La fête battait son plein. Les effluves de joie envahirent les rues de La Isacao et comme tous les ans, la politique ne vint pas interférer. Dora tenait une discussion passionnée avec Luciano, certainement en train de se complimenter l’un l’autre. Impossible. Syrius quant à lui prenait tranquillement un verre. Personne ne daigna me rejoindre au milieu des danseuses, bien, j’allai donc profiter de cette bonne compagnie. Je suivis le cortège, dansant au rythme endiablé des musiques latines et fricotant avec certaines passantes. Mon charme s’avéra être toujours opérationnel, malgré cette tenue particulière. Cette dernière fit rire de nombreuses personnes, j’aurais pu me sentir mal à l’aise, mais ce n’était pas mon genre. Assumer, voilà la clé du succès.

Je sortis enfin du cortège, éloigné de mes amis. Téléphone en bain, je prévins Dora de la position à laquelle je me trouvai. Face à moi s’ouvrait la majestueuse baie de Lorena. Son eau calme possédait la faculté d’apaiser l’esprit le plus angoissé. Je pris une grande inspiration et me retournai pour remonter l’avenue. L’onde s’agita et une immense masse d’eau se souleva pour révéler un Tentacruel enragé. Jamais un tel pokémon ne se serait aventuré si près d’une ville humaine, quelque chose avait dû attirer son attention. Mais l’heure n’était plus à la réflexion. Les civils devaient évacuer !

-Eloignez-vous le plus possible de la baie !

Je criai pour que ma voix puisse se faire entendre parmi tout ce vacarme. Fort heureusement, les danseuses du Carnaval se positionnèrent en guides. Très vite la rue se dégagea pour laisser place à quelques dresseurs hardis et à la Guarda. Leur gaz annihilant n’eut pas l’effet escompté, bien au contraire il fit entrer le Pokémon sauvage dans une rage plus grande encore. Des incapables.

Les premières attaques pour stopper le mastodonte furent lancées, malheureusement il répliqua sans attendre. Je regardai autour de moi, il y avait déjà des blessés. Si seulement je pouvais utiliser les Pokémon de la Cage d’Acier … le scénario serait bien différent. Mon esprit se mit en marche, « Nous devrions viser les tentacules en priorité ». Impossible pour Bastet d’atteindre le Pokémon, alors lorsqu’un tentacule se trouva à proximité de nous, le Miaouss se jeta dessus toutes griffes dehors.

C'est seulement parce qu'il y a Adonis qui s'y met que je décide de faire pareil, non sans l'avoir bien maté avant. Je repose donc ma boisson puis m'étire, longuement. Pendant ce temps, les autres continues leurs attaques et si la grosse bestiole fini par s'arrêter, ce n'est pas grâce à eux mais à cause des chars. Bien, au moins, comme ça, elle bouge un peu moins non ?

J'en profite pour sortir Gourmandise qui fait ondulé d’effrois sa crème. Du bout du pied, je l'empêche de fuir et point l'animal gigantesque :

"Fait pas ta chochotte maintenant toi, Adonis nous regarde!" Ou du moins, je l'espérais ! "Allez ma grosse, attaque moi ça... avec n'importe quoi!"

La pauvre Charmilly couine avant de lancer une de ces attaques... Et de tenter de fuir à nouveau en voyant l'un des char être soulever pour être envoyé vers nous. C'est... Magnifique ! Les plumes et autres babioles tournent dans tout les sens et... Et.... Hey! C'est trop proche là ! Finalement, je me retourne vivement pour fuir derrière mon Pokémon avec un rire entre la frayeur et l'amusement.

"Et après on dit que les combats sont interdit ahahahaha!"

J'esquive de justesse l'un des débris en zigzagant, relevant ma jupe pour être sur de pas marcher dessus. C'est presque un miracle que je ne me casse pas la figure avec les talons d'ailleurs.

En avant la musique

« Ici la citation »

* * *

« — Ce n’est pas pour moi que tu te bats, garçon » affirma Luciano à l’attention du chien électrique « Si tu ne nous aide pas, des gens vont mourir, des innocents » assura-t-il.

Plusieurs pokémons, déjà, avaient succombé à la puissance de ce Tentacruel monstrueux. Un millier de questions s’accumulaient dans l’esprit de l’intendant : d’où ce Tentacruel tenait-il sa taille ? Pourquoi le système Pérola ne fonctionnait pas sur lui ? Pourquoi sa colère s’abattait-elle sur la ville ? Le gouvernement de Cinza s’échinait à rendre justice aux pokémons, à rendre leur vie meilleure … et c’était ainsi qu’ils étaient remerciés ? Cette idée lui laissa un goût amer en bouche.

« — Fais ton choix, mais fais-le vite » lui intima l’intendant.

