- Clarisse Valencia : mère de Léonie, travaille dans le monde de la mode.
- Vincent Valencia : père de Léonie, travaille dans le monde des finances.
- Glorianna Valencia : soeur aînée de Léonie, ancienne mannequin elle est aujourd'hui actrice. Elle a deux enfants un peu plus âgés que les enfants de Léonie. Elle est mariée à Edward Siobhan autrefois pêcheur, il travaille maintenant pour son beau-père Vincent.
- Aster Valencia : fils de Léonie et d'Arthur, âgé de sept ans.
- Elina Valencia : fille de Léonie et Corvus, âgée de cinq ans.
- Arthur Torres : ex-époux de Léonie, aujourd'hui incarcéré.
- Imany N'Boutou : amie et ex-employée de Léonie, elle a maintenant son propre restaurant à La Isicao. Elle a un fils, Jon, âgé de seize ans, qui vit avec elle. Elle habite chez Léonie à l'occasion avec son fils.
- Akeira Daher : amie et ancienne nounou d'Aster et Elina, elle est désormais étudiante en enseignement à Sercena où elle habite avec son petit-ami, Sekou, le cousin de Corvus.
- Liora Adelin : amie et ex-colocataire de Léonie, gestionnaire d'un centre pour victimes de violence conjugale. Elle a deux enfants, Christine et Lukas âgés respectivement de 12 et 14 ans.
- Mercedes Blanchett alias Azmitia : amie et protectrice de Léonie, vieille ermite vivant seule avec ses Pokémon dans une petite cabane perdue dans les Pics de Niebla, ancienne dresseuse de renom d'une région lointaine.
- Alexis Sitan : ami et patron chez Craboss.
- Nolan Byrne : nounou des enfants de Léonie.
- Danaé : Lucario chromatique, ancienne Pokémon de Léonie.
- Oreste «Ori : Absol, ancien Pokémon de Léonie.
- Solal : Feurisson, ancien Pokémon de Léonie.
- Napoléon : Psystigri, ancien Pokémon de Léonie.
- Hélios : Pichu, ancien Pokémon de Léonie.
- Léonie provient d’une famille riche de San Camari qui occupait autrefois la place des Kelder dans la région. Suite à un scandale, la famille a perdu énormément en influence. Deuxième de deux filles, elle est l’enfant d’un père dans les finances et d’une mère qui œuvre dans le monde de la mode. Très vite, les deux petites filles reçoivent une pression monstre pour atteindre la perfection, surtout de la part de leur mère. Léonie est sa souffre-douleur. Rien ne satisfait jamais sa mère et la confiance en elle de la gamine en souffre énormément. D’enfant orgueilleuse et turbulente elle devient progressivement une jeune fille peu assurée et maladroite socialement. Elle réussit toutefois très bien à l’école.
- Léonie fait la rencontre d’un jeune homme alors qu’elle a quinze ans, un partenaire d’affaires de son père dénommé Arthur. Malgré la différence d’âge entre eux, il prend intérêt en la jeune fille. Pour ce qui est de l’adolescente, elle est aussitôt charmée par le trentenaire. C’est lui qui lui suggère de faire des études en gestion et administration, ce qu’elle fait finalement.
- Lors de ses études à Borao, elle revoit Arthur et ils débutent une relation amoureuse secrète. Suite à ses études, Léonie et lui débutent une vie ensemble incluant un mariage. Ils aménagent tous les deux à San Camari et Léonie débute sa carrière dans la compagnie de son époux. Celui-ci cherche à stopper l’ascension de sa femme dans la compagnie de toutes les manières. À la maison, Léonie et lui vivent le parfait bonheur… ou du moins est-ce que croit la jeune femme. Son époux se montre de plus en plus violent en paroles puis en gestes.
- À la fin 2013, Léonie découvre qu’elle est enceinte d’Arthur, une grossesse imprévue. L’annonce de celle-ci provoque une rage incontrôlable chez le nouveau père et s’en suit deux disputes très violentes. Lors de la dernière, Léonie est laissée pour morte. Elle décide alors de porter plainte à la police et son mari est incarcéré. Peu de temps après leur divorce se conclut.
- La jeune femme met un bon moment à se relever de cette dure épreuve. À plusieurs reprises elle est tentée d’abandonner les charges contre son ex mais se ravise à chaque fois. Elle entame une thérapie et une médication pour l’aider à vivre avec sa dépression sévère et son trouble post-traumatique. Lors de cette période, elle recherche l’aide d’une femme de légende, une ermite perdue dans les montagnes de Niebla. La vieille dame se fait appeler Azmitia et était autrefois une dresseuse de renom. Léonie se lie d’amitié avec elle et reçoit de judicieux conseils qu’elle porte encore avec elle aujourd’hui. C’est en séjournant chez Azmitia qu’elle fait la rencontre de Danaé sa Riolu chromatique.
- Léonie fait l’acquisition d’une propriété à San Camari et s’installe avec trois colocataires : Imany son ancienne cuisinière et bonne amie, Akeira son employée et future nounou de son enfant, et Liora une jeune femme rencontrée dans un café ayant vécu de la violence conjugale elle aussi, ainsi que ses deux enfants.
- Léonie rencontre Corvus à San Camari pendant l’été 2014 par hasard et l’aide à gérer les pleurs de son petit Pichu nommé Soleil.
- Elle met au monde son fils en septembre 2014 et le nomme Aster.
- Elle revoit Corvus à plusieurs reprises dans les mois suivants, au fil du hasard, jusqu’à ce que les deux ne doivent se rendre à l’évidence. Ils se mettent ensemble et deviennent inséparables. Auprès de lui, Léonie se sent enfin elle-même et surtout en sécurité. Lui faire confiance n’est pas chose aisée après son vécu avec Arthur mais elle apprend progressivement à s’ouvrir à lui et même à lui laisser une place dans son cœur.
- Aux Fêtes 2014 Arthur est condamné à dix années de prison. Léonie proclame un discours lors du procès, une lettre adressée à son ex et qui l’aide à laisser son passé derrière elle.
- Devant la montée en pouvoir de la Team Plasma et de ses supporteurs, Léonie ne peut rester les bras croisés. Elle participe à de nombreuses manifestations mais doit s’arrêter devant la dangerosité de ceux-ci. Corvus lui se jette corps et âme dans le mouvement rebelle. Peu de temps avant la Nova Existencia, Léonie apprend qu’elle est de nouveau enceinte, cette fois de son conjoint. Elle garde toutefois le secret jusqu’à être en mesure de le revoir en personne, comme celui-ci est pris dans la résistance de Sercena. Elle n’en a finalement jamais l’occasion puisqu’à leur ultime rencontre, Corvus et elle se séparent lors d’une dispute. Corvus est forcé de fuir, activement recherché par la Guarda. Il laisse derrière lui un enfant et un amour au cœur brisé. Elle ne l’a pas revu depuis.
- Au début de 2016 arrive à la porte de Léonie un petit Pichu bien familier : il s’agit de Soleil, le compagnon de Corvus. Leur fille Elina voit le jour en juillet 2016. Quelques mois plus tard, Léonie se fait arracher ses Pokémon par la Guarda, un événement très traumatisant pour elle dont elle ne s’est toujours pas remise.
- Léonie travaille désormais pour une compagnie appelée Craboss, firme judiciaire qui a pour objectif de rendre ses libertés au peuple cinzans de manière légale. Ils offrent des services légaux et organisent des recours collectifs contre le gouvernement majoritairement. Léonie est gestionnaire d’une petite équipe d’avocats, sous la tutelle de son ami et patron, Alexis Sitan. La jeune femme a fait de l’ordre dans sa vie et habite désormais seule avec ses deux enfants aujourd’hui âgés de cinq et sept ans.
