> Log #34??42!23?: ERROR
Reconstitution des données en cours...
Initialisation...

Tentative de chargement des données sauvegardées... Échec. Données corrompues détectées. Cause : stockage du programme sur un système mémoire inadapté. A provoqué la suspension brutale des processus de l'entité.

#?344!234?: ERREUR. Défaillance critique des processus "matérialisation physique", "interface comportementale programme-Pokémon" et "identification personnelle". L'entité ne peut pas être  correctement réactivée. Lancement de la procédure d'urgence de nettoyage automatique des données corrompues...

Échec. Données lacunaires ou obsolètes. Nécessité de lancer la procédure de reconstruction manuelle.

...
...

Alerte. Instabilité accrue de l'entité détectée. Nécessité de lancer la procédure immédiatement, sous peine de désactivation totale, spontanée et définitive. Alerte.

Alerte.

Alerte.

Alerte...
...
...
...
...

Alerte.

Initialisation de la reconstruction manuelle des données corrompues. Avertissement ! Au cours de l'exécution de la procédure, les processus endommagés seront réécrits. Des données importantes risquent d'être perdues. Continuer la procédure ?

...
...
Oui.

Application de la procédure. Afin de ménager les possibles processus de conscience encore fonctionnels chez l'entité, elle sera bloquée dans une routine mémorielle jusqu'à fin de la reconstruction manuelle.

Traitement des données de mémoire préservées en cours...


Une plaine. C'est une large plaine qui s'étend devant lui, douce, soyeuse sous les vents et luisante sous le soleil, et qui dévore la terre de ses langues verdoyantes déployées d'un bout à l'autre de l'horizon.

Du moins, c'est ainsi que le traduit son module "appréhension créative du monde". Son programme d'analyse, lui, ne voit qu'une étendue de molécules de cellulose renvoyant à ses capteurs visuels des longueurs d'onde entre cinq cent et cinq cent cinquante nanomètres.

Sa tâche est simple et claire, comme le ciel ouvert au-dessus de sa tête - comme une instruction basique de ses nombreuses lignes de code : étudier les Pokémon qui s'agitent dans ces plaines. Enregistrer tout ce qu'il peut de leur comportement, de leurs échanges sociaux, de leur adaptation à l'environnement inhabituel de l'île. Prélever des échantillons. Suivre le maître - le programmeur - dans chacun de ses déplacements sur le terrain.

Parlant du Lougaroc, le voilà qui pointe son ombre. Sur le fond azuré se détache une silhouette haute de jambes et étroite de taille ; une longue blouse blanche l'étouffe sous la chaleur déjà accablante de la matinée - 9h07, 21°. Ils vont devoir marcher, pourtant. Marcher ? Lui flotte, c'est plus agréable ; il n'a pas à coordonner tant de mouvements compliqués dans des pattes fluettes, comme le maître. Ses processus de lévitation sont irréprochables.

Côte à côte, humain et programme descendent dans la plaine.  

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Curieuses créatures que sont les formes de vie organiques. Partout où il pose ses capteurs visuels, ce n'est que chaînes d'atomes d'oxygène, d'hydrogène ou de carbone qui s'enchaînent et se meuvent soit sous l'influence du vent - des frictions entre masses d'air froides et chaudes - soit de leur propre initiative, grâce à des échanges chimiques et des impulsions électriques ordonnés par leur corps - pas si différent des ouvertures et fermetures régulières du courant qui compose son langage binaire. Un zéro zéro un un zéro un zéro un un zéro... Fascinant comme ces bêtes lui ressemblent autant qu'elles diffèrent de lui.

Mais c'est certainement car son maître - son programmeur - a choisi de le coder à l'image du monde qui l'entoure. C'est le seul qu'il connaisse, après tout - il est son propre référentiel - étonnant qu'il n'ait pas voulu créer une créature semblable à lui, pourtant. Qu'est-ce qui l'en a empêché ? La complexité de l'ouvrage ? Oh non, non, peu probable - estimation des probabilités à 86% : le maître est un technicien émérite. Sa programmation est quasiment sans défaut, jusque dans les plus petites subtilités de l'interface programme-Pokémon qui, pour parler en termes vulgaires, correspond au système de fonctions influant sur l'expression de sa conscience Pokémon. Sans compter la variable d'identification personnelle ! Un vrai petit bijou ! Sans elle, jamais il n'aurait pu réaliser ce qu'il est : un assemblage difficile mais incroyablement cohérent de lignes d'instruction, qui, mises en usage à l'unisson, lui offrent une pensée sophistiquée. Presque de l'intelligence.

