Tour Viridis, Borao, Fev. 2022 Après "Une Nuit Mémorable" et avant l’event de la Demeure Togekiss
Luciano Viridis était un homme rancunier. Sa patience et sa minutie faisaient de lui un adversaire redoutable, presque vicieux, et se le mettre à dos était la dernière chose conseillée à Cinza. Malgré tout, défiant tout entendement, certains s’y étaient pourtant hasardés, le mettant à l’occasion dans une situation bien délicate qu’en digne politicien qu’il était Luciano avait su gérer … à sa manière.
Puisque aucun des concernés n’avaient su se plier aux exigences de leur détracteurs (en cela, Terren et lui avaient été raccords) sa nuit très médiatisée avec Isidora Terren - celle qui n’avait jamais eu lieu - avait fait le tour de la région, la nouvelle passant de main en main, de journaux en journaux, souffrant à l’occasion d’extravagantes déformations qui desservaient plus qu’autre chose la crédibilité de leur rapporteurs.
Non content d’être rancuneux, Luciano était également un homme acharné, peu enclin à l’oubli … mais également discret lorsqu’il s’agissait de mener ses enquêtes, ce qui lui valait parfois une réputation de lâche, à laquelle seuls les idiots portaient vraiment crédit. Loin de médiatiser ses recherches et ses batailles, l’intendant de Borao s’illustrait dans les guerres sous-marines, celles qui ne faisaient pas de vagues en surface mais qui, pourtant, n’étaient pas sans apporter leur lots de conséquences, certaines plus dramatiques que d’autres. Loin de vouloir déroger à la règle et à ses habitudes, Luciano avait fait le choix de mener une guerre semblable à ceux qui, bien malgré lui, avaient réussi à les piéger Terren et lui, froissant par ce fait sa fierté, entre bien d’autres choses. Pour ce faire, le puîné Viridis comptait bien user de ce qu’il avait de plus précieux - ses relations - et récolter les fruits des graines semées bien longtemps auparavant.
Luciano n’avait pas oublié Giuseppina Visconti qui, bien avant de finir à la tête du très populaire Iniciativa, avait longtemps séjourné à Borao où ses parents demeuraient encore, fidèles à leur poste auprès des Viridis. Luciano n’oubliait pas non plus le coup de pouce de Milano à son encontre lorsque la jeune femme, lasse des rangs de la désormais Guarda, avait voulu changer de voie après la Nova Existência. Si les Viridis, à l’époque, avaient su ne rien réclamer en échange, Luciano apercevait aujourd’hui l’occasion pour elle de s’acquitter de cette dette, celle que les frères Viridis ne lui avait jamais rappelé mais qui n’en demeurait pas moins réelle, existante. Comment ? La réponse était simple, évidente : qui mieux qu’une journaliste pouvait parvenir à dénicher des informations, celles que d’autres peinaient à trouver ?
Fier de son projet, Luciano avait invité la fille Visconti à Borao, dans un cadre non conventionnel qui n’avait pas manqué de trahir l’aspect clandestin de cette rencontre sollicitée par l’intendant. Malgré cela, pour une raison qui échappait à sa volonté, le puîné Viridis ne fut pas celui qui accueilli la jeune femme au rez-de-chaussée de la Tour Viridis ; a sa place se présenta Kerack, le majordome qu’on lui avait toujours connu. Grand - moins que Luciano - fin et pâle, âgé d’une vingtaine d’années, le jeune homme reconnut aisément la journaliste, dont le visage n’était pas inconnu à Cinza. Sobrement habillé d’un costume-cravate qui faisait à l’instar de son patron partie du personnage, sans attendre Kerack rejoignit Visconti lorsque celle-ci pénétra dans l’immeuble.
« — Mademoiselle Visconti » l’interpella le jeune homme « Je suis Kerack, le majordome de monsieur Viridis. Luciano va avoir un peu de retard, il m’a demandé de vous accompagner à l’étage » déclara-t-il.
D’un signe de main vers l'avant, le majordome l’invita à rejoindre l’ascenseur. Droit dans sa posture, à bien des manières Kerack n'était pas sans rappeler l'homme qu'il servait ; professionnel, il était à l'image même de l’élitisme Viridis, relativement reconnu à Cinza.
