Ce qu’on se fait chier ces derniers temps.
Toute cette histoire à La Isicao m’a placée dans une humeur massacrante qui ne s’est pas tellement améliorée ces dernières semaines. D’autant plus que la capitale a été le témoin d’une étrange situation m’ayant placée sur le chemin de Luciano Viridis, une des personnes les plus détestables de tout Cinza. Si cette mésaventure l’a quelque peu racheté à mes yeux (du moins en partie), je n’en demeure pas moins énervée. Cette situation m’aura coûté des points de l’estime de mon père, déjà difficile à obtenir. Depuis je dois faire des pieds et des mains pour le satisfaire et redorer mon image à ses yeux.

Sauf la nuit. La nuit m’appartient.

Il n’y a qu’en oeuvrant dans l’underground que je parviens à trouver un semblant d’apaisement, au cœur du bruit, des odeurs et du chaos habituel qu’on y retrouve. Qu’au sein de la Cage, devant des adversaires coriaces, que je parviens à relaxer et à oublier mes tracas de l’heure. Ainsi j’y suis presque tous les soirs, y déversant mes couleurs et ma rage. J’espère ainsi entraîner un peu ce nouvel allié de mon équipe : Jaspe le Marcacrin. Bien différent de son acolyte le Rapion, le cochonnet bouge constamment, fouine partout où il ne le devrait pas et a un appétit monstrueux. Ce qu’il manque en termes d’intelligence, il compense avec une énergie dévastatrice que je tente de canaliser et de mettre à profit sur le terrain. Heureusement le petit a démontré un intérêt et une vigueur impressionnante au combat : il est capable de prendre quelques coups et d’en distribuer en retour. J’espère aujourd’hui qu’il saura s’illustrer devant mon adversaire, la fameuse Geyser.

Je me souviens de son entrée dans l’underground. Beaucoup s’amusaient de cette petite chose qu’elle traîne à sa suite, Lilo la Togépi. Faut dire que cet Œuf ambulant est bien amusant, cependant l’expérience m’a appris à m’en méfier. Cette petite teigne a plus d’un tour dans son sac et elle est particulièrement agressive. La voilà justement qui hurle son nom, me tirant un sourire amusé. Loin de moi l’idée de la sous-estimer, ce serait une erreur stupide de ma part. Mon Rapion n’aurait fait qu’une bouchée d’elle au vu de son type, sauf que Jaspe se prépare à un combat digne de ce nom. J’avoue avoir fait exprès pour amadouer la jolie Geyser avec l’adorable Marcacrin, connaissant son affection particulière pour les types fée mais aussi glace. Il fait un moment que j’essaie de dompter cette minette effarouchée et que je tente de la convaincre d’autres types d’ébats que ceux auxquels nous nous livrons habituellement sur le terrain.

«Oh non je n’y tiens pas, ma chère. Je sais combien les tiens êtes brûlants. Pour ma part, j’aime bien jouer durement.»

Je souligne ma pique d’un petit clin d’œil avant de faire signe à l’arbitre. Nous sommes prêtes. Le Marcacrin s’élance le premier, déjà impatient de faire ses preuves.

Ce qu’on se fait chier ces derniers temps.
Il semblerait que ma vis-à-vis ne soit pas d’humeur à causer, ce qui la connaissant ne m’étonne guère. Geyser est une dure à cuire, une vraie de vraie, une que j’aimerais avoir sous moi et pas seulement dans le sens osé du terme. Elle ferait une parfaite soldate pour le clan Terren, néanmoins je doute qu’elle n’accepte de se faire recruter. Elle est un esprit libre et indomptable, de ces personnes qui sont toujours plus ou moins en colère, vous savez ? J’aime titiller les tisons ardents de ses frustrations et causer chez elle de nombreux remous. Il semblerait que pour l’occasion, la dresseuse de Reshiram ne se concentre sur un autre type de stratégie, un qui ne plaît pas tellement à sa hargneuse compagne. Doux Baiser ? Dommage, Jaspe ne semble pas disposé à accepter des câlineries de la part de la femelle pour l’instant. Il évite son emprise et fuit un peu plus loin, bien déterminé à ne pas se laisser toucher.