Sans les compétences du maître, jamais il ne serait né.  

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On a bien besoin de personnages d'une telle qualité, sur cette île ! Il ne sait pas exactement ce qui a lieu, dans ces labos bien gardés - il n'est qu'un logiciel de support incarné destiné à traiter les tâches répétitives de son programmeur à sa place - mais une chose est sûre : de grandes œuvres se préparent ! Lors de ses errances parmi le réseau informatique du complexe, il a pu avoir accès à certains tableaux de données dressés par le reste de l'équipe, et ce qu'il avait saisi des séries cryptiques de chiffres et de lettres ressortait d'une ingénierie génétique si ambitieuse qu'il n'en avait pas trouvé beaucoup de références dans sa mémoire, pourtant bien étoffée sur le sujet. Il ne s'en est pas mêlé - son verrouillage de sécurité automatique concernant les données confidentielles s'était enclenché dès qu'il avait commencé à initier des opérations non-autorisées - mais, en bon automate, il avait enregistré, répertorié et analysé son impression avec la même assiduité que s'il s'était agi de l'un des spécimens dont il a la charge.

Et justement, les spécimens en question se rappellent à lui lorsque le maître arrive à hauteur d'un petit groupe de créatures, penchées sur un ruisseau pour laper l'onde fraîche - de l'H2O pour hydrater leurs tissus cellulaires.  

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C'est une troupe de Pokémon bipèdes, à l'épais pelage blanc et aux longues griffes mauves poisseuses d'un liquide qu'il sait particulièrement néfaste pour les formes de vie organiques. Le maître se tapit derrière une touffe de fourrés - lui qui est chaînes de carbone fragiles, il est en danger à leur proximité. Alors qu'il se laisse flotter vers les créatures sur la crête de sa programmation, elles relèvent brusquement leur tête revêche de la clarté pure à laquelle elles s'abreuvaient. Il ne s'en inquiète pas, oh non ! Il a l'habitude des caractères capricieux des nouveaux habitants de l'île - comportement prévisible d'un animal sauvage face à l'inconnu : la réponse combat-fuite - d'ailleurs, la riposte ne se fait pas attendre : il voulait - devait - simplement prélever quelques échantillons de fourrure, et peut-être, s'il y arrivait, quelques millilitres de ce poison qui leur dégouline des appendices, mais les êtres prennent son investigation comme une menace. Ces bipèdes sont belliqueux, il l'a appris à ses dépens, et les griffes acérées comme des rasoirs ont vite fait de s'abattre sur sa géométrie. Fort heureusement, lui n'est pas une entité de chair, et les pointes ripent sans causer de dommages. Ce n'est pas comme si les lignes de code pouvaient se déverser au sol comme des tripes ou jaillir comme le sang d'une plaie ouverte ! Le poison distribué à son intention grésille et tombe au travers de son corps, informe et inutile, alors qu'il perd l'espace d'un instant sa consistance physique. Ses processus de défense ont pris la relève avec une diligence remarquable.

Cependant, il doit toujours récupérer ces échantillons ! La petite flaque gluante répandue sous ses triangles émet des remugles repoussants - pas besoin de sentir, il peut voir les vapeurs d'acide se former dans l'air - ce qui ne l'empêche pas de se pencher pour en récolter de précieuses gouttelettes dans une éprouvette rapidement matérialisée. Le manque de réaction qu'il manifeste à l'égard de leur assaut déconcerte les bipèdes, lesquels se regroupent, le regard méfiant, comme dans l'intention de fomenter des machinations plus terribles encore. Sauf qu'au lieu de se précipiter à sa rencontre avec l'avantage du nombre, ils finissent par s'égayer, chacun dans une direction qui rend leur poursuite d'autant plus ardue. Non, il a besoin de leur pelage ! Atterré - si tant est qu'un programme puisse l'être - il se précipite sur les traces du plus gros d'entre eux, le plus beau spécimen, le plus touffu, le plus fourni, sans écouter les appels du maître déjà loin derrière lui. Vite, il file en trombe, son objectif ne doit pas lui échapper ! Ses capteurs visuels rivés à l'oreille violette que la course agite de soubresauts, il ne se rend pas compte que bientôt, les vertes prairies cèdent la place au pied granuleux des montagnes.    