« — Il vous prie de bien vouloir l’excuser » déclara le majordome, tandis que l'ascenseur leur faisait grimper les étages « Sa réunion ne devrait pas tarder à se terminer » assura le jeune homme.
Ils ne mirent pas longtemps à atteindre le dernier étage de la tour, qui abritait le très rarement visité appartement de Luciano Viridis. Le caractère informel - mais pas secret - de leur rencontre lui avait fait choisir cet endroit plus qu'un autre et confiant quant aux compétences de son majordome, l'intendant lui avait confié la lourde tâche d'installer comme il se devait la journaliste en attendant son arrivée.
L’ouverture de l'ascenseur donnait directement sur l'entrée et la guidant à l'intérieur sans se soucier des coups d'œil jetés çà et là par la journaliste - l'appartement ne laissait jamais personne indifférent - Kerack s'empressa de lui désigner la table ronde qui siégeait à quelques mètres, l'invita à s'y asseoir. La venue des impromptus visiteurs avait fait s'éveiller un Elecsprint qui, jusqu’à présent couché en rond dans un panier, avait levé la tête pour les observer d'un regard méfiant, peu engageant. Plus que Kerack qu'il connaissait, le pokemon fixa un moment la journaliste. Savait-elle qui il était, lui qui avait longtemps erré dans les rues de La Isicao et qui, par ses ”méfaits” auprès de la Guarda, n'avait pas manquer de faire couler de l’encre ? Lui, en tout cas, savait très bien qui venait d'entrer chez l'intendant de Borao.
De retour dans ma ville natale, que je n’avais pas vu depuis quelques années maintenant. Borao, l’éternelle. Rien n’a changé, tout est exactement comme dans mes souvenirs. Cette odeur si particulière, qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Un parfum très frais et fleuri. La différence avec La Isicao est énorme et se ressent physiquement. À la capitale, j’ai l’impression d’être continuellement oppressée, que mes poumons ne fonctionnent pas correctement. Tant l’air y est pollué. Ici, j’ai l’impression d’être libérée d’un poids. C’est tellement agréable. Si j’avais la possibilité de faire déménager le siège du journal, croyez-moi que je le ferai… J’en toucherai peut-être deux mots aux Viridis.
Ils sont d’ailleurs la raison de ma visite. J’ai un rendez-vous privé avec Luciano Viridis, je me suis donc habillée pour l’occasion. Très professionnelle. Un pantalon et une veste de costume noir, une chemise blanche, des bretelles très chics et une paire d’escarpins. Je ne revois pas n’importe qui.
Je ne connais pas la raison de notre entrevue. Luciano ne convient jamais d’un entretien personnel, si cela n’est pas d’une importance capitale. Je ne le connais pas forcément très bien, mais je l’ai côtoyé à plusieurs reprises. Parfois de manières plus intimes, que d’autres. Mais cette information restera secrète pour vous. J’ai bien une petite idée du pourquoi de ma présence dans cette ville. Je n’ai pas oublié que je dois mon poste de responsable de l’Iniciativa à son influente famille. Je savais qu’un jour, j’allais leur être redevable. Cela ne me dérange pas. Je suis prête à rembourser le prix de ce gracieux « coup de main ».
Pendant mon séjour, je loge chez mes parents. J’ai l’impression de retourner en enfance, devoir suivre leur train de vie, retrouver des horaires classiques et parler de tout sauf du boulot. C’est reposant. En sortant, je me dis qu’il faudrait que je me fasse ça plus souvent.
Je prends la route direction la Tour Viridis. Je tente de me contenir, pour l’image. Même si je suis assez excitée à l’idée de revoir une vieille connaissance. L’image de l’immense bâtiment moderne apparaît, un homme m’attend devant la porte. Surprise qu’il ne s’agisse pas de mon hôte.
- Bonjour, ravi de faire votre connaissance Kerack. Oh, il n’y a pas de soucis, je vous suis Monsieur.
