Il n’est pas aisé de se faire passer pour quelqu’un sans cœur, mais peut-on attendre les sommets lorsque l’on se préoccupe trop des autres ? Je suis convaincu que non. Les émotions nous tirent vers le bas. Pour gravir n’importe quel échelon, il faut s’en débarrasser ou les faire taire. Ce n’était pas une épreuve trop compliquée pour moi, je suis de nature sociable, je reste foncièrement égoïste quand je ne connais pas les personnes. Je n’ouvre que rarement mon cœur et si je le fais, c’est en de très rares occasions. Néanmoins, quand je me lie sincèrement avec quelqu’un, c’est une autre histoire.
- Lucielle …
Ce prénom, je ne l’oublierai jamais. Et on m’enterra avec cette culpabilité, qui ne s’éteindra jamais. Lucielle était ma meilleure amie, une fille extraordinaire et talentueuse que j’ai rencontrée au collège. D’une fidélité sans faille, nos chemins ne se sont jamais séparés. Jusqu’à ce jour. Cette date où tout a basculé. Je l’ai écrasé, comme j’ai écrasé tous les autres. Pour avoir ma place dans le journal, je n’ai pas hésité à la traiter comme une concurrente. L’amitié ne comptait plus à ce moment-là. L’amitié s’est déchirée et j’en paye désormais le prix. J’ai bâti ma carrière sur cette trahison, mais j’ai perdu la seule amie qui croyait en moi. Je la croisais à de rares occasions, même si je faisais le maximum d’efforts pour l’éviter. Par honte. Les années ont passé et la culpabilité me rongeait petit à petit. Victime d’un parasite que j’avais moi-même crée.
Un matin, que ma vie a basculé une nouvelle fois. Dans la rubrique nécrologique, Lucielle apparaissait. Je suis restée figée quelques minutes, relisant inlassablement le texte dans l’espoir de voir un autre nom apparaître. La photo à côté m’a alors violemment ramené dans la réalité. Et j’ai explosé en sanglots. J’ai pris conscience que je ne pourrai jamais rattraper mon erreur et que j’allais de voir vivre. J’ai pris sur moi, pour ne pas perdre pied. Si le masque ne semble pas fêlé en surface, ce qu’il dissimule n’est pas joli à voir.
- Bonjour Lucielle.
Une fleur de tournesol dans les mains, je la dépose à côté de l’arbre où ses cendres ont été dispersées. Tous les ans, je viens ici. À la même date, à la même heure. Dans l’espoir qu’elle me pardonne un jour.
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L'esprit encore embrumé, je descends du bateau. Je pose le pied sur l’Île aux Monstres. Bien que la journée de la veille fut éprouvante émotionnellement et psychologiquement, je ne pouvais pas manquer une telle occasion. À moi les scoops !
Nouveau pokémon découvert ! N'oublie pas d'aller le faire référencer sur le Pokédex de l'ïle !
Tiens tiens tiens ... un petit ourson. Ou vous avait pas dit qu'il y avait des monstres ici ?
A savoir ... Pour les attaques Sheauriken et Combo-Griffe il te faudra lancer un dé CENT pour déterminer le nombre de coup porté par l'attaque. Voici le nombre de coups en fonction du résultat :
Les mystères et les rumeurs entourant l’Île aux Monstres sont nombreux, il n’est pas étonnant de voir autant de monde fouler le sol de cette dernière. Le frisson de la nouveauté certainement. Personnellement, je suis là pour le travail, s’il existe des indices sur le passé de cette île et du complexe scientifique qui s’y trouve, je veux être la première à mettre la main dessus ! D’ailleurs, mon objectif principal est de rallier ce complexe au plus vite. De mon point de vue de journaliste, c’est dans ces environs que se trouvent les pièces les plus intéressantes du puzzle.
Les autres personnes qui m’accompagnaient s’éparpillent déjà dans la jungle et la plage, dans l’espoir de trouver des Pokémon qu’ils ne connaissent pas. Je lève les yeux au ciel, ces pauvres gens ne se rendent absolument pas compte qu’un dessein bien plus important se joue ici. Dans un sens, ça m’arrange, au moins, ils ne seront pas des pattes.
Je m’avance donc, loin des visiteurs indésirables.
Dans les fourrés, une masse qui se déplace. Je m’attends à voir tout et n’importe quoi, je prends donc ma pokéball et libère Barachiel. L’Amphinobi se tient prêt à attaquer. À ma stupeur, c’est un Teddiursa qui apparaît. Moi qui croyais ne croiser que des créatures inconnues. Il n’a pas l’air agressif, mais il semble vouloir tester ça forcer. Parfait, c’est le moment d’un entraînement.
L’ourson est coriace, mais Barachiel a la vitesse de son côté. Si je parviens à garder cette avance, la victoire sera notre. Je ressens le frisson du combat et en sentiment de nostalgie commence à s’installer. Les combats, me manqueraient-ils ? Oui, c’est un fait incontestable. Cependant, je ne suis pas prête à l’avouer. Surtout vis à vis de ma position. Barachiel a toujours aimé l’adrénaline des combats et c’est sur ce point que les lois ne sont pas des plus intelligentes. Mais ce n’est pas mon rôle de refaire le monde, je laisse ce point aux rebelles. J’apporte juste les informations et fait éclater les vérités.