« Tiens-la à distance avec Poudreuse, Jaspe. Puis au pire si tu as trop froid, Geyser, je pourrai te tenir au chaud. »

Je lui lance un énorme sourire, comme à chaque fois où nous avons la chance de croiser le fer. Un jour peut-être acceptera-t-elle de finir dans mon lit ? Une fille peut rêver. En attendant, ce petit jeu m’amuse bien assez.
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Elle se prend pour qui, celle-là, Elsa ? Le froid ne l’a jamais atteint, puis quoi encore… Bon, je dois avouer que j’ai un crush sur cette reine depuis la sortie du film, mais là n’est pas le propos. Je me perds dans mes pensées moi. J’ai bien vu que ce match cause son lot d’imprévus pour la belle Geyser et que rien n’est gagné pour elle. Elle comptait sur ce Doux Baiser pour renverser un peu la vapeur… pour notre part il n’y a qu’à suivre la cadence et nous mettrons bien ce compteur à zéro. Or, Togépi est un Pokémon résistant, plus qu’il ne le laisse paraître. Je n’ai jamais pris Lilo à la légère et ce n’est pas aujourd’hui que je vais commencer. Mes matchs contre la représentante des Reshiram ne manquent jamais de piquant, ce que j’apprécie énormément.

« Dommage, j’avais quelques idées intéressantes en tête. Un peu comme Lilo a en ce moment. »

Poudreuse ne fait pas tant de dommages, mais au moins ainsi le Marcacrin ne risque pas de se faire chopper par cette petite terreur. Ou du moins est-ce ce que j’espérais. C’était sans compter cette petite peste de Togépi qui s’élance à nouveau et qui attrape mon compagnon pour une séance de bisous qui le font couiner et se débattre. Néanmoins, il est trop tard, il est pris dans les bras du petit œuf. Lorsqu’enfin cette tornade affectueuse prend fin, le pauvre Japse est à moitié assommé et visiblement confus. Bien joué de la part de nos adversaires. Puisque c’est ainsi, nous retournerons à nos forces.

« Eh bien, c’est un joli coup, Geyser. Tu devrais essayer sur moi pour voir si ça fait le même effet. »

Je brandis les lèvres avant de rire et de faire signe au petit cochon qui me regarde d’un air un peu absent. Pourvu qu’il réussisse son coup.
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J’ai toujours causé en combattant. Certains vont croire que je ne porte pas assez attention à ce qui se produit devant moi. Ceux-là ne peuvent qu’avoir tort. Seulement, vous voyez, j’aime bien parler. Et provoquer mes adversaires pendant la joute est un petit plaisir dont je ne me lasse pas, surtout face à des adversaires aussi particuliers que cette Geyser. Oui, je l’avoue, ce coup de la séduction possède son fond de vérité. Finir la partie quelque part à fricoter ne me dérangerait pas le moindre du monde bien à l’inverse : je n’ai jamais caché trouver la jeune femme de mon goût. Mais ma langue bien pendue a surtout pour objectif de la provoquer et de la secouer. Ainsi sa tentative de me draguer en retour me fait bien sourire. Il semblerait qu’enfin la bleue s’abaisse à mes machinations. Il faut dire que ce match n’est pas gagné pour elle et le dernier Telluriforce du Marcacrin l’a laissée dans de sales draps. Quelle option lui reste-t-il ? Espérer être chanceuse et voir le cochon se blesser encore et encore ? Je constate qu’elle opte plutôt pour une capacité de guérison, qui entoure la Togépi d’une aura lumineuse avant de s’éteindre. Quel effet concrètement, ce soin a-t-il eu ? Sincèrement, Lilo me paraît tout aussi mal ou presque. Il est temps d’en finir.

« Attention, beauté, tu ne sais pas à qui tu as affaire si tu dis une chose pareille. »

Je regarde mon ami, attentive à ses mouvements désordonnés, tentant d’y voir un moment de lucidité pour le lancer à l’assaut de Lilo.