Soudainement, plus proche que Luciano ne l’avait cru, le Tantacruel abattit l’une de ses gigantesques tentacules sur un immeuble à proximité, et un nombre incalculable de débris plus ou moins imposants retombèrent sur la zone …

Les attaques n’eurent que très peu d’effets sur le monstre, qui avançait de plus en plus vers le centre de la capitale. Le nombre de blessés dans le rang des attaquants commença à augmenter drastiquement, faute aux débris métalliques qui volaient dans tous les sens. Je me posai alors la question, la priorité était évidemment de stopper la frénésie du Tentacruel, mais quelqu’un devait s’occuper des blessés.

Je laissai donc faire les troupes en action et m’approchai des victimes, afin de leur porter assistance. Des équipes médicales avaient été dépêché sur place, pour aider les évacuations et prodiguer les premiers soins. J’indiquai donc aux secouristes où se trouvaient les personnes que j’avais précédemment vues.


Je libérai Sobek, mon Sharpedo récemment adopté. Je ne souhaitai pas qu’il prenne part au combat, mais je n’avais plus le choix. Il fallait tout tenter pour mettre un terme à ce massacre. Je vis des compagnons tomber, leurs Pokémon blessés… Cet événement restera à jamais gravé dans l’esprit des Cinzans. Et je me demandai comment le gouvernement et les médias corrompus couvriraient tout ceci. En manipulant l’information, certainement.

-Essaye de foncer derrière lui et de le taper dans le dos, cela devrait le surprendre et pourrait détourner son attention.

Ce plan n’était pas idiot. Il suffirait l’occuper le temps d’évacuer la population et la manière façon d’y parvenir serait de le prendre à revers. J’intimai à Sobek de plonger pour éviter de se faire repérer et de lancer une attaque Morsure une fois dans le dos du Tentacruel. La première attaque de Bastet ayant raté, je croisais les doigts et restai sur mes gardes. Je refusai de me prendre un bout de tôle sur la tronche.

Vigilance pas assez accru visiblement, puisque l'onde de choc provoquée par les attaques me projeta violement en arrière. Mon dos heurta l'épave d'une voiture, dont un bout de déraille d'enfonça profondément dans mon épaule.