Peu de familles incarnent l’orgueil autant que les Valencia; en ce sens je n’ai malheureusement pas été exemptée malgré la moindre mesure. Mes aïeuls ne proviennent pas de Cinza. Leur arrivée en ces terres remonte toutefois à une dizaine de générations, si bien que nous avons oublié notre véritable origine. Les livres d’histoire familiale (car oui, mes ancêtres ont eu l’audace d’écrire leur propre parcours, de l’embellir et le romancer comme s’il avait s’agit des personnages les plus importants de la région) racontent comment les premiers représentants Valencia ont fait leur fortune dans les plantations de café et de tabac, qu’ils ont participé à la construction de villages et de villes dont San Camari dont ils sont devenus de fiers ambassadeurs. À l’époque, ma famille occupait la place aujourd’hui réservée aux Kelder. Leur influence ne connaissait aucune résistance jusqu’aux manigances de mon grand-père paternel : ce dernier reconnu coupable de fraude fit perdre une part de la fortune familiale mais surtout sa renommée et la confiance du peuple. Depuis notre nom subsiste mais plus personne ne s’intéresse réellement à nous. Mes parents tentent encore de se convaincre de leur propre importance; pour ma part j’ai fait le deuil de cette époque révolue et me concentre sur des perspectives différentes. De toute manière, l’expérience m’a appris que le mot famille prend le sens qu’on veut bien lui donner. J’ai mis un moment à former ma propre famille; aujourd’hui je puis affirmer sans rougir que ce mot ne se limite plus qu’aux liens de sang. Les rencontres que j’ai pu faire en chemin ont bouleversé mon existence et ont forgé la personne que je suis aujourd’hui.
Malgré tout mon récit débute en leur cœur, ces êtres de sang qui malgré eux ont jeté les bases de ma personne. Je suis la deuxième des deux filles Valencia. Mon père espérait un petit garçon de par sa vision traditionnaliste et étroite du monde; sa misogynie le dégoûta quelque temps de le voir privé d’un héritier mâle. Glorianna me précédait de plus de deux ans, me surclassait en grâce et en beauté, deux caractéristiques particulièrement importantes aux yeux d’une mère œuvrant dans le domaine de la mode. Vaniteuse, suffisante et jamais satisfaite, ainsi je décrirais Clarisse. Ma génitrice n’aurait jamais dû enfanter; elle se plaignait bien souvent des effets de la grossesse sur son corps et de tout ce qu’elle avait pu y perdre. Nous élever relevait d’une tâche ingrate à ses yeux, ainsi ne s’y risqua-t-elle pas, sauf bien entendu pour laisser sur ma sœur et moi-même des séquelles que nous portons encore aujourd’hui. Nous passions le plus clair de notre temps avec les nounous qui vaquaient à nos besoins de base. Glorianna était une enfant sage mais capricieuse, tout aussi vaine que notre mère. Elle cherchait avant tout à lui plaire et n’osait jamais la contredire. Pour ma part, j’étais née avec un peu plus de jugeote que mon aînée. Dès mes premières années, on vit tout de suite que j’aurais un caractère plus prononcé que ma sœur et plus indépendant aussi.
On me confondait souvent pour un garçon à l’époque, probablement car mes cheveux ont mis un moment à pousser. Je préférais les activités jugées plus «masculines» majoritairement, tels que les jeux vidéos, les jeux de chamaille, les sports… la vision traditionnelle des genres de mes parents se trouvait constamment heurtée de mes désirs. J’aimais chahuter, grimper, courir après tout ce qui vivait, rire et faire entendre ma voix, qu’on le veuille ou non ! Une gamine turbulente sans pour autant être particulièrement désobéissante. Il y avait seulement ce goût d’aventure, ce frémissement que les événements de ma vie n’ont jamais réussi à tuer. Comme les nourrices s’épuisaient à ma suite ! Mais elles m’adoraient tout de même car je possédais un grand cœur et une bonté infinie. J’aimais aider, faire les choses par moi-même, me rendre utile. Et apprendre. À quatre ans, j’insistais pour assister aux mêmes leçons que mon aînée pourtant plus âgée. Glorianna bénéficiait effectivement de cours à la maison des meilleurs tuteurs que l’argent pouvait engager, mes parents ne jugeant pas l’école digne de nous. Je ne comprenais rien, mais j’essayais. Même loin de mes précepteurs, je poursuivais mes investigations de ce large monde qui me fascinait tant. Un jour, je rêvais de le parcourir, de fuir cette prison de verre dans laquelle je vivais. Il y avait trop à faire pour rêver que ma mère disait.
La sensation d’étouffer se manifesta bien vite chez moi et ne s’éteignit que bien plus tard. J’avais le sentiment de gaspiller mes talents à errer au cœur de notre large domaine situé sur les berges luxueuses de San Camari : il me fallait sortir et trouver de quoi stimuler cet intellectuel en effervescence. Mes professeurs faisaient aussi la remarque : j’étais bien plus avancée que les autres enfants de mon âge dans plusieurs domaines. Ma sœur me jalousait mon excellence et l’attention que je recevais de la part de nos parents pour mes prouesses. Bien des choses me venaient facilement. Particulièrement en sciences pures, en mathématiques ! Comme j’adorais les mathématiques ! Contre un problème particulièrement difficile je me sentais enfin stimulée. Rien au monde ne satisfaisait plus notre père qui me voyait suivre un jour ses pas dans le domaine des finances. À l’inverse ma mère se fichait bien de mes réussites et n’avait que des mots cruels sur tout ce que je ne pouvais réussir à la hauteur de ses impossibles attentes. Elle critiquait tout ce que je faisais, alimentant une blessure en moi qui bientôt deviendrait un gouffre que je cherche encore à combler encore à ce jour. Je n’aurais jamais la beauté et la docilité de mon aînée; même aujourd’hui mère n’a toujours pas fait le deuil de cette enfant qu’elle aurait voulu. Celle qu’elle aurait forgée à son image.
L’enfant turbulente et fière que j’étais grandissait avec une soif que rien dans son environnement ne permettait de combler. Mère m’empêchait de sortir, de côtoyer d’autres jeunes de mon âge, de vivre les aventures auxquelles j’aspirais. Heureusement, la famille Valencia jouissait de connexions importantes avec plusieurs autres, m’offrant des occasions sociales plus ou moins satisfaisantes. Hormis ces instants, je ne pouvais échapper à sa grippe. Il y avait toujours ces petites piques, à peine dissimulées, ces mots qui accumulés ont causé toutes ces crevasses. À mesure que j’ai grandi, cet orgueil me caractérisant s’est affaissé contre lui-même comme un gâteau soufflé. Tous ces reproches que j’ai accusés, cette violence je le réalise. Ni Glorianna ni papa ne l’ont jamais arrêtée. Même si elle hurlait, qu’elle me poussait, qu’elle me giflait aussi parfois. On avait accepté que j’étais la mal-aimée. Ce devait être ma faute. Une idée qui a pris racine en moi et qui serait un jour les appuis de mon geôlier.