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Geyser continue son petit jeu, cherchant à me déstabiliser par ses paroles. Le fait de nommer mon nom m’indiffère; à l’intérieur de ma ville rare sont ceux qui ignorent le lien entre Bruxa et Isidora Terren. Si elle espère me faire réagir de par ce fait, elle se trompe. Néanmoins elle est bien mignonne. Nous savons tous les deux ce qu’il signifie de s’ouvrir la bouche dans ce milieu. Ceux qui s’y risquent ne reviennent jamais vivant. Ce serait bien dommage de devoir sacrifier un aussi joli minois.

« C’est vrai, je l’avoue, je suis victime de ton mystère, Geyser. J’aimerais te découvrir toute entière, couche par couche, et te mettre à nu. Pour mieux te comprendre évidemment. »

Mon sourire suggère autrement. À vrai dire, à la perspective de la départir de ses vêtements poussiéreux je sens une bête gronder en moi. Définitivement, je m’amuse. Même si la confusion de mon allié m’indispose et que l’attaque de la petite Togépi est plus réussi que ce que je ne l’aurais souhaité. Malgré ma confiance, je sais que tout peut se jouer encore et que les maigres dommages occasionnés par Lilo peuvent à force mener le petit Marcacrin vers la déchéance. Il vaut mieux en finir et vite. Je me mets donc à chanter un petit air dont je me sers souvent pour endormir mon compagnon, dont l’indomptable énergie peut parfois rendre capricieux sur le sommeil. J’espère que le son de ma voix le ramènera à la raison.  

Je ne compte jamais sur la chance dans un combat. Mais oui. Prendre des risques fait partie du lot. Je n’attends pas qu’on me donne quelque chose, je prends. Par contre j’apprécierai toujours les stratégies hasardeuses, celles qui s’éloignent des sentiers battus. Il me semble avec Geyser qu’elle compte un peu trop là-dessus, mais elle se trouve aussi dans une situation compromettante, incapable de se sortir du trou. User de la chance particulière de sa Togépi ? Oui, pourquoi pas après tout même si je ne garantis absolument pas les résultats. Elle se bat jusqu’au bout, la belle bleue, ce que je ne peux qu’apprécier chez elle. Préférant opter pour une technique offensive plutôt qu’un autre Doux Baiser. Original, mais pourquoi pas ? Il en faudra plus pour renverser mon Marcacrin qui, bien que de plus en plus fatigué, reste encore frais pour distribuer des coups. Ainsi Lilo fait une bonne entaille dans ses PVs, mais il résiste, couinant comme pour signifier qu’il a en fait bien aimé. Pas pour se moquer d’elle, bien au contraire. Il aime simplement beaucoup trop chahuter pour son propre bien, ce petit cochon. Souriant avec amusement devant la personnalité particulière de mon allié, j’observe la petite Œuf. Sauront nous le renverser de notre prochain coup ? Cela reste à voir. Comme notre adversaire, nous allons passer à l’offensive pure.

Tous mes matchs contre Geyser se jouent à peu de choses; encore une fois elle ne me déçoit pas du tout malgré sa défaite. Effectivement, mon fier Marcacrin réussit son pari et d’un dernier Telluriforce vient sceller l’issue de ce match. L’arbitre me nomme vainqueur ce qui cause dans la foule remous et applaudissements. Je salue avec mon sourire en coin habituel : je ne me lasserai jamais de toute cette attention. Un peu surpris par cet éclat soudain des spectateurs, Jaspe s’est réfugié derrière moi comme en ayant l’air de se demander ce qui se passe. Je glousse avant de lui adresser un sourire plus tendre, plus sincère. Après avoir rencontré un Marcacrin dans les souterrains de Sercena, j’ai toujours su qu’ils représentaient une espèce digne de ce nom et je ne m’étais pas trompée. Jaspe montre tous les éléments d’un avenir prometteur et sa victoire contre une dresseuse de renom et un des Pokémon les plus craints des bas-fonds le prouve bien. Il ira loin ce petit.

Je ne suis d’ailleurs guère surprise de la réaction de Geyser à sa défaite : toujours aussi réactive, à l’instar des autres membres de son équipe. Je la laisse s’éloigner sans rien dire et même se prendre le chou avec un membre du public, sachant que de triompher ne servirait à rien. Rien ne me dit que notre prochain match se concluera de la même manière après tout. Tant mieux. Je l’attends un jour pour un rematch.