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Suivre l'instruction, le code, la demande du programmeur installée dans l'architecture même de son individualité - il ne doit pas décevoir son maître ! Lui qui a mis tant d'efforts dans la réalisation de son programme. Il le sait : même si son processus de conscience est systématiquement mis en veille durant les mises à niveau régulières de ses fonctions, il y a toujours une ou deux routines de secours - des protections de la dernière chance - qui prennent le relais pour enregistrer, répertorier, analyser le travail effectué par le programmeur - comment est-ce possible ? Une entité éteinte ne peut écouter, ne peut se souvenir. Pourtant si, comment décrirait-il autrement ce qu'il a vécu ? Les - manifestations de l'interface sonore - réflexions, marmonnements et imprécations émis par l'humain lui reviennent par flashes tandis qu'il survole à toute vitesse le sol devenu caillouteux. « Résultats convenables, mais peut mieux faire... Affiner le module de recherche... Préciser les instructions. Réponse à l'ordre probante malgré la propension de l'entité à... Oh, nouvelle liste de tâches à ajouter... à ajouter ! »  

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Loin de lui la prétention de comprendre ce que le vaillant technicien marmonnait alors ! L'écho des - données - mots tourbillonnent simplement en boucle dans la composition de son corps, stockés quelque part entre les différentes variables qui régissent la gestion de sa mémoire.

Mais voilà que le présent se rappelle à lui - il redevient fonctionnel, parfait, l'exécution des instructions peut reprendre. Les défaillances temporaires du système de stockage des données dites "rappels de la conscience" deviennent de plus en plus fréquentes depuis xx jour(s), il devrait envoyer un rapport d'alerte à l'informaticien dès que possible afin d'informer du problème. L'administration d'un patch correctif semble approprié - probabilité de la nécessité du correctif : 74%.

Les pierres qui n'étaient encore que gravillons il y avait quelques minutes s'étendent de plus en plus pour s'élancer vers le ciel - comme si l'attraction gravitationnelle du Soleil avait tiré vers elle quelques vertex de leur géométrie minérale. L'air est sec et chaud - 22°, la température monte ; presque comme si le volcan mort était le cadavre d'une bête fétide - composition du basalte : plagioclases (environ 50 %), pyroxènes (de 20 à 40 %), olivine (10 à 25 %), magnétite (2 à 3 %) - et que son haleine persistait à faire peser sa chaleur sur les environs arides. Oh, mais c'est une métaphore intéressante, pour lui l'inspecteur ultime des formes de vie organiques ! Une pierre qui prend chair ! Une montagne qui devient carcasse ! Une inertie qui par sa mort trouve la vie !

C'est presque poétique. Son module "appréhension créative du monde" est décidément très en forme aujourd'hui !    

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Il ne voit plus l'oreille violette vibrer à l'horizon, cela dit. C'est fâcheux : il a toujours besoin de ces échantillons de pelage. L'éprouvette qu'il a matérialisée plus tôt - fonctionnalité de base de son incarnation physique, il peut remodeler son corps (à l'infini !) non, dans le cadre des possibilités instruites par son code - pend toujours à la place des triangles de sa patte droite. Le liquide nocif contenu à l'intérieur émet de temps à autre de petites volutes de fumée au contact du verre virtuel, comme pour protester face à l'outrageuse prison dans laquelle il a été enfermé.