J’avais quinze ans lors de notre première rencontre. Un homme d’affaires, déjà bien établi dans sa vie, gravissant les échelons sociaux avec aisance et grâce. Ses parents et lui-même avaient lancé une compagnie de plus en plus connue à San Camari si bien que le rapprochement avec les Valencia devint inévitable. Mon père l’invita une soirée mondaine organisée à la maison. Je me souviens que, comme à mon habitude, je frémissais d’excitation devant cette délégation de gens importants. Mais maladroite et mal assurée, je n’osais me mêler à la foule là où ma sœur se distinguait facilement : combien tous l’adoraient cette jolie jeune femme déjà lancée sur les traces de sa mère, une mannequin prometteuse malgré son jeune âge. Moi ? Qui s’égosillerait de mes réussites scolaires ? Je me sentais si insignifiante face à ces gens, soupirais de n’avoir jamais dansé quand il m’aperçut. J’ignore ce qui le mena à moi. Il devait y avoir quelque chose dans la posture de l’agneau qui éveilla l’instinct de la chasse chez lui. Pauvre gamine que j’étais, je ne pouvais que me charmer du séduisant jeune homme qui venait m’adresser la parole. Je peinais à articuler quoi que ce soit face à lui. Malgré tout, il parvint à me mettre à l’aise de son charisme envoûtant. Il y avait chez lui tant d’aisance que bientôt je me surpris à me sentir de même, à lui confier plusieurs de mes ressentis, à danser et rire en sa compagnie. Cette soirée-là je me couchai avec un sentiment de légèreté tel que je n’en avais jamais ressenti auparavant. J’avais trouvé, enfin, un ami, un égal, une première personne qui me voyait telle que j’étais. Il a dit tout ce que je désirais entendre, m’a promis à un brillant avenir au vu de mon côté rusé et aventurier. Quand j’y repense, j’ai un rire jaune.
Je venais de rencontrer Arthur Torres. Trente ans, toutes ses dents et plus encore. Je me surprenais à penser constamment à lui et à questionner sans cesse mon père à son sujet, lui qui s’amusait bien de mon crush d’adolescente. Si seulement il y avait mis fin alors, peut-être que ma vie aurait pris un autre tournant. Déjà, je lui appartenais. Je passais toutes mes heures à nous imaginer tous les deux, à colorer mes cartables de son nom, à écouter de la musique sentimentale avec mon cœur gonflé de cette infatuation. Il est des jours où je rêve qu’un retour en arrière soit possible mais encore : l’enfant que j’étais encore alors aurait fait la sourde oreille à mes judicieux conseils, ceux qui ont été forgés par la pire des expériences. J’aimerais lui dire de prendre la fuite, d’oublier cet homme, de quitter Cinza, de fuir ce qui viendrait ensuite. J’étais à l’aube d’une longue nuit dans les ténèbres.
Nos rencontres se multiplièrent dans les deux années qui suivirent. À chaque visite, il prenait toujours un temps pour m’écouter, me parler d’égale à égale de politique, de finances, de philosophie ou tout autre sujet qui animait son esprit cette journée-là. Il prenait mes opinions au sérieux, encourageait chacun de mes projets. Il disait me voir à la tête d’une grande entreprise un jour et je me plaisais à m’imaginer à ses côtés dans la gestion de sa compagnie. Mes sentiments pour lui ne pouvaient lui échapper puisqu’il n’y avait plus évident. Plutôt que de les décourager, il me laissait souvent croire qu’une telle chose était possible par de légers encouragements qui, entre les mains d’une adolescente en amour prenaient des proportions exagérées. Ces quelques semaines où nous nous virent de manière hebdomadaire, j’appris à mieux me connaître. C’est lui qui suggéra que je prenne le chemin de l’Université, celle de Borao où il avait lui-même étudié, dans le domaine de la gestion. C’est lui qui me permit de croire qu’un jour je pourrais briller moi aussi. Il ne tarissait jamais les éloges à mon sujet, même quand ma mère se montrait désagréable à mon endroit. Toujours le premier pour me défendre. Mère était tout aussi sous le charme que tous, ainsi elle lui cédait raison. Arthur nous manipulait tous.
Ainsi j’ai quitté le nid familial et tracé mes premiers pas dans un monde que je ne comprenais pas vraiment, ayant vécu en marge toute mon existence. De nombreuses compétences inscrites dans la normalité m’échappaient encore; je n’avais aucune idée comment naviguer dans cet univers. Je m’imaginais l’université tel qu’on la voit dans les films et avec cette vision celle que je me ferais nécessairement tout un tas d’amis. Or, la réalité en fut tout autrement. Mon caractère renfermé et maladroit ne plut pas exactement à mes congénères. Trop sérieuse voire frigide, je peinais à tenir une conversation et ne m’intéressais que peu à l’agenda social proposé par mes compères : fêtes et beuveries, peu pour moi. Ainsi je ne fis que peu de liens lors de mes études si ce n’est qu’avec mes colocataires qui peinaient à endurer mes petites manies et mon désir d’avoir les choses bien rangées. L’argent aurait certainement pu m’accommoder autrement, j’avais bien les moyens de vivre en appartement par moi-même mais je tenais à vivre l’expérience, une que je ne recommencerais certainement pas. La compétition dans mon programme de gestion et d’administration me surprit énormément et je me prêtais au jeu avec suffisance et orgueil. Je savais bien que j’avais la main haute sur mes adversaires; j’étais loin de me douter que je partais avec une ou deux longueurs d’avance au vu de mon éducation bien spéciale par mes professeurs à la maison. Je ne voyais pas le monde de la même manière à l’époque, j’ignorais à quel point je pouvais être privilégiée.
J’ai tout de même eu l’occasion de découvrir Borao. J’aimais beaucoup la ville et me plaisais à en explorer les alentours, la forêt Ucaya, son fleuve et la fameuse Cénote de la Luz ! Je m’y rendais souvent même si je n’avais pas de Pokémon pour m’accompagner (mes parents ne me l’avaient jamais autorisé malgré mes multiples demandes et puis la vie d’étudiante ne s’y prêtant pas trop, l’occasion ne s’était jamais présentée). À l’époque les bêtes sauvages se montraient bien plus dociles il faut le dire. Sur ces sentiers hasardeux le destin s’abattit sur moi avec fatalité, une qui me combla pourtant de joie. Le voyant paraître en mon champ de vision, je sentis mon cœur s’emballer avec la même véhémence qu’autrefois. Arthur séjournait à Borao pour quelques mois à l’occasion d’un voyage d’affaires. Il ne cachait pas sa joie de me retrouver, cette fois sous mes traits d’adulte et bien changée même si au fond je restais toujours cette adolescente influençable, cette enfant aux yeux de biche qui l’aurait suivi jusqu’aux confins du monde. Il ne lui en fallut pas plus pour reprendre ce qu’il avait laissé presque trois ans plus tôt. Ce fut le début de notre fréquentation secrète. Nous nous doutions bien que la différence d’âge entre nous en ferait sourciller plusieurs.
Il avait ce talent d’orateur qui ne pouvait que susciter la fascination chez son auditoire. Il s’exprimait avec tant de conviction ! On le surnommait d’ailleurs le Lion de San Camari dans le monde des affaires. Je me plaisais à le croire lorsqu’il affirmait trouver en moi toute la valeur que je ne parvenais à voir de moi-même. Je m’abreuvais de ses mots, de sa confiance en moi qui comblait la mienne; j’en devins rapidement complètement dépendante si bien que sitôt il quittait mon lit que je me mettais à douter de nouveau, que j’avais besoin de l’entendre de nouveau dire que j’en valais la peine. Chacune de nos séparations me causait beaucoup de tort et j’attendais anxieusement nos retrouvailles. Je ne me méfiais pas des prémisses de cette histoire, je ne pouvais remarquer les signes avant-coureurs, ceux de sa possession sur moi. Lentement il tissait autour de moi une toile dont je ne réalisais pas la présence jusqu’à ce qu’il ne soit véritablement trop tard.