Je lui emboîte le pas. Je ne suis pas surprise de l’absence de Luciano, avec toutes les affaires qu’il a géré et ses déboires avec la fille Terren. D’ailleurs, je suis curieuse de connaître l’avancée de cette affaire, que je n’ai pas traitée. C’est bien la première fois que je laisse la concurrence libre, mais je ne voulais pas me mêler de cette histoire. Je monte dans l’ascenseur comme indiqué.
- Il n’y a pas de mal, Luciano est un homme avec des responsabilités… Je sais ce que c’est de ne pas être à l’heure à un rendez-vous. Je patienterai le temps qu’il faille, merci beaucoup pour votre accueil Kerack.
Nous descendons de l’ascenseur et je redécouvre l’appartement de Luciano, que je connais déjà. C’est la deuxième fois que je pénètre ici. J’ai toujours aimé la décoration de cet endroit. Elle prouve le goût et le raffinement du propriétaire des lieux. Je m’installe sur la chaise de l’immense table et je remercie une nouvelle fois le majordome. Mon regard est alors attiré par l’Elecsprint, que je salue également. C’est un Pokémon qui va excellemment bien à Luciano. De mon côté, je suis accompagnée de Barachiel mon Amphinobi, qui se tient droit près de moi. Il ressemblerait presque à un garde du corps.
Quelques minutes passent et la porte s’ouvre une nouvelle fois, révélant une silhouette grande et enlacée avec une longue chevelure blonde. Mon rendez-vous est arrivé.
Sa curiosité piquée à vif, l’Elecsprint fixa encore longtemps la journaliste et son Amphinobi. Que se tramait-il dans sa tête de canidé ? Personne ne pouvait le dire et n’en pouvant finalement plus, le chien électrique se leva pour s’approcher d’eux, sous le regard attentif de Kerack, qui n’était pas sans avoir remarqué chez le pokémon un intérêt inhabituel pour les visiteurs présents. Abordant avec lenteur la journaliste assise derrière la table ronde, l’Elecsprint se hasarda à la flairer non sans surveiller du regard la grenouille bipède qui se tenait à ses côtés. Du haut de son mètre cinquante, le héros de La Isicao avait de quoi impressionner et sans doute sa réserve à l’idée d’entrer en contact avec la visiteuse était-elle appréciée par la concernée.
Protecteur s’attarda un moment à identifier la journaliste avant de s’éloigner sans crier garde, comme pris en flagrant délit. L’instant d’après, la porte de l’ascenseur s’ouvrir de nouveau pour laisser paraître le maître des lieux et sa très connue Lougaroc qui, bien avant lui, s’engouffra dans l’appartement. L’Elecsprint les avait-il entendu arriver ? Bien sûr et déjà, le chien électrique s’éloignait, ravalant sa curiosité pour laisser place à Gare à Toi, qui s’empressa de venir saluer la jeune femme et son Amphinobi. Battant de la queue avec vivacité, la louve semblait ravie de retrouver la journaliste. Pourquoi ? C’était une bonne question. Pénétrant à son tour dans l’appartement, Luciano observa le manège de la Lougaroc … du plus loin qu’il s’en souvenait, Gara n’avait pas connu Giu au point de lui manquer, pourtant l’intendant ne se formalisa pas de cette improbable fête que la louve offrit à la jeune femme. Accordant un instant à son majordome qui l’avait rallié, Luciano échangea avec lui quelques mots avant de le laisser partir, veillant à le remercier d’avoir remplis une partie de son rôle … puis, sans attendre, l’intendant s’affaira à rejoindre la rousse, qui n’avait pas manqué d’être occupée à accueillir l’exaltation de la Lougaroc. Quittant sa veste qu’il déposa sur l’un des plans de travail de la cuisine ouverte, le puîné Viridis la salua enfin tout en se rapprochant.
« — Giusepa » l’interpella-t-il tout d’abord simplement, usant à l’occasion d’un surnom peu commun.
La désormais journaliste n’était pas une étrangère pour lui … bien au contraire. S’ils n’étaient pas ce que le commun des mortels considérait comme proches, Luciano avait jadis connu la jeune femme d’une manière tout à fait singulière, dont il se souvenait. S’il s’agissait désormais d’histoire ancienne, Giuseppina Visconti avait cependant gardé dans son esprit une place particulière, que Luciano n’avait pas le cynisme d’ignorer ou de faire fi d’oublier.