Alors que pleuvaient autour de lui les graviers et les débris colorés de ce qui avait, pendant un temps, formé de splendides chars de parade, Lekka se demandait de quelle terrible force divine il s’était encore attiré les foudres.
Le malheureux n’avait rien vu venir. À sa décharge, c’était aussi le cas de tous les autres festivaliers ; mais lui fut d’autant plus prompt à la sidération qu’il assistait pour la première fois de sa vie au fameux carnaval de La Isicao, et qu’il était bien loin de songer que l’événement pût déraper de façon si… spectaculaire. En bon touriste qu’il était, il ne s’était pas préparé à la fièvre décomplexée de ces manifestations de liesse et était passé à côté de nombreuses traditions - par exemple, il n’était pas costumé, une erreur qu’il ne regrettait plus du tout depuis qu’un Tentacruel d’une taille dépassant l’entendement s’était invité à la fête. Selon toute vraisemblance, le déhanché surnaturel et les tenues non moins provocantes des danseurs n’avaient pas eu l’heur de plaire à la créature tentaculaire, puisqu’elle s’était empressée de tout détruire de la belle procession, tel un bambin pris de caprice, sitôt qu’elle eût jailli de l’océan.
Terré derrière les vestiges d’un véhicule à l’effigie de Suicune, Lekka tentait d’apaiser les battements affolés de son coeur cependant que la foule en déroute hurlait et fonçait entre les décombres du défilé, animée du seul désir de fuir vite, très vite, et surtout très loin de l’immonde céphalopode et de ses proportions grotesques. L’étudiant sentait bien qu’il avait frôlé la crise : son cœur avait déjà déraillé pour moins que ça. Par chance, Kohaku se tenait près de lui. Ils n’avaient pas été séparés par la débandade des participants, et c’était même grâce au Noctali que Lekka avait pu sortir de sa torpeur pour trouver refuge au pied du char détruit. Dès lors, son partenaire avait glissé sa tête duveteuse sous sa main et s’évertuait à le calmer de sa présence bienveillante. Rien ne semblait à même de troubler sa sérénité de façade, mais son inquiétude envers son Dresseur était bien réelle.
« Je… Je vais mieux, Kohaku, » ahana ce dernier, sans pour autant ôter sa main de la tête du Pokémon. Le Noctali ne répondit pas ; ses prunelles rubis parlaient pour lui.
Autour d’eux, le chaos des cris et les craquements des bâtiments qui cédaient furent brièvement couverts par un gargouillis tonitruant, infâme, en provenance du mastodonte à l’origine de l’apocalypse. Un nuage de poussière plus dense qu’un brouillard d’automne s’abattit sur les environs, et suffoqua un peu plus Lekka alors qu’il peinait à retrouver ses esprits. Une toux violente le secoua ; ses cheveux, son visage, ses vêtements se couvrirent d’ocre. Il faut partir, vite ! De toute évidence, Kohaku partageait son avis : il saisit la manche de son maître entre ses crocs et tirailla dessus pour l’inciter à se lever, non sans éternuer à son tour. Sa soyeuse fourrure d’encre était noyée d’une crasse blanchâtre.
Sans hésiter davantage, Lekka ignora les protestations de son cœur et se mit sur pied, chancelant, dans l’optique de déserter les lieux tant qu’il le pouvait encore. Kohaku lui emboîta aussitôt le pas, déterminé à ne pas quitter son maître d’une semelle. Le nez fourré dans son coude replié, le garçon s’élança à l’aveuglette dans une direction qui lui semblait s’éloigner du désastre. Bien lui en prît : il n’eût pas quitté son refuge précaire contre le chariot au Suicune qu’un nouvel accès de colère du Tentacruel réduisit le véhicule en charpie. Une pluie de gravillons s’écrasa sur ses talons ; un frisson glacé pétrifia son échine lorsqu’il pensa à ce qu’il serait arrivé s’il avait tardé davantage…
Kohaku ouvrait la marche : situé plus près du sol que son Dresseur, il y voyait et respirait mieux, et ses anneaux lumineux lui permettaient de rester visible malgré la poussière. La terre laissait échapper des plaintes angoissées et des tremblements de mauvais augure sous le passage du monstre, lequel progressait au moins aussi vite que Lekka fuyait… L’adrénaline et l’instinct de survie avaient pris les commandes de son cerveau, si bien qu’il ne raisonnait plus qu’en pensées brèves et abstraites, chargées d’émotions simples, comme un animal ; la peur le dominait et il aurait couru jusqu’aux confins de l’horizon si sa conscience ne s’était soudain réveillée à l’appel déchirant d’un enfant.
L’étudiant se figea sur place, frappé par ce cri comme par un obstacle pris de plein fouet. « Noc ! Tali ! » brailla Kohaku d’un ton alarmé quand il s’aperçut que son compagnon humain ne suivait plus. D’un bond, il le rejoignit pour tirer sur son pantalon de sa petite gueule, mais Lekka ne réagit pas. « Ces gens… » murmura-t-il tout bas, les prunelles écarquillées. Il contempla l’horreur qui se déroulait sous ses yeux médusés, le sang, les victimes, les fuyards qui détalaient à qui mieux mieux et les âmes vaillantes qui s’unissaient pour secourir les plus mal en point. Le décor s’effondrait partout alentour, pourtant certains persistaient à se battre…
Quelque chose remua au fond de son cœur abîmé. Ressuscitée par la nécessité, alors qu’il pensait avoir depuis longtemps fait le deuil de cette vie oubliée, toute sa vieille formation de Ranger émergea à la surface de sa mémoire, avec la force inexorable d’une marée montante. « On ne peut pas rester sans rien faire ! » s’écria-t-il à Kohaku par-delà le brouhaha ambiant, avant de faire volte-face. Il était épouvanté, la douleur et l’incertitude tiraient les traits creusés de son visage, pourtant il ne pouvait tourner le dos à ce pour quoi il s’était battu pendant si longtemps - quand bien même cette époque était-elle révolue.
Kohaku protesta vigoureusement face à cette idée insensée, mais Lekka n’en démordait pas. « De toute façon, il court plus vite que nous ! Il faut se battre, l’obliger à ralentir ! » Il n’avait jamais vécu de situation du genre, à Kanto - et pour cause - mais s’il n’avait pas accompli de missions sur le terrain, l’ancien apprenti Ranger était sûrement mieux préparé que la plupart des gens à ces moments de crise.
Le Noctali resta un moment immobile, silencieux, considérant son meilleur ami de ses larges prunelles rouges. Un accord tacite passa entre eux, un message lourd de sens entre deux partenaires qui se soutiendraient coûte que coûte et se battraient l’un pour l’autre jusqu’à la fin ; puis, dans un bel ensemble, humain et Pokémon se tournèrent vers là d’où ils venaient, et s’enfoncèrent droit entre les tentacules furieuses du monstre.  