Cinza vivait alors le même genre de situation. Insidieusement, la Team Plasma se frayait un chemin dans le cœur et l’esprit des cinzans. J’ignorais alors que ma famille se trouvait dans leur mire comme plusieurs autres. Mon père s’ennuyait face à la politique; n’avait que faire de leurs doctrines. Ainsi ce groupe ne trouva en lui qu’un discret appui dont je n’avais pas conscience alors. De toute manière, bien d’autres sujets me préoccupaient. Je terminais mes études avec brio et entreprenais un retour attendu dans ma ville natale où contre toute attente j’annonçai mes fiançailles avec Arthur. Quelques mois plus tard marqua nos épousailles. Je m’installai de manière permanente chez lui, dans sa grande demeure luxueuse de San Camari. J’ignorais que ce faisant je venais de perdre contact avec le monde extérieur. Les murs de cette maison de rêve devinrent, à l’instar de ceux que je venais de quitter, ceux de ma prison.
Aux suites de mes études, je pris place tout naturellement au sein de la firme de mon époux non sans fierté. J’aimais l’idée de gagner ma vie, je mettre la main à la pâte. Malgré mon faible statut au sein de l’entreprise, je ne rechignais pas devant le travail aussi limité soit-il. En tant que simple agente administrative j’effectuais du travail répétitif et rébarbatif pour la plupart et qui pourtant me comblait pleinement. Mon assiduité et mon professionnalisme enchantait mes supérieurs qui ne manquaient pas de le faire remarquer au grand patron, mon époux. Pourtant celui-ci se montrait peu coopératif dans mon cheminement au sein de la compagnie : il trouvait sans cesse des excuses pour limiter mon ascension aussi désirable et toute naturelle soit-elle. Il disait d’abord que ma jeunesse rimait avec inexpérience, qu’en tant que sa femme je me devais de prouver bien plus qu’une autre que je méritais de monter en grade ne serait-ce que pour faire taire les mauvaises langues. Il devait se montrer plus dur envers moi, affirmait-il, ce qui ne me dérangeait pas en soi. J’avais confiance en lui. Or, lorsqu’il devint un peu trop évident que j’aurais dû grimper les échelons plutôt que de rester au même poste de départ, un certain malaise s’installa. Bientôt les excuses s’épuisèrent, puisque tous se montraient favorables à mon ascension. Tous sauf bien sûr Arthur, dont l’attitude changeait progressivement.
À la maison, Arthur se rattrapait si bien que je parvenais à oublier les embûches qu’il plaçait sur mon chemin professionnel. Il incarnait le parfait époux, du moins au début. Il me comblait d’attentions, se montrait toujours un soutien immuable à mes projets. Je trouvais en lui l’ami que je n’avais jamais véritablement eu. Malgré l’écart en âge entre nous, nous partagions une indéniable complicité. Je nageais en plein bonheur tant et si bien que je ne réalisai pas que lentement ce petit paradis s’effritait sur lui-même. Le changement s’effectua de manière si discrète et progressive que je ne pus véritablement le prévenir. Le positivisme dans lequel m’entourait mon mari se trouva de plus en plus compromis alors qu’il me lançait de petits reproches, de petites piques, qu’il influençait délicatement ma manière de penser ou de vivre. Ces commentaires qu’il distribuait avec tant de doigté que je ne pouvais que croire en leur bien-fondé. Des mots sur mes habitudes, sur mon apparence, sur mes intérêts, mes sorties, mes proches. Ces mots dont je ne me méfiais pas et qui pourtant venaient un peu plus tous les jours me meurtrir et défaire cette confiance en moi que je tentais tant bien que mal de construire de ma vie adulte.
À mesure que les semaines et les mois passèrent, ses mots devinrent de plus en plus acérés, de plus en plus cruels. Arthur avait ce talent, celui de me faire croire que j’étais la responsable de sa méchanceté. Je m’excusais toujours, confuse et naïve, étant persuadée d’avoir commis une faute qui justifiait ses paroles acerbes. Il se faisait pardonner, me couvrant des mêmes attentions qu’au départ et alors je retrouvais l’homme que j’aimais tant. De plus en plus je me trouvais isolée car monsieur se montrait jaloux et insécure à chaque sortie que je faisais. Nous nous disputions à chaque fois et il m’écrasait de culpabilité de le laisser seul à la maison, de l’abandonner au profit d’autres. N’était-il donc pas digne de mon amour ? Qu’avait-il fait pour mériter un tel sort ? Sa toxicité lentement me consumait tel un poison qui émoussait mes sens et ma raison. Je lui appartenais; il me le disait de mille et unes manières.
En mai 2012 nous accueillirent à la maison un premier et ultime Pokémon, une lubie de mon mari qui désirait impressionner ses clients avec une créature prometteuse tel qu’un Kraknoix. C’était sans compter la nature taciturne de la-dite créature. Loin d’être flamboyant tel qu’il l’aurait espéré, Aetius était en réalité plutôt antipathique et discret. Tout l’inverse de ses désirs, donc. Arthur n’aurait pu être plus déçu de cette chose qu’il méprisa rapidement, qu’il couvrait de noms peu flatteurs et poussait du pied. Je tentais à l’occasion de le défendre, ce pauvre Pokémon qui n’avait certainement rien mérité. Or, la colère de mon mari se retournait de plus en plus vers moi, surtout lorsque j’osais interférer dans ses histoires. La compagnie, alors, allait au plus mal en raison de mauvais investissements. Stressé et mécontent, l’homme d’affaires avait la sensation de perdre pied. Pour combler l’étendue de ses frustrations, Arthur devait provoquer la misère chez d’autres. Empereur de la maisonnée, il commandait et je devais obéir de crainte d’attiser le monstre qu’il dévoilait être chaque jour un peu plus, un monstre dont la faim ne connaissait aucun répit.
La roue tourne, le cycle s’installe. Les mois passent. Je n’ai pas pu lui échapper. Je n’ai pas pu.
Combien d’excuses ai-je formulées pour ses excès ? Combien de fois ai-je porté le blâme de ses faiblesses ? Ces mois, les plus sombres de ma vie, se colorèrent bien vite de violet et de rouge, les marques qu’il laissa contre ma peau et contre mon âme. Je me souviens encore du tout premier coup, une claque si puissante qu’elle m’avait laissée sans souffle. Rien au final ne me faisait aussi mal que la pluie d’injures qui survenait ensuite. Ou la peur qui m’étreignait. Les menaces qui me maintenaient dans cet engrenage. Il n’y avait pas d’issue, pas d’issue. Lentement je m’éteignais, docile et brisée, tandis que la violence enflait. Il était trop tard pour tendre la main, pour recevoir de l’aide désormais. Arthur avait forcé mon départ de mon emploi, me gardait à la maison, contrôlait mes finances, mes sorties, mes appels.
Prisonnière.
Sans cette lueur d’espoir, ce coup du destin, probablement aurais-je succombé à cette violence. Sur un bâton humide, une ligne rose pâle apparut. Une ligne salvatrice qui, à l’époque, me combla d’horreur. Je n’avais jamais réfléchi à la question. J’étais encore bien jeune à l’époque et me sentais complètement désemparée devant la nouvelle. Pourtant en scrutant longuement ce résultat positif, en considérant toutes les options, en imaginant une vie qui pourrait être, mon cœur trouva la force de battre à nouveau. Une énergie nouvelle prenait place en moi, un désir de vivre. Un sourire s’esquissait sur ce visage terni. Jalousement, je gardai le secret pour moi quelques jours encore. J’avais au moins du contrôle là-dessus. Je m’y accrochais désespérément.
