Tout commence toujours par une relation si forte, si intense, si puissante, que la vie décide de s'installer. Un amour qui se consume, jour après jour, et qui donne à ces deux êtres un mini-eux, qu'ils désirent, aiment et décident de choyer. Tout cela est tellement beau, tellement idyllique, et tellement faux. Je n'ai jamais été un bébé désiré, et je ne le sais que trop bien. Mon père, Foldo, et ma mère, Elsa-Mina, étaient jeunes, bien trop jeunes, pour fonder leur famille. Je n'étais rien de plus que le résultat d'un accident, un oubli de capote, que sais-je ? Tout ce que je peux vous affirmer sur ma jeunesse - car je ne me souviens pas, de toute évidence, de mon état de bébé - c'est que même s'ils ne voulaient pas de moi, mes parents ont toujours pris soin de moi. Je n'ai pas fait partie de ces enfants qu'on abandonne devant n'importe quel orphelinat, fort heureusement ! J'ai été aimé par mes parents, comme s'ils avaient réellement voulu que je vienne dans leurs vies pour tout bouleverser. Je ne dirais pas que je suis né avec une cuillère d'argent dans la bouche, et que j'étais un gamin pourri-gâté, mais une chose est sûre : j'ai toujours eu un toit au-dessus de la tête et à manger dans mon assiette. Mon enfance n'a pas été traumatisante, néfaste, mauvaise, au contraire ! J'étais le fils de Foldo, le plus jeune des frères Viridis et champion de l’arène de Borao, et d’Elsa-Mina, scientifique à la solde des Viridis. Je n'avais vraiment aucune raison de me plaindre.

Pour l'anniversaire de mes quatre ans, j'ai reçu le plus beau cadeau qu'il m'ait été donné de recevoir : mon premier pokemon. Un petit Pichu, dont le poil était tout doux et au caractère bien trempé, que j'ai immédiatement baptisé Hercule. Je trouvais que ce nom sonnait puissant, fort, exactement comme ce premier ami. Et dès le premier jour, nous sommes devenus de vrais frères, malgré notre différence. Vivre avec Hercule, c'était tellement passionnant ! Il me suivait partout, et faisait les bêtises avec moi. On s'amusait assez souvent à faire des blagues à mes parents, sans se faire punir. C'était tellement chouette d'avoir un ami qui nous ressemblait autant ! Pourtant, quand on n'était pas d'accord, cela faisait - littéralement - des étincelles entre nous. Je ne comptais plus le nombre de décharges électriques que je m'étais pris de la part de mon petit compagnon. Mais, cela va sans dire, il nous suffisait de cinq minutes de bouderie avant de retourner jouer comme si de rien n'était. Copains comme cochons, n'est-ce-pas ? C'était notre plus grande force, j'ai envie de vous dire.


Je venais d'avoir dix ans quand une tragédie nous a tous frappé. Le Système Pérola a commencé à prendre de plus en plus d'ampleur, nous laissant tous impuissants face à la situation. De toute façon, du haut de ma première décennie, je n'avais pas d'autres choix que d'obéir sagement à ce qu'il se passait. Pourtant, alors que j'étais devenu un modèle de calme, entraînant Pichu dans le bon chemin, la vie décida de m'asséner un premier coup dans le ventre. Papa a été arrêté et emprisonné par la Guarda. C'est la main armée de la Team Plasma, une organisation qui correspond aujourd'hui à notre gouvernement. Ce sont eux qui font régner la loi, la justice - tu parles - et qui sont chargés d'emmener les récalcitrants comme mon père. Je les ai vus l'emmener loin de moi, lui qui était mon modèle à la maison. Mais j'avais foi en la justice, il reviendrait à la maison un jour. Je m'en persuadais, alors que même ma propre mère avait laissé tomber. Et comme je m'y attendais, mon père tenta de revenir sur ses pas, de gré ou de force. Il a tenté de s'échapper de sa cellule, mon père était vraiment un héros ! Cependant, même les héros ont leurs faiblesses, et la course-poursuite vers la liberté se solda par la mort de mon père. J'endurais un deuil plus difficile que n'importe quel combat pokemon, j'essayais de me battre pour rester debout. La vie venait de m'asséner son deuxième coup, en plein dans le coeur.

Mais elle n'en avait pas fini avec moi. Car non seulement je me retrouvais orphelin de père, mais très rapidement ma chère et tendre mère se mit à me délaisser. Peut-être que c'était sa façon à elle de faire le deuil, de tourner la page, mais elle se plongea à 100% dans son travail. Je me retrouvais plus seul que jamais, presque comme un orphelin, alors que j'avais besoin de ma mère plus que de personne n'autre. J'avais besoin qu'elle soit là, qu'elle me soutienne tout comme je pouvais la soutenir. Mais non, en réalité elle m'abandonna comme on abandonne les bébés non-désirés devant les portes d'orphelinats. C'est mon oncle, Luciano, qui me prit sous son aile. J'emménageais à la Tour Viridis, afin de n'être jamais seul, et c'est aussi mon oncle qui graissa la patte de nos chers politiciens pour que je garde Hercule avec moi. De toute façon, je ne l'aurais jamais abandonné, quitte à finir moi aussi en prison. Je suivrais les traces de mon père, s'il le fallait, mais rien ni personne n'aurait pu me séparer de mon double. Un peu têtu, vous croyez ? Pour qui me prenez-vous ?