Loin d’être manichéen, le débat qui avait mené à cette décision – celle d’intervenir – avait été long et chargé de vérités toutes plus nuancées les unes que les autres. Magda ne voulait pas venir en aide à la Guarda et à leurs sbires, qui grouillaient partout dans la ville. Et s’ils se faisaient prendre ? Et s’ils étaient blessés ? Corvus, lui, ne voulait pas laissé mourir des innocents et tous ces gens laissés pour compte, ceux qui, sans doute plus malins qu’eux, avaient accepté par contrainte de plier l’échine face au gouvernement … et qui saignaient aujourd’hui encore de ce choix, qui avait laissé une marque dans leur histoire que le temps lui-même ne serait jamais en mesure de refermer. Bien au-delà de son bon cœur, le choix de Corvus était aussi stratégique : le natif de Sercena avait appris à connaître la politique de ce gouvernement qu’il haïssait tant. Si cette attaque était sans nul doute l’œuvre du hasard, Corvus ne doutait pas un seul instant de voir le gouvernement leur mettre ça sur le dos, à eux, les opposants. Quoi de plus naturel que de leur incomber tous les maux du pays ? S’il se montrait cependant, cela pouvait changer la donne, peut-être, sans doute … s’il défendait la ville, la population serait bien obligé de voir qu’ils n’y étaient pour rien, non ? Le gouvernement ne manquerait pas de démentir la vérité et de transformer les faits – ne le faisait-il pas toujours ? – mais le rebelle aurait au moins eu le mérité d’essayer … pour une fois. Qu’est-ce qui l’avait fait changer, qu’est-ce qui le faisait sortir aujourd’hui de l’ombre, lui qui y était resté ces cinq dernières années ? Nouvellement apparues, l’ancien dompteur avait désormais ses propres motivations.

Corvus avait quitté la zone peu après l’arrivée du Tentacruel afin de se préparer hâtivement à ce qui promettait d’être un rude combat. Le combat aérien était sa meilleure option, mais aussi la plus sûre … comment être certain que la Guarda comptait être fair-play ? Le rebelle ne comptait pas là-dessus et rester hors de portée était la condition sine qua non à la réussite de son entreprise, qu’il n’imaginait pas une seule seconde sans embuches. Une fois prêts, les deux garçons se séparèrent – Magda ayant fait le choix de rester sur terre – et loin de devoir la motiver, Corvus sentit la puissance des ailes d’acier de l’Airmure le propulser dans les airs. Animée par l’envie de batailler, Skadia filait à toute vitesse en direction de l’action, portant à la fois son cavalier mais aussi celle qui, depuis toujours, suivait Corvus dans toutes ses aventures ou presque : agrippée à la selle, sa position fermement tenue, Salava était elle aussi de la partie.

Inventif, le plan de Corvus reposait sur l’effet de surprise, aussi laissa-t-il l’oiseau les conduire haut dans le ciel, où les nuages dissimuleraient leur arrivée. Le rebelle faisait confiance au regard perçant de l’Airmure pour savoir où aller et en cela Skadia ne le déçut pas : lorsque l’oiseau d’acier quitta finalement le couvert des nuages, Corvus se retrouva juste au-dessus du Tentacruel … qui avait entre temps laisser s’écouler sa rage à de multiples reprises. Parce qu’elle n’avait jamais su se montrer discrète et que cette fois-ci ne faisait pas exception à la règle, Skadia apparut en braillant : comme un éclat de tonnerre, son cri strident retendit soudainement dans le ciel, puissant, coléreux, couvrant un instant le brouhaha généré par la panique. Incapable de discerner ce qui se passait en contre-bas et encore moins de deviner qui se trouvait là, Corvus tâcha de rester concentrer tandis que l’Airmure s’approchait toujours plus du Tentacruel, dont l’origine de la colère était encore inconnue. Du regard, l’ancien dompteur avisa la distance qui le séparait de la créature … s’approcher, laisser Salava atteindre son adversaire, puis user des phéromones de la Malamandre pour le rendre moins vindicatif, tel était son plan. Était-ce vraiment une bonne idée ? Il était un peu tard pour faire machine arrière et Corvus était bien le seul à se poser cette question, car ni Skadia ni Salava ne semblaient hésiter. Un violent coup de tentacule à l’encontre de l’un des immeubles le fit s’écarter un instant ; un écart qui aurait mis à mal l’assise de bien des cavaliers, mais pas celle de Corvus, qui brillait par sa dextérité en la matière. S’éloignant de l’édifice qu’il devinait hélas habité, Corvus laissa l’Airmure leur éviter une malencontreuse rencontre avec les débris de la tour qui, déjà, commençait à s’effondrer sur nul autre que le Tentacruel lui-même. L’impact sonna le monstre et Corvus vit dans cet évènement une inespérée opportunité : de nouveau, l’oiseau d’acier s’approcha de la créature et lorsqu’ils furent suffisamment près, plus courageuse qu’il n’y paraissait la Malamandre se jeta dans le vide, quittant le dos de l’Airmure pour espérer terminer sa course sur la tête du Tentacruel.