La nouvelle de ma grossesse provoqua un raz-de-marée au cœur de la maisonnée. Plutôt que d’enchanter mon époux, elle la plongea dans une rage tel que je ne l’avais jamais vu auparavant. Arthur a tout lancé dans la cuisine, il m’a bousculé au sol et m’a frappée jusqu’à ce que j’en perde le souffle. J’ai supplié et me suis défendue, mais que pouvais-je contre le monstre qui s’abattait sur moi ? J’ai entendu une voix s’interposer, j’ai vu une silhouette se glisser entre nous et abattre son poing sur le maître de la maison. Il s’agissait d’Imany, notre cuisinière, qui m’a sauvé la vie ce jour-là. C’est elle qui a volé à mon secours et appelé la police. Je n’ai plus que de vagues souvenirs de cette soirée-là. Je me souviens seulement de ma confusion, de ma peur, de mes larmes tandis que j’étais interrogée par les policiers qui me faisaient pression pour que je porte plainte contre Arthur. Je refusais avec énergie : comment pourrais-je faire une chose pareille au père de mon enfant et l’homme de ma vie ? Tous rentrèrent bredouilles puisque ce jour je pris une décision qui aurait pu coûter ma vie ainsi que celle de mon enfant en devenir. Je n’étais pas prête, mais en moi cheminaient des idées nouvelles.
Le temps des Fêtes de 2013 s’écoula dans le plus grand des bonheurs. Arthur cherchait par tous les moyens de rattraper sa faute; quelque part il sentait les doutes s’installer en moi en faisait tout pour les chasser en me couvrant d’attentions et en me rappelant de piques toujours parfaitement dissimulées derrière de bonnes intentions que je ne parviendrais à rien si je le quittais. Je n’en avais aucune envie : je m’accrochais toujours à ce rêve de fonder une famille avec lui, de le changer… lorsque la situation financière de son entreprise se stabiliserait il s’adoucirait, du moins est-ce ce qu’il promettait sans cesse. Les semaines passèrent sans autre incident si bien que je commençais à croire que mon hypervigilance était mal placée. Pourtant le soir en prenant place dans notre lit, je pouvais voir les prunelles noires d’Aetius posées sur moi, comme s’il me prévenait de la tempête à venir. Je faisais de terribles cauchemars qui me replaçaient au cœur des événements de la dispute. Jusqu’au jour où le cauchemar prit vie.
Cette journée-là j’avais fait quelques achats pour le bébé bien que j’étais bien à l’avance pour le coup. Je cherchais à connecter avec cette petite vie qui grandissait en moi de cette manière. J’avais acheté quelques produits dont une peluche espionne que j’avais trouvé bien adorable et très pratique, puisque la caméra servait à monitorer l’enfant la nuit. Je l’avais déjà installée dans sa chambre encore vide et j’étais en train d’effectuer quelques tests quand Arthur a surgi dans la pièce en me demandant pourquoi j’étais sortie, de quel droit m’étais-je permise de faire ces achats. Aussitôt je sus ce qui m’attendait et la peur me tordit les tripes. Je me reculais tandis qu’il vociférait, incapable d’esquisser un geste. L’homme bloquait la porte et ma seule issue. Il a fondu sur moi.
J’ai frappé, mordu, griffé. J’ai tout fait pour protéger le petit en moi mais je ne pouvais me défendre contre lui et ses deux têtes de plus. Après la tempête, j’ai gît là contre le sol de la chambre, sous l’œil attentif de la peluche espionne. Mon souffle n’était plus qu’un misérable râle; je pouvais sentir tout mon corps gémir et protester. Et j’ai su qu’il me fallait agir, que la prochaine fois serait la dernière puisque j’y laisserais ma vie. Tremblante, je me suis hissée sur mes jambes par je ne sais quel miracle. J’ai attrapé la peluche et j’ai fui dans la nuit jusqu’à m’échouer contre les marches de l’entrée d’un voisin en suppliant pour qu’on me vienne en aide. Je revois vaguement une silhouette floutée dans mon champ de vision avant que je ne perde conscience.
Il y a eu des phares, l’hôpital, la police. Cette fois j’ai parlé. Cette fois j’ai dénoncé. Cette fois j’ai porté plainte, preuve à l’affût. Au vu de mon état de toute manière, personne n’a douté de mon histoire. C’était terminé.
Une autre vie débutait pour moi. Parsemée d’embûches. Ce geste marquait le début d’un nouveau combat. Arthur avait laissé bien plus que des marques physiques sur mon corps, que des cicatrices qui jamais ne disparaitraient. Il avait détruit mon esprit et désormais je devais trouver la force de rebâtir. Je me trouvais au carrefour de ma vie, sans direction, sans savoir véritablement qui j’étais ou ce à quoi j’aspirais. Avec l’arrestation d’Arthur et la fin de nos rapports s’envolaient en fumée mes repères. Je cherchais constamment à trouver du sens de cette nouvelle réalité, celle où je devais composer avec le monde sans lui pour l’interpréter pour moi. Maintenant que je pouvais prendre mon envol je refusais de quitter mon nid. L’emprise de mon époux était toujours bien réelle sur moi et je fus tentée à plusieurs reprises d’abandonner les charges qui pesaient contre lui. La culpabilité, la honte et l’angoisse se resserraient sur moi et je m’enfonçais dans un trou encore plus sombre que celui que je venais de quitter. Je ne trouvais pas la paix malgré les bons soins des intervenants du centre pour victimes de violence conjugale où je séjournais. J’avais beaucoup de difficulté à adhérer au programme et je m’enfonçais dans une profonde dépression qui ne tarda pas à se changer en idéations suicidaires. Plutôt que d’apaiser la houle de mes émotions, les hormones de ma grossesse ne faisaient qu’augmenter dramatiquement les symptômes de ma détresse.
Je rencontrai finalement une psychiatre qui, plutôt que de me materner m’accueillit telle une égale. Elle prit le temps d’expliquer en termes scientifiques, concrets et mesurables, ce que je pouvais vivre. Elle quantifia ma souffrance qui m’aida à mieux la cerner, la comprendre et surtout agir pour la dompter. Je fus diagnostiquée d’une dépression sévère ainsi que d’un trouble post-traumatique. Je débutai une médication qui devint source d’un énorme soulagement : enfin je pouvais sortir ma tête de l’eau et prendre ma première bouffée d’air.
Au mois de mars 2014 je fis l’acquisition d’une maison à San Camari grâce à l’aide de mes parents et de l’argent de mon divorce. Luxueuse propriété construite dans les années 80 et qui désormais se trouvait particulièrement démodée ! En grand besoin d’amour et de tendresse, j’entrepris d’y faire d’importants travaux qui métamorphosèrent la demeure. Ce projet aida énormément à ma récupération et comblait un instinct qui grandissait en moi au même rythme que ma bédaine : celle de nidifier. Tandis que les travaux prenaient place, je séjournais toujours au centre et visitais ma psychiatre deux fois par semaine. Je repris l’exercice physique et certains de mes loisirs, participais à toutes sortes de thérapie et prenais soin d’Aetius, le Kraknoix d’Arthur qui me revint à son incarcération. Le petit avait finalement pris la décision de rester à mes côtés et depuis ne me quittait plus; quelque part j’ai l’impression qu’il cherchait à se rattraper de n’avoir jamais su me protéger de la violence d’Arthur, sans se douter que j’éprouvais une culpabilité pareille envers lui. Bref, je cherchais à accélérer ma guérison le plus possible, certaine que j’y parviendrais en minimisant énormément mes difficultés.