« — On dirait que Gara se souvient de toi » fit-il remarquer en observant la Lougaroc, un peu amusé par l’idée. Voyant son maître approcher, la louve crépusculaire s’éloigna de leurs invités pour lui laisser place. Un moment, l’intendant observa l’Amphinobi qui accompagnait la seguidor, avant de poursuivre « Pardonne mon retard. Ce n’est pas à toi que je vais décrire combien les gens qui se pensent important aiment à s’entendre parler » déclara-t-il, non sans une pointe d’humour « Merci d’être là » ajouta-t-il finalement « Je te sers quelque chose ? » demanda l’intendant.
Sa question, emplie de politesse, appelait à un choix autre que celui énoncé. Luciano ne lui demandait pas réellement si elle voulait boire quelque chose, mais plutôt quoi et c’était là une évidence qu’il n’avait pas besoin de traduire. Ce n’était pas la première fois qu’ils se rencontraient après tout et même si de l’eau avait coulé sous les ponts, Giuseppina se souvenait certainement des manières de Luciano Viridis, qui ne laissaient jamais vraiment indifférent.
J’observe plus en détails l’appartement de mon hôte pour la journée. Froid mais confortable, à son image. Je ne suis montée chez Luciano qu’à de très rares occasions, il n’est pas le genre de personne à entrer du monde dans son intimité et surtout pas une journaliste avide de potins. La décoration est chic, sobre. C’est beau. L’Elecsprint qui ne dormait que d’un œil depuis mon arrivée, s’approche de moi. Je ne suis pas étonné de voir un Pokémon de cette espèce auprès de l’intendant de Borao. Je laisse donc le protecteur des lieux de jauger, autant faire bonne impression. Barachiel en fait de même. L’Amphinobi se tient bien droit à mes côtés.
La porte de l’ascenseur s’ouvre alors, libérant Gara et sa fougue. La Lougaroc court vers moi. Elle qui n’est pas connue pour être la sociable, prouve le contraire. Je l’accueille avec des caresses sur la tête, derrière les oreilles et sur le flanc. Barachiel quant à lui, délaisse cette scène trop mièvre pour lui et vient saluer Luciano élégamment.
- Luciano, je suis heureuse de te revoir.
Cette phrase aurait pu être un mensonge, mais ce n’est pas le cas. Je suis heureuse de le retrouver, de retrouver un brin de mon passé et surtout de pouvoir discuter avec lui comme dans le bon vieux temps. La séance de câlins terminée, Gara s’éloigne et va se coucher non loin de son propriétaire.
- Qui peut m’oublier, je te le demande !
Une touche d’humeur et une pointe de vérité. Je ne brille pas par mon humilité et mon hôte non plus, chacune de nos réunions se transforment en combat de popularité et de modestie. Toujours dans le respect de l’autre attention. Nous ne sommes pas des animaux et nous devons nous montrer irréprochables. Et il est évidemment tout pardonné. Je lève les yeux au ciel en repensant à toutes ces personnes qui se pensent si importantes, qu’elles ne vautrent éhontément dans une autosuffisance vulgaire. Effectivement, il n’a pas besoin de me décrire la chose. L’ayant vécu à de maintes reprises.
- J’accours toujours quand le chef de Borao demande à me voir, c’est bien l’une des seules situations pour laquelle j’obéis sans rechigner. Et je vais te prendre ton meilleur brandy, mon cher.
J’accompagne ma réponse d’un mouvement de cheveux et d’un sourire amusé. Je connais les manières de Luciano et surtout sa façon de parler. Lui connaît ma manière d’être et sait déchiffrer mon langage non-verbal. Nous n’avons pas grandi ensemble, mais nous nous sommes côtoyés à de nombreuses reprises et nos deux caractères se ressemblent à quelques détails près. Il n’est donc pas difficile pour l’un de savoir comment fonctionne l’autre. Les boissons servies, je lève mon verre pour célébrer nos retrouvailles.
- Tu sais toujours aussi bien recevoir Luciano, mais je me doute que si tu m’as fait venir jusqu’ici ce n'est pas seulement pour le plaisir de prendre un verre.
Je croise les jambes, attendant impatiemment la raison de ma venue.