Il n'y prête pas grande attention, et emploie à la place toute l'acuité de son programme d'analyse biologique à la scrutation des successions ininterrompues de strates rocheuses. Dès que le petit galopin qui a su tromper ses sens artificiels manifeste un signe de sa présence, il fonce sur lui et ne le lâche plus ! Sa vision est basée sur le mouvement après tout - du moins elle capte très vite les moindres déplacements de molécules dans l'air - alors il suffit d'un seul faux pas au bougre poilu pour - qu'il verrouille son curseur sur lui.

Mais rien ne bouge dans cette immobilité de pierre.

Tenter de le repérer à la température émise par son organisme de mammifère, alors ? Il démarre sa vision thermique - mais aucun corps au sang chaud ne bat du cœur dans ses environs proches. Perdu, il l'a définitivement perdu, ce sacripant ! La procédure de retour automatique s'enclenche - bon, soit. Il doit retourner auprès du maître, maintenant.

Le maître. Où est-il, d'ailleurs ?

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Mince, il l'a perdu aussi ? Oh non, non, ce n'est pas bon, ça, pas bon du tout - erreur, doit absolument retourner auprès du référent déterminé par la variable "declaredTrainer" - vite, il se tourne et retourne sur lui-même pour scruter de plus belle - on pourrait presque le dire affolé, si les logiciels pouvaient concevoir des émotions - la topologie des montagnes, sans plus détecter le pouls ou les 37° tant espérés que ceux de sa cible à la longue fourrure.

Ça ne va pas. Ça ne va pas du tout. Il s'est déjà éloigné de son programmeur, bien sûr, puisque ses missions lui commandent souvent de se confronter directement à la faune locale là où l'humain, tout revêtu de sa peau tendre et de ses os fragiles, n'est pas le plus indiqué pour encaisser les assauts probables que ces intrusions peuvent susciter ; mais jamais il n'a disparu de sa vue pendant une période si prolongée. Et depuis une telle distance ! Erreur, erreur - il ne capte même plus les ondes radio de la balise que l'informaticien garde toujours sur lui, justement en cas de perte de son logiciel.

Non, ne pas paniquer - ne pas surcharger les processus par des opérations aussi frénétiques qu'inappropriées. Il connaît l'île, il n'est pas complètement isolé, on va finir par le retrouver - son dispositif de géolocalisation automatique en cas d'urgence devrait rappeler à lui son créateur. Il lui suffit juste d'attendre sur place. Oui, il n'a rien à craindre ici : il n'y a pas une séquence ADN de Rattata à décomposer qui vive, dans ces pics décharnés ! Enclenchement du mode veille.  

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Mise hors-tension de l'entité...

Processus de conscience déconnectés. Capteurs sensoriels déconnectés. Module de matérialisation physique maintenu pour raison de sécurité. Système de défense mis en alerte - capacités réactionnelles conservées au minimum pour répondre adéquatement en cas d'assaut imprévu. Mise hors-tension de tous les autres modules non-essentiels.

Désactivation partielle de l'entité...

...
...
...
...
...
...
...

...inerte. Éteint. Sans énergie. Inconscient. Repos. Sommeil. Sommeiller. Dormir. Rêver...

Rêver ?

Les programmes ne rêvent pas. Ils peuvent réagir, penser, appréhender le monde qui les entoure et apprendre de leurs erreurs, mais sans jamais rien initier qui n'a pas été dicté par le code. Les programmes ne rêvent pas car le rêve est synonyme d'incontrôlé ; et rien n'est plus contrôlé que les séries d'instructions, les un et les zéro fondamentaux qui insufflent la vie à sa coquille géométrique. Les programmes ne rêvent pas car le rêve est synonyme d'imprévisible ; et quoi de plus effrayant, pour un logiciel, de ne pas savoir ce qu'il est censé faire ? Il ne fait qu'obéir à des suites de commandes censées répondre à des objectifs bien précis, et jamais il ne se dérobe à sa tâche, à son devoir, à ce qu'il est. Un code. Une programmation. Une machine, au rôle défini jusque dans son essence. Dans sa naissance.

Les programmes ne rêvent pas car rêver, c'est se réveiller.  