Chacune de mes rechutes provoquait chez moi un bon lot de frustration. Je voulais agir car ainsi avais-je été élevée. J’avais l’impression ainsi d’avoir quelque pouvoir sur ma condition sans réaliser que j’avais simplement besoin de repos. C’est ce qui me mit sur la piste d’une légende, d’un murmure. On l’appelait Azmitia et plusieurs doutaient de son existence. Il s’agissait d’une «vieille folle» vivant quelque part dans les Pics de Niebla et qui offrait sagesse et force à ceux qui savaient la trouver. Fabuleuse dresseuse, elle pouvait rendre qui que ce soit puissant, du moins est-ce qu’on racontait à son sujet. Une nuit où je me nourrissais encore une fois de ces fables, j’entrepris un voyage vers l’ouest sur un coup de tête et me mit en tête de la retrouver. Après deux jours dans la brume, c’est plutôt elle qui me tomba dessus, qui m’offrit un toit dans sa petite cabane dissimulée des regards. Elle refuse d’abord de m’aider avant de me donner exactement ce dont j’avais besoin mais certainement pas ce que je désirais. Moi qui désirais devenir forte, une dresseuse émérite comme elle afin que personne ne puisse me toucher à nouveau, je reçus plutôt une première leçon de vie qui m’accompagne jusqu’à ce jour.
Azmitia m’a appris à me faire confiance de manière à m’ouvrir à l’autre. Sur les pistes de cet enseignement, j’ai fait la rencontre d’une petite Riolu au pelage bien particulier, puisque celui-ci était doré plutôt que bleu. Au final, ce qui la rendait exceptionnelle était surtout sa personnalité unique et ensoleillée. Malgré ma méfiance, je l’acceptai au sein de mon équipe pour rapidement tomber sous son charme. Danaé a changé ma vie de tant de manières. Si Aetius représentait pour moi la sécurité, elle était une main tendue vers ce monde que je jugeais si durement. Il y avait tant d’amour dans son cœur… Oh Danaé…
La vieille dame nous laissa donc repartir plus forts de ses enseignements en combat mais surtout de ses sages paroles. Je pris finalement la direction de ma nouvelle demeure où je m’installai avec une vieille amie. Imany la cuisinière se joint à moi et devint mon employée. J’ajoutai à elle une autre employée, une très jeune femme qui deviendrait un jour la nounou de mon enfant, Akeira. Pour le moment elle s’occupait surtout de me tenir compagnie et de m’aider dans mes tâches quotidiennes, ainsi que de préparer la venue du bébé. Plus les mois passaient plus j’appréhendais la naissance. Je me nourrissais de toutes les connaissances possibles au sujet des nourrissons et comment en prendre soin, sans me douter que rien ne me préparerait réellement à sa venue.
Une belle journée de fin d’été, je faisais les courses en compagnie d’Akeira et de mes deux compagnons quand le destin s’abattit sur moi à nouveau avec un bien drôle de sens de l’humour.
Qui a dit que les Corbeaux font de mauvais présages ?
Par mégarde nos chemins se croisèrent avec fracas et je tombai au sol sous l’impact. Se dressait devant moi une silhouette familière et pourtant bien différente que celle que mon cerveau affolé cherchait en lui. Le rapprochement me plongea dans un maëlstrom émotif qui m’empêcha de saisir la main qu’il me tendait et dans ma confusion je me suis redressée tant bien que mal en traînant mon ventre distendu. Non, il ne s’agissait pas d’Arthur. D’un second regard je pouvais repérer aisément autant de différences que d’éléments communs, malgré tout je me méfiais de lui et désirais avant tout retourner à ma vie solitaire quand Akeira et Danaé prirent une autre décision. Dans les mains du jeune homme se trouvait un petit Pichu bien bouleversé qui, selon les dires de son tout nouveau dresseur, ne parvenait pas à s’apaiser. De sa bonne nature, Akeira suggéra que nous lui venions en aide avec sa petite souris électrique et ainsi je m’y engageai avec un intérêt qui me surprit moi-même. Ma première peur passée j’étais plutôt intriguée par ce personnage et son petit Pichu ainsi que du contraste que les deux formaient. Je vis en cette situation l’occasion de m’exercer en tant que futur parent, mais l’exercice se montra plus difficile que prévu. Le jeu que je proposai pour les rapprocher se termina plutôt mal pour l’étranger qui, immobilisé par le Statik du rongeur, vécut une humiliation en bonne et due forme. Je restai auprès de lui tandis qu’Akeira allait au marché pour récupérer de quoi le soigner et remis le petit Pichu à sa place tandis qu’il s’amusait aux dépens de son dresseur. La mésaventure passée, je n’en sus pas plus sur ce mystérieux étranger que son prénom, Corvus.
Corvus.
Je croyais mon cœur fermé pourtant cette rencontre venait inconsciemment d’ouvrir une porte que j’avais scellée lors de mes pires tempêtes. Je n’y repensai plus dans les quelques mois qui suivirent puisque de toute manière il y avait fort à faire et j’étais certaine de ne plus jamais croiser son chemin. Au mois de septembre il me tardait que ma grossesse ne s’achève et ce fut finalement le cas aux prémisses de l’automne quand Aster, mon petit garçon, vint au monde à terme. Il avait un petit poids ce qui mit l’équipe médicale de l’hôpital quelque peu sur ses gardes mais le bébé prouva bien vite qu’il n’y avait pas de quoi s’en faire et nous fûmes autorisés à rentrer à la maison où je goûtai bien vite aux joies de la maternité. Figurer l’allaitement s’avéra un casse-tête impitoyable qui me laissa complètement épuisée. Heureusement Akeira veillait à mes besoins et s’occupait du petit lorsque je tombais de fatigue. J’avais un bon bébé; malgré tout rien ne me préparait à ce bouleversement dans ma vie. Ce nouveau rôle ne me colla pas à la peau tout de suite. Il me fallut m’y faire, accepter de laisser de côté bien des choses qui me définissaient alors. Devenir mère est à ce jour le plus grand défi que j’ai vécu dans ma vie et aussi le plus grand bonheur. Aetius se mêla à cette célébration en évoluant au passage comme pour saluer l’entrée au monde de ce petit être.
Un bonheur que tenta de me retirer ma mère en s’insinuant dans ma vie. Elle me visitait souvent et jetait des allusions sur ma compétence parentale. Elle me croyait trop jeune pour m’occuper d’un si petit être et plus souvent qu’autrement venait ébranler mon sentiment de confiance en mes capacités. Elle suggéra même un jour que je n’y parviendrais jamais seule, qu’il aurait fallu un homme à mes côtés et que ce faisant elle serait mieux placée pour l’élever que moi. J’ai éclaté. J’ai enfin vidé mon sac à ma mère sur tout ce qu’elle avait pu me faire subir dans ma vie. Je lui ai exposé à quel point elle m’avait blessée. Et je l’ai chassé de chez moi en lui promettant qu’elle n’y remettrait jamais les pieds tant qu’elle n’aurait pas sérieusement réfléchi à ses paroles. Suite à cette discussion, Danaé a évolué en belle Lucario comme pour m’apporter tout son soutien et son amour. Je venais de l’emporter contre un de mes démons. Les autres m’attendaient au détour.