Giuseppina Visconti n’avait pas changé. De cette femme singulière émanait toujours une aura qui, constamment, suscitait chez lui un désir de douce concurrence. De manière réciproque, les deux se complaisaient à se donner la réplique dans un jeu qui, plus d’une fois, les avait mené à bien des choses. Si leur dernière entrevue datait d’un moment déjà, le duo semblait ne rien avoir perdu des habitudes jadis prises et pendant longtemps entretenues. Qui pouvait oublier la rouquine, oui, Luciano se le demandait bien.
« — Personne, ce me semble » répondit-t-il, un sourire sur le coin des lèvres « Il faut dire que la qualité des relations que tu offres ne manque pas de se distinguer » assura l’intendant.
Un éclair traversa un instant son regard. A bien des égards, Visconti n’était pas femme à laisser indifférent : certains la détestaient, d’autres l’adoraient, et l’ennuie en sa présence n’était jamais au rendez-vous. En cela Luciano Viridis n’était ni hypocrite, ni excessif : l’intendant de Borao pensait ce qu’il disait … rares étaient ceux à pouvoir se vanter d’attirer l’attention du puîné Viridis et de manière tout à fait conscience la journaliste le savait, s’en jouait parfois, souvent.
La remarque de l’éditrice concernant sa venue à Borao arracha un sourire à l’intendant. Obéir sans rechigner ne lui ressemblait pas, pourtant l’homme accusa l’information, conscient de la valeur spéciale de ses demandes, qui brillaient par leur raretés. Là où d’autres multipliaient leurs sollicitations, le puîné Viridis avait le tact – mais aussi l’orgueil – de rarement requérir de l’aide ; une particularité, qui insufflait à ses requêtes une importance singulière … Luciano Viridis n’appelait pas pour rien et tout le monde le savait. Prenant le chemin du bar, l’homme attrapa une carafe en verre sculpté, en partie pleine d’un liquide à la robe automnale, et loin d’être avare l’intendant en servis deux verres. L’un d’eux, évidemment, était destiné à son hôte.
« — J’ose espérer que ma requête ne faisait pas office d’ordre à tes yeux » déclara-t-il en tendant le verre à la journaliste, arborant à l’occasion un sourire affable.
Se refusant pour l’heure à s’assoir, Luciano prit appuis contre la table, offrant à sa comparse une proximité particulière. Trinquant à leur rencontre, tous deux s’accordèrent un moment pour apprécier la sensation ô combien particulière des premières gorgées d’alcool, dont la force en aurait dissuader plus d’un. Reprenant finalement la parole, fidèle à elle-même Giuseppina le questionna quant à la véritable raison de sa présence, et l’espace d’un instant, les lèvres de l’intendant s’étirèrent en un sourire amusé.
« — Tu es toujours aussi perspicace à ce que je vois ... le temps n’a pas su émousser ce talent » fit-il remarquer. Parce que Luciano Viridis n’était pas homme à perdre son temps ni à jouir impunément de celui des autres, l’homme se garda de tourner autour du pot « Je suppose que tu n’es pas sans avoir eu vent de la mésaventure que nous avons essuyé à La Isicao, Isidora Terren et moi-même » commença le puîné. L’Iniciativa avait gratifié l’évènement d’un article, aussi Giuseppina pouvait-elle difficilement le nier « Je sais que les journalistes protègent leurs sources, et que c’est un devoir autant qu’une nécessite, mais … j’aimerai savoir si les tiens se trouvaient sur place au moment des faits, et si oui, comment ils ont su qu’il fallait se trouver là. Qui les a prévenu ? » questionna-t-il. Luciano laissa quelques secondes s’écouler « J’ai besoin de savoir. Cette affaire concerne bien plus qu’une simple fausse histoire de nuit torride » assura l’intendant.
Oui, cette histoire allait bien au-delà d’un quelconque honneur bafoué. Giuseppina l’ignorait sans doute, mais Luciano avait été drogué ce jour-là, et son corps ainsi que celui de Terren avaient été mis en scène dans l’espoir, probablement, de semer la discorde entre les familles. Tous les moyens étaient bons pour mettre la main sur les parias qui avaient osé s’en prendre à lui.