D’où ma présence sur cette île. Il s’est passé des choses ici, des choses très peu déontologiques. Et je veux savoir ! Je veux voir de mes yeux les preuves des atrocités commises sur cette terre et les afficher sur tous les panneaux de la région. Le pouvoir, c’est bien, c’est grisant. Mais ça fait perdre la tête.
- Bien Barachiel, maintenant essaye de le toucher à plusieurs reprises et tâche d’esquiver ses attaques.
Le petit Pokémon ne baisse pas sa garde et reste bien planté sur ses pattes. Il doit prendre ça pour un jeu, alors jouons.
Quelques attaques Eau bien placées et le combat se termine. L’ourson reprend rapidement ses esprits et frotte ses oreilles avec ses pattes, avant de déguerpir. Je ne reste pas plus longtemps dans les parages, je n’ai pas tellement envie de rencontrer la maman de ce petit. Surtout que les Ursaring sont connues pour être des mères très protectrices.
Je continue alors mon avancée dans la jungle, un gardant un point d’horizon bien précis pour ne pas me perdre. Si je vais tout droit, il a y a de fortes chances que je tombe sur le fameux complexe et au pire des cas, j’atterrirai sur la plage d’en face. Mon esprit commence à vagabonder et je repense à cette étrange soirée dans la demeure Togekiss… Non, le propriétaire ne pourrait pas être lié à cette île. Quoique, la question se pose. Après, il a certainement de l’argent et avec de l’argent, on peut tout faire. Évidemment, il ne s’agit là que de théories farfelues, dont je ne tiens déjà plus compte.
- Excusez-moi, vous savez où se trouve la plage ?
La voix paniqué d’un homme m’extirpe de mes pensées. Le souffle coupé et dégoulinant de sueur, visiblement, il n’est pas au mieux de sa forme. Je lui indique le chemin que je viens d’emprunter en précisant qu’un bateau attend ceux qui souhaitent repartir. Ma phrase à peine terminée, qu’il a déjà déguerpie. Je ne sais pas s’il serait très malin de changer de cap, mais je veux connaître la cause d’un tel affolement. Ma résolution, de tenir un point d’horizon s’envole et je change de direction.
Plus je m’enfonce dans la jungle et plus le chemin est difficile à distinguer, je crois que pénètre dans le coin sauvage de l’île. C’est certainement une mauvaise idée, mais je suis là pour faire des découvertes et il n’y a pas de découvertes importantes sans risques. Je parcours la végétation des yeux, mais je ne vois rien. Je tends l’oreille, mais je n’entends rien de particulier. C’est étranger, il devrait y avoir des Pokémon. Ou alors, ils sont tous aux abords du laboratoire ?
Je pose naïvement ma main sur un rocher et je sens quelque chose de visqueux. Je le retire aussitôt. Ça me dégoûte ! Je m’aperçois alors que c’est un Mucuscule, j’espère que l’homme croisé il y a quelques minutes n’a pas fuis face à ça. Puis je fais le rapprochement. Les Muplodocus sont des Pokémon impressionnants et nous sommes ici sur une île qui a abrité des expériences sur les Pokémon… Je n’ai pas tellement envie de tomber sur un Pokémon de cette taille génétiquement modifié. Je reprends donc la route, sans m’attarder davantage.
En nous éloignant, je jette des coups d’œils furtifs derrière nous afin de m’assurer qu’aucun monstre ne soit à notre poursuite. Je regrettai presque de m’être autant éloignée de la foule, mais l’absence de créature sordide me conforte dans mon idée. Je continue ! Oui, je suis une personne butée et comme a toujours répété mon père « Ma fille, quand tu as une idée en tête, tu ne l’as pas ailleurs ». Ce trait de caractère ne s’est pas amélioré en vieillissant.
Je décide de ne pas m’arrêter cette fois et d’avancer encore, Barachiel fermant la marche et s’assurant de ma bonne protection. La végétation ne fait que croître et il devient de plus en plus difficile de progresser, quand une éclaircie apparaît. Une minuscule prairie, sans aucun arbre. Véritable oasis de verdure. J’en profite pour regarder le ciel, que l’épais feuillage cachait lors de notre périple. Cette escapade est plutôt agréable, mine de rien.
Un petit Cranidos curieux s’est alors approché de moi. Je reste figé un instant, portant mon regard vers le soleil. Est-ce un signe ? Le Pokémon de Lucielle, son compagnon de toujours était un Cranidos. Je reste sur mes gardes les quelques secondes suivantes, pour ne prendre aucun risque. Mais je m’aperçois rapidement que le visiteur est totalement inoffensif. Il semble même très sociable puisqu’il s’approche de Barachiel sans crainte, dans l’espoir d’une accolade amicale. Ce que l’Amphinobi fait sans rechigner. Je reste à les observer. Un dilemme s’offre à moi. Continuer mes investigations sur cette île étrange et prendre un risque inconsidéré, ou repartir chez moi. Abandonnant de ce fait les preuves et autres découvertes que j’aurai pu faire ici. Les deux choix tournent dans ma tête. On dit que la curiosité est un vilain défaut, j’en ai parfois payé le prix. Et je ne suis pas prête à recommencer.
Je me lève et j’observe la jungle qui s’étend devant moi.
- Quels secrets caches-tu ma belle ?
Je fais signe à Barachiel que nous rebroussons chemin et qu’il doit donc dire adieu à son nouvel ami. Mais ce dernier ne l’entend pas de cette oreille ! Je crois qu’il va faire le voyage retour avec nous.