Peu de temps après je fis une autre rencontre singulière, cette fois dans un petit café de Pavlica où j’ai passé quelques temps suivant la naissance d’Aster. J’avais besoin de changer d’air et de m’éloigner de ma mère un temps. Glorianna se proposa donc de m’accompagner et de m’aider avec la gestion du bébé encore naissant. Ma sœur était déjà passée par là après tout puisqu’elle aussi avait eu ses enfants jeune, le tout petit étant à peine plus âgé que mon fils. Toute la petite famille se rendit donc en vacances à Pavlica. Un soir que je ne parvenais pas à trouver sommeil, j’ai laissé mon petit aux soins d’Akeira et me suis aventurée dans les rues de la ville aride. Mes pas m’ont menée jusqu’à cet établissement, un petit café bien mignon miraculeusement encore ouvert à cette heure. Il n’y avait plus qu’une autre cliente, seule à sa table. J’ai reconnu sur son visage les marques d’une histoire commune, d’une violence que je ne connaissais que trop bien. J’ai pris place près d’elle et je lui ai parlé, comme j’aurais apprécié qu’on le fasse avec moi alors. Elle s’appelait Liora. Je lui ai donné mes coordonnées en lui promettant que si elle faisait le pas de se sortir de son calvaire, je lui viendrais en aide comme je pouvais.
Lors de ce séjour à Pavlica, j’entendis parler d’une créature mal aimée, parcourant la pampa en effrayant les humains autour d’elle. Je fis sa connaissance par hasard lors d’une visite de la pampa avec un guide privé. L’Absol se trouve bien intrigué par moi. J’ignore ce qu’il a trouvé en moi, mais il se joint finalement à mon équipe. Le guide me raconta que son maître avait été assassiné et que depuis il avait beaucoup de mal à faire confiance aux humains. Je me promis de veiller sur lui et lui de même. Oreste devint un protecteur et un soutien pour moi.
Je récupérais bien de mon accouchement et Aster grandissait vite, bien trop vite. Je le traînais partout si bien qu’il prit rapidement l’habitude des gens, de l’extérieur, des sorties. Il approchait du six semaines de vie quand Glori me convaincu de l’accompagner dans une soirée à Sercena pour célébrer la fête des morts. Elle désirait que je goûte à nouveau à notre vie de privilégiés, à la jeunesse. Récalcitrante, j’acceptai tout de même de me joindre à elle et je lui laissai même le plaisir de me vêtir, me coiffer et me maquiller pour l’occasion. Après une longue vie dans la compétition, il me faisait du bien de simplement apprécier la compagnie de Glorianna; je faisais donc des efforts pour la contenter puisqu’elle faisait de même avec moi. La réception s’avéra tout aussi ennuyeuse que prévu quand vint à moi un sauveur inattendu : Corvus, l’homme rencontré à San Camari avec son Pichu, vint me sauver ce soir-là d’un ennui mortel. Je le suivis hors de la fête malgré la crainte qu’il m’inspirait toujours, fut charmée de la visite personnalisée qu’il me fit de la ville où il avait grandi. Il y avait quelque chose de particulièrement sensible chez cet homme : je sentais que d’une manière il comprenait les blessures qui me pesaient toujours. Contrairement à beaucoup d’autres, il ne me prenait pas en pitié. À ses côtés je compris ce qu’il en retournait de se sentir d’égal à égale avec quelqu’un. Il me fit découvrir les airs à dos de sa fabuleuse Airmure, l’extraordinaire Skadia. À l’époque j’étais terrorisée à l’idée de voler… ce pauvre Corvus a dû bien souffrir de mes doigts enfoncés dans ses cuisses alors que nous prenions notre envol ! Je me souviens encore du miroitement de la lune, de la bienveillance de ses rayons d’argent, de la vue incroyable de Sercena en contre-bas. Je goûtais au piment de l’aventure, celui que Corvus indéniablement venait de ramener dans mon existence.
Nous venions de milieux complètement opposés; beaucoup le considéraient comme une racaille sans avenir sans même le connaître. Glorianna première le jugea fort mal ce soir-là alors que nous revenions parmi les danseurs, échevelés, les yeux fous, les joues rosées. Elle a cru à tort que quelque chose d’intime nous liait alors, elle s’inquiétait de me voir retomber dans les bras d’un autre aussi vite après Arthur. Elle ignorait alors que je ne pouvais tomber sous les charmes de Corvus, pas à ce moment-là. Mon cœur se trouvait encore trop malmené par les traumatismes et se dissimulait derrière d’épais remparts de glace. Non, je ressentais surtout pour le jeune homme une forme d’attachement bien plus profonde que l’infatuation. Je me sentais soulagée et plus légère en sa présence, et étrangement en sécurité malgré toutes mes peurs. Malgré tout j’ai nié les frissons que j’ai ressentis lorsque nous avons dansé tous les deux lors de cette soirée. Suite à celle-ci, j’enfermai son souvenir quelque part dans mon cerveau, convaincue une fois de plus que je ne le reverrais plus. Ce soir-là, Glorianna me fit un présent bien apprécié, celui d’un Œuf qui éclot quelques jours plus tard, un petit Héricendre que je nommai Solal.
Au mois de novembre 2014, Liora cogna à ma porte un soir tardivement avec à sa suite ses deux enfants. Après une violente dispute avec son conjoint, elle avait décidé de partir et ne sachant où aller s’était retrouvée devant chez moi. Je l’ai accueillie à bras ouverts. Elle et ses deux petits Christine et Lukas ont dès lors habité à la maison avec Akeira, Imany et moi. Ce fut le début d’un chaos constant, la maison étant toujours animée, bruyante mais aussi heureuse. Malgré l’épuisement que pouvait me causer mes colocataires, j’appréciais énormément leur présence qui mettait un baume sur mes difficultés. Je me sentais moins seule. Je découvrais ce qu’il signifiait d’avoir des amies, même s’il n’était pas toujours aisé de m’ouvrir face à elles. Je conservais toutefois encore de profondes réserves envers les hommes depuis ma brusque séparation avec Arthur. J’occupais la majorité de mon temps libre à préparer mon procès contre lui, qui devait avoir lieu à la fin du mois de décembre. Dans le processus, je reçus l’aide inattendue d’un ancien ami de mon ex-époux. Celui-ci m’avait quelque peu conseillé pour mon divorce, cependant je ne m’attendais pas du tout à le voir me soutenir toute entière dans ma démarche de le mettre derrière les barreaux pour un moment. Il s’appelait Alexis Sitan, un avocat renommé à San Camari et un personnage public très original. S’il ne plaisait pas à tous, sa brutale honnêteté me rafraîchissait.
Malgré cette aide précieuse, la perspective de ce procès accentuait dangereusement mes symptômes dépressifs et je peinais à dormir et trouver repos. De plus en plus agitée à l’idée de me retrouver face à mon ex-mari, je me mis en tête de retourner voir Azmitia. Je savais qu’elle saurait m’apaiser et me conseiller. Je n’arrivais jamais à discuter de ce sujet délicat avec Imany, Akeira ou Liora, même si toutes à la maison connaissaient mon vécu dans une certaine mesure. Désireuse de conserver l’anonymat de la vieille dame, je cachai à mes colocataires la véritable raison de mon voyage vers Sercena, emmenant mon fils avec moi malgré les conditions rudes du voyage au cœur des souterrains des Pics de Niebla. Tout se déroulait toutefois sans encombre jusqu’à ce que des éboulements ne viennent bloquer notre chemin et affoler le bébé en portage. Ne sachant comment rejoindre la redoutable dresseuse avec ce changement d’itinéraire, j’envoyai Aetius en éclaireur tenter de contacter Azmitia tandis que je m’entourais de quelques-uns de mes autres compagnons, Oreste, Solal et Napoléon le petit Psystigri capturé quelques semaines plus tôt. Un son terrifiant nous alerta quelques minutes plus tard, mettant sur ses gardes l’Absol. Mes cris devaient avoir attiré un prédateur de ces galeries, ou du moins est-ce ce que je crus d’abord. À ma grande surprise et soulagement, ce fut Corvus et Skadia sa fidèle Airmure qui débouchèrent dans la caverne, venus nous sortir de ce mauvais pas. Je dus composer avec ses reproches sur ma témérité. Trop frigorifiée et trempée par la navigation de ces grottes, je n’osai me défendre… il avait probablement raison. En tout cas, un nouvel éboulement nous emprisonna tous les deux dans la caverne, nous n’étions donc pas plus avancés, surtout qu’aussi profond dans la montagne les téléphones qui auraient pu nous sauver la mise ne fonctionnaient pas.