La vie venait de me frapper à nouveau, en plein dans la gueule. Car entre la perte de mon père, il y a cinq ans, l'abandon de ma mère dans la foulée, et mon recueillement par mon oncle, je n'étais déjà pas bien. Hercule était la seule joie de vivre que j'avais, et il n'y avait que quand on s'amusait ensemble que je souriais. Le reste du temps, c'est comme si le décès me revenait sur le coeur, pesant et écrasant ma joie. Mais si j'avais pu imaginer un seul instant que les véritables coupables n'étaient pas ce gouvernement, mais bel et bien ma propre famille... Cela aurait été bien différent. Malheureusement pour eux, je l'ai appris. Les murs ont des oreilles, et trop souvent les ragots vont bon train dans une ville. Bien sûr, j'ai essayé d'ignorer les regards qui pesaient sur moi, les murmures que j'entendais quand je passais avec Hercule dans la rue. Et finalement, j'ai retiré les œillères imaginaires que je m'étais mises, et je me forçais à entendre la vérité. C'est à cause de ma mère, et mes deux oncles, que le Système avait été créé. C'était de la faute de ma propre famille si mon père était mort ! La rage qui s'empara de moi n'avait aucun égal. Non seulement parce qu'ils m'avaient retiré le seul être qui s'était autant soucié de moi, mais aussi personnellement à Luciano. Lui qui m'avait recueilli, presque adopté tellement je voyais en lui une présence presque paternelle, était l'assassin de mon père. De son frère ! Je n'avais plus les mots pour exprimer ce que je ressentais.

Alors je décidais que, au lieu de me perdre dans des explications dont ils n'auraient - de toute façon - rien à faire, j'allais arrêter de leur parler. Je ne croisais plus leurs regards, je ne répondais plus à leurs questions. Ils étaient devenus comme de véritables fantômes à mes yeux. Je ne voulais plus les voir, les entendre, le seul être avec qui j'échangeais réellement et exclusivement, c'était Hercule. Le seul qui avait toujours été présent, fidèle au poste, et qui savait me comprendre. Au final, les deux seuls membres de ma famille devinrent assez rapidement des étrangers dans la même maison que moi. Nos relations se dégradaient, devenant même quasi inexistantes. Je passais le plus clair de mon temps dans les parcs de Borao, vu que de toute façon ils étaient bien trop occupés à l'intérieur de la tour pour se soucier de ce que je faisais. J'entraînais Hercule, mais je me faisais aussi de nouveaux amis dont je leur cachais jusqu'à l'existence. Je ne me montrais jamais avec eux en présence de ceux qui partageaient mon sang.


En quelques mois seulement, j'avais rencontré de nouvelles personnes, qui avaient des idéologies plutôt plaisantes. Ils s'opposaient à ce système totalitaire, qui m'avait enlevé mon père, et faisaient des actions pour le bien commun. Rien que pour ces idées, j'avais fait la plus belle partie d'échecs de ma vie : j'avais mis la Reine en échec, le Fou aussi, et je m'étais fait la malle. Je ne leur avais pas dit que je partais, ni même laissé un petit mot. J'avais simplement rassemblé toutes mes affaires nécessaires, ainsi que celles d'Hercule, et j'avais suivi ce groupe de rebelles. Ils étaient désormais devenus ma nouvelle famille, celle que j'avais choisie. Je les accompagnais dans leurs missions, qui étaient majoritairement d'empêcher le gouvernement de commettre leurs crimes. On faisait de notre maximum pour que la Guarda ne puisse pas retenir les pokemons dans ces foutus cages. On libérait nos amis pokemons, pour les rendre à leurs propriétaires angoissés. On réussissait aussi à rendre leur liberté aux captifs, ceux qui n'avait rien demandé, pour qu'ils retournent à leurs vies. Avec le temps, on parvenait aussi à stopper certaines livraisons et mettre encore plus de bâtons dans les roues du gouvernement. Mais on faisait ça bien, on ne s'occupait pas des affaires des bas-fonds, seulement de celles qui nous paraissaient justes. Et dans la légalité, ou presque, ce qui nous permit de nous faire peu à peu connaître parmi les rares clans de rebelles.

Il y a quelques mois, j'ai décidé de rejoindre le mouvement M.U.N.J.A. Je savais très bien que mon nom de famille, que je ne reniais pas uniquement par respect pour mon père, leur serait d'une grande utilité. Je pouvais faire la taupe, Hercule toujours dans les coups avec moi. Mais, en plus de chopper des informations autour de ma famille, je leur offrais aussi les faiblesses qu'avaient Elsa-Mina et Luciano. Je voulais devenir un héros, comme mon père. Vous savez, il y a plus de héros dans l'ombre que dans la lumière, mais un jour, moi aussi je serais quelqu'un d'important !