. Et oui c’était le gagnant de la course CULdwell au quel elle avait participé quelques semaines plus tôt. Mais qu’est-ce qu’il faisait là ? Attends, pourquoi il avait l’air mignon, cet homme était un monstre. Il avait un clamiral ? POURQUOI IL A PAS UTILISE CA PLUTÔT QU’UN SINISTRAIL DANS LE DESERT ? Est-ce qu’elle était encore bourrée ?

« Aye. J’me disais bien qu’j’vous reconnaissais. S’êtes l’amie d’la p’tie Shaye. » dit-il. « Un beau dragon qu’vous avez-là. »

« Je—quoi ? Attendez— »

« Dépêchez-vous les inscriptions vont s’terminer. Allez-zou, on s’retrouve sur la ligne de départ. »

Et c’est ainsi que Cynthia se retrouva, elle ne savait trop comment, en combinaison de plongée, les pieds pas très fermement plantés sur un char aquatique, avec Eridu entre ses jambes, Malta dans l’eau et Teotihuacan qui avait décidé de noyer le goelise du voisin parce qu’il la regardait mal. C’était quoi cette journée ? Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Pourquoi elle était stupide ? Elle n’avait pas de pass pour deux de ses trois pokémons.

Mouppim – ou Papi Pedro comme les gens l’appelaient ici – se rapprocha d’elle, sous les huées de la foule. Une bonne floppée d’abrutis s’étaient rassemblés avec des pancartes sur les rives en gueulant à la mort pour l’abolition de la course. On lui avait même jeté une canette dessus et un gars non loin s’était pris un œuf. Il se plaça à côté d’elle, son petit char des mers étant tracté par le fameux Sinistrail venu tout droit des enfers.

« Ça arrive souvent ce genre de chose ? » demanda-t-elle en pointant du menton les protestants.

« Bah ! Ignorez-les ça fait 8 années qu’ils essayant de s’débarasser d’la course mais on est tenace nous à San Camari. On va pas flancher face à des p’tis blanc bec. » explica-t-il. « C’t’une course d’endurance. Vous démarrez lentement pis on met les gaz sur l’dernier kilomètre. Si vous v’lez bien d’la compagnie d’un vieux loup d’mer. »

« Oh, oui avec plaisir. Ça vous arrive souvent de participer à des courses ? »

« Faut bien s’occuper d’puis qu’ils ont interdit la piraterie. »

« Quoi ? »

Le feu du départ sonna et dans un cri toutes les équipes partirent à toute vitesse. Pas le temps de finir la conversation. Le plus dangereux était le goulot de sortie, à la limite du port. Il fallait pas se retrouver coincé dedans. Cynthia vu le sinistrail du papi jeter son ancre au niveau de la jetée, tirer brusquement dessus pour l’envoyer, lui et tout son petit paquetage, voler au-dessus du bouchon et s’écraser sain et sauf de l’autre côté du port. C’était légal ça ? Elle échangea un regard avec Malta qui grimpa sur un léviator pour prendre de l’élan, en un puissant coup de patte, elle se propulsa en avant, entrainant à sa suite toute la petite famille qui s’agrippait aux raines avec l’énergie du désespoir. Teotihuacan faisait léviter le char histoire qu’ils ne l’abandonnent pas derrière et le groupe passa aisément devant le peloton, non sans une petite crise cardiaque ou deux. Le jury était resté bouche bée, incapable de décider si c’était légal ou non. Techniquement, il n’y avait aucune règle qui interdisait aux pokémons de sauter… Papi Pedro l’accueillit en claquant des mains. Cynthia sentait tous ses membres trembler, elle avait l’impression d’être faite en coton.

« Pas mal pour une citadine ! Allons-y ! »

La course repris de plus belle, se passant relativement tranquillement. Lorsqu’elle fatiguait, Eridu la remplaçait aux commandes et Teotihuacan s’était porté volontaire pour tirer leur petit char pour offrir un peu de repos à Malta. Elle avait beaucoup parlé avec Papi Pedro qui était connus de l’Underground sous le pseudonyme Mouppim. Il aurait apparemment été pirate dans sa jeunesse. Cynthia était aussi curieuse de sa clamiral. Elle ressemblait à s’y méprendre à ceux peints sur de vieilles tablettes. Apparemment, il l’aurait trouvée sur l’Ilha Monstruosa. Il avait vu là-bas des choses qu’il n’oublierait jamais. Un prédateur fait de métal qui avait laissé une longue cicatrice sur sa jambe gauche. L’intérêt de Cynthia était piqué.

La traversé se fit en douceur, plus une balade entre ami qu’une véritable compétition. Ça n’avait rien à voir avec la folie furieuse de la course CULdwell. Quelques contestants les avaient dépassés se moquant vulgairement d’eux mais la patience de Papi Pedro avait su calmer les ardeurs de la championne qui avait pu voir l’action du karma quelques mètres plus loin lorsqu’ils tombaient à l’eau à cause d’une mauvaise vague ou que leurs pokémons s’essoufflaient trop rapidement. Habitué de la course, son nom avait déjà été gravé sur le phare plusieurs fois, il connaissait les pièges de la rivière et les faisait avancer avec un calme professionnel.

Le dernier kilomètre en revanche était du chacun pour soi. Les deux avaient tracés aussi rapidement qu’ils le pouvaient, bravant les vagues et le courant comme si c’était du beurre. La ligne d’arrivée se dessinait devant eux, les deux étaient au coude à coude. Malta commençait à prendre l’avantage, elle dépassait le sinistrail d’une coudée. Elle n’était qu’à ça de la ligne d’arrivée. Un bruit métallique se fit entendre. Puis une ombre passa au-dessus de leur tête et Papi Pedro s’écrasa avec éclat sur la ligne d’arrivée, propulsé par le coup de grapin de son pokémon. La foule poussa un hurlement de joie qui couvrit les cris des manifestants.

« C’est— ! Honte à toi Papi ! » pesta-t-elle.

Il éclata de rire en manquant de s’étouffé sur un mauvais mouvement de bassin. Cynthia s’avança pour l’aider à se remettre droit sur son char.

« Tu es 100 ans trop jeune pour pouvoir nous battre. »

« Je veux une revanche ! Maintenant ! On fait le retour ! » Malta gronda en accord.

Une lumière s’alluma dans son regard, et un sourire presque carnassier se dessina sur le visage pourtant si doux du vieillard. Aussitôt les deux s’alignaient sur la ligne de départ malgré les protestations du jury qui les suppliaient au moins d’attendre qu’ils remettent les prix ! 3, 2, 1… PARTEZ !