Retrouver Corvus dans des circonstances aussi particulières causa chez moi bon nombre d’émois. Je repensais avec gêne à la manière dont nous avions échangé (et oserais-je dire flirté ?) lors de cette soirée de la fête des morts. Je me trouvais bien timide face à lui, me sentant vulnérable ainsi délestée de mes vêtements mouillés, n’ayant sur moi que mes sous-vêtements et son manteau de cuir, un prêt qui me tenait au chaud. Grâce à Solal, nous avons été en mesure de nous réchauffer autour d’un feu et j’ai pu vaquer aux soins d’Aster sans trop de problèmes (les avantages de l’allaitement n’est-ce pas ?). Le jeune homme et moi avons discuté un peu plus et je finis par m’endormir, blottie contre Oreste et Aster. Au milieu de la nuit cependant nous fûmes réveillés par un grand bruit qui aussitôt fit s’époumoner le bébé. Azmitia surgit dans la caverne, nous jaugeant rapidement et aussitôt sur ses gardes face à Corvus. Son Alakazam, Golden, tombait de fatigue après avoir usé de tous ses pouvoirs pour nous dégager, ainsi sa dresseuse la rappela à sa balle. Elle et Corvus me laissèrent dans la caverne pour calmer le bébé et me reposer -déjà je commençais à exprimer des symptômes d’une vilaine grippe dont venait tout juste de se débarrasser Aster- et s’aventurèrent dans les galeries à la recherche d’une sortie. Ils revinrent peu de temps après et je devinais bien qu’ils avaient discuté tous les deux, mais de quoi ? Je ne le sus jamais.
Finalement, nous fûmes menés jusqu’à la sortie où le malheur s’abattit sur nous à nouveau. Pris en embuscade par une bande de Kabutops territoriaux, nous menèrent combat comme nous le pouvions mais tous épuisés par les événements des dernières heures, nous avions bien du mal à nous imposer véritablement. Je fus ciblée par l’une des créatures et sans l’intervention in extremis de Corvus, qui se jeta entre le Kabutops et nous, Aster et moi auraient certainement pu y passer. Le torse de mon sauveur se trouva barré d’une profonde coupure et il s’échoua à mes pieds sous mes cris d’horreur. Azmitia et moi avons repoussé l’attaque de nos assaillants et avons réussi à fuir, son Tortank portant le jeune homme blessé contre son dos. Une fois sortis des galeries, nous avons été en mesure d’appeler du secours et d’accompagner Corvus jusqu’à l’hôpital où ses parents ont été contactés. Mercedes (de son vrai nom tel qu’elle me l’appris à ce moment-là), Aster et moi-même avons été examinés mais hormis une vilaine grippe de mon côté, nous ne risquions rien. J’ai passé le reste du temps à guetter le réveil de mon sauveur, anxieuse et mal. Je finis par m’assoupir sur le petit fauteuil de sa chambre quand il s’éveilla, me tirant du sommeil. Je lui reprochai de m’avoir protégée et il m’affirma qu’il en serait toujours ainsi. Il a aussi laissé entendre plus ou moins explicitement que son attachement envers moi ne se résumait pas à une simple amitié, ce qui me plongea dans une profonde confusion. J’ignorais quoi en faire et qu’en penser. Nous nous quittâmes cette fois après avoir échangé un câlin lourd de sens et nos coordonnées avec pour promesse de se revoir.
Je me montrai toutefois assez discrète dans nos échanges dans les semaines qui suivirent puisque débuta enfin le procès de mon ex-époux. Accusé d’assaut et de tentative de meurtre. Je ne conserve que de bien flous souvenirs de tout le processus. Je me souviens simplement du discours que j’ai tenu à la toute fin, avant que le juge ne décide de la sentence. J’ai adressé ce discours à Arthur, lui dédiant une lettre où j’avais placé toute l’étendue de la souffrance qu’il m’avait causée. Je lui ai promis de me relever de lui, de poursuivre ma vie et de guérir. Je lui ai dit qu’après ce jour je ne penserais plus jamais à lui, même si je ne pus tenir cette promesse véritablement. C’est tout de même le cœur plus léger que j’ai quitté la cour ce jour là avec la satisfaction de savoir Arthur derrière les barreaux pour dix années, et celle d’avoir à mes côtés un magnifique Libégon, puisque Aetius profita du discours pour adresser son propre message à son ancien maître en évoluant.
Le verdict m’apporta un grand soulagement mais aussi un bon lot de culpabilité; malgré moi j’aimais toujours Arthur d’une certaine manière et devais composer avec ces émotions contradictoires au quotidien. Une distraction ne tarda pas à se présenter au tout début de l’année 2015 néanmoins quand Corvus séjourna à San Camari pour son travail ce qui nous rapprocha de plus d’une manière. J’avais passé les Fêtes à penser à lui et à appréhender chacun de ses textos : je me doutais bien que les sentiments qu’il avait exprimés lors de notre dernière rencontre étaient partagés même si j’avais du mal à le reconnaître même auprès de moi-même. Nous avions préparé une petite fête les filles et moi pour souligner le quatrième mois de vie d’Aster et pour l’occasion j’ai décidé d’inviter le jeune homme. Bien nerveuse à l’idée de lui faire découvrir mon petit monde intime, je le trouvai rapidement à l’aise parmi mes colocataires et notre vie chaotique. Ce soir-là je passai aux aveux tant sur mon vécu avec Arthur que sur l’affection particulière que je lui portais. Corvus accueilli mon histoire avec compassion et délicatesse. Il devenait le phare dans ma tempête, mon soutien. Dès lors nous devinrent inséparables ou du moins le crus-je alors.
Notre relation provoqua bien des résistances, à débuter par Aetius qui vivait assez mal le fait que je me trouve à nouveau en couple. Le dragon s’imaginait que ce faisant, il deviendrait le Pokémon de Corvus… le pauvre craignait de voir l’histoire se répéter. Le jour où il découvrit notre idylle, il s’enfuit au large et nous dûmes déployer tous nos efforts pour le retrouver. Heureusement, suite à cette mésaventure, une sorte d’accord planait entre les deux. Imany aussi craignait énormément cet homme pour qui elle n’avait que méfiance… elle le croyait après mon argent, mon statut, mon cœur. Pareil pour mes parents d’ailleurs qui se montrèrent fermes devant ce «vaurien». Je n’en avais que faire de cette résistance de toute manière. J’avais appris amèrement de mes erreurs passées et j’avais confiance en Corvus malgré toutes les peurs qui m’habitaient ! Eux aussi finiraient bien par s’adoucir.