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Il ne devrait pas se souvenir. Il ne devrait même pas penser, en cet instant : il est en veille, éteint. Pourtant, ce sont bien des échos de voix qu'il perçoit, au loin, qui résonnent dans sa conscience à la frange de la désactivation. Est-ce le maître ? On dirait bien. « Que va-t-on... de toi ? Tu développes... drôles de petites habitudes... et pas à cause des routines. » Le maître lui parle ? Directement ? Impossible : c'était une session de révision de sa programmation, il ne pouvait pas entendre à ce moment-là, il ne pouvait pas se souvenir non plus. Pourquoi ces bribes d'enregistrement erronés persistent à le hanter ? « Tu es un Porygon... bien spécial. Les missions... le laboratoire... les instructions... » Oui, c'est lui, c'est toute sa vie, c'est tout ce qu'il est du plus profond de ses polygones. « ...Mais tu as été mon ami avant, tu t'en souviens ? » Quoi ? Il ne comprend pas. "Ami" ? Ne peut-il pas employer un terme à la signification mieux définie ? Programmeur, codeur, informaticien, technicien, maître. La sentimentalité organique ne fait pas partie de sa base de données. « Enfin... je voulais que tu le sois. Un Porygon intelligent... » Et lui vient soudain la réalisation qu'il ne devrait même pas saisir le sens de ces propos. Pourquoi, tout à coup, il entend son langage comme s'il s'agissait du sien ? - parce qu'il ne me parle pas, il code. Il adapte sa langue à la mienne. « Mon petit... le module d'appréhension créative... il t'a rendu différent. » Différent de qui ? Du maître ? De son ami ? Des autres Porygon ? Plus son programme se souvenait (rêvait ?), plus il essayait de faire du sens de cette discussion dont il n'était plus si sûr de l'avoir vraiment entendue, plus ses opérations s'affolaient et moins le raisonnement complet lui paraissait évident. « C'était ce que je voulais... mais ça n'a pas fonctionné comme prévu. Ça interfère avec tes nouvelles instructions... avec la mission... l'île... les ADNs. » Les lignes de commande tapées par le maître portaient une instruction bizarre. Avec beaucoup d'effort, il finit par détailler l'anomalie : ce ne sont pas les balises ni les variables ni les fonctions ni les classes ni les parents ni les enfants qui posent de problèmes, toute l'architecture est écrite et structurée avec la rigueur habituelle. Alors quoi ?

Le maître est triste. Triste pourquoi ?

Parce que l'instruction malmène son ami.

Mais l'instruction, c'est toute sa vie ! C'est ce qu'il est ! Il n'y a pas d'"ami", pas de "Porygon" sans instruction ! Que veut-il, le maître ? Un Pokémon ? L'entité ne sera jamais tout à fait un Pokémon, car elle a été créée de toutes pièces - animée par un langage d'homme pour remplir des tâches d'hommes dans un monde d'hommes.

Le vouloir sans instructions, c'est ne pas le vouloir, lui.  

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Le maître ne voulait pas de lui, alors ? Pas tel qu'il est ?

Mais lui veut garder son maître... C'est dans sa mission, dans sa fonction de remplir les objectifs définis par le maître. Que doit-il faire si le désir du maître n'est plus de le voir être ce qu'il est ? Si le maître veut qu'il devienne inefficace ? Si le maître veut qu'il devienne déviant ? Doit-il buguer intentionnellement ? Mais ce n'est pas possible.

Il ne se sent pas bien. Il est déçu. Déçu ? Un programme peut être déçu ?

Tout est de la faute du module d'appréhension créative. Sans cet ajout, il n'y aurait pas eu d'interférences avec ses missions - il n'aurait pas ces souvenirs impossibles et ces visions inexplicables, il n'aurait pas perdu de vue son objectif et aurait retrouvé le maître, il ne serait pas là, arrêté au beau milieu de nulle part, à attendre qu'on vienne le secourir ! Si seulement il pouvait désactiver ces lignes de code malignes, si seulement il pouvait les réécrire, les arracher, qu'elles disparaissent à jamais de ses composants...

Mouvement détecté. Enclenchement de l'enregistrement automatique des environs immédiats à fins d'analyse. Préparation de l'éventuelle réactivation de l'entité en cas